«Il n’y a eu aucun progrès pour les droits de l’homme en Algérie»
Noureddine Benissad. Président de la LADDH
«Il n’y a eu aucun progrès pour les droits de l’homme en Algérie»
El Watan, 11 décembre 2016
A l’occasion de la célébration du 68e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, le président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme, Noureddine Benissad, fait état de violations régulières de toutes les libertés individuelles et collectives…
L’Algérie célèbre aujourd’hui le 68e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Y a-t-il une évolution positive à signaler par rapport à l’année 2005 et aux années précédentes ?
Comme chaque année, et depuis sa création, la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (loin du style folklorique) célèbre la Journée mondiale de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948. Nous allons la dédier cette année aux droits économiques et sociaux, compte tenu de l’actualité. Notre pays a vécu sous un état d’urgence de 1992 à 2011, soit pendant 19 ans.
Durant cette période, toutes les libertés ont été mises «sous état d’urgence», autrement dit des libertés suspendues ; nous avons salué la levée formelle de l’état d’urgence en 2011, mais force est de constater que sur le terrain, il n’y a pas eu de progrès.
Pis encore, on a relevé une régression notamment par le contenu de certaines lois liberticides, comme la loi relative aux associations qui est incompatible avec la Constitution et les conventions internationales relatives aux droits de l’homme, notamment le Pacte international sur les droits politiques et civils ratifié par notre pays. Nous avons présenté, en 2012, avec un certain nombre d’associations, un projet alternatif conforme aux standards internationaux afin de permettre aux citoyens et citoyennes de s’organiser librement. Notre texte est de nature à jeter les jalons d’une société civile active. Il est incontournable pour toutes les actions citoyennes dans les différents domaines de la vie sociale.
Les libertés de manifester, de se réunir, de s’organiser et, par conséquent, de s’exprimer pacifiquement sont malmenées sur le terrain, malgré le fait que ces libertés sont consacrées par les textes sus-indiqués. La LADDH continuera de revendiquer l’exercice des libertés, de faire un effort pédagogique pour vulgariser ces droits auprès de l’opinion publique et par la formation de ses militants aux droits de l’homme.
Nous continuerons à appeler à l’indépendance du pouvoir judiciaire de manière à lui permettre d’être un véritable garant des libertés individuelles et collectives et d’être aussi un «producteur de jurisprudence» et des libertés. Nous sommes d’ailleurs en attente des lois organiques sur le statut de la magistrature et du Conseil supérieur de la magistrature, prévues par la loi 16-06 du 6 mars 2016 portant révision constitutionnelle, pour voir s’il y a une véritable volonté politique de donner un sens au principe de la séparation et de l’équilibre des pouvoirs et in fine de l’indépendance du pouvoir judiciaire.
Pourtant, depuis le début de l’année en cours, les différents représentants du pouvoir ne cessent de promettre une révolution en matière de démocratie et de respect des droits de l’homme…
L’histoire de l’humanité nous montre que le premier violateur des droits de l’homme a toujours été l’Etat avec toute sa puissance contre le citoyen démuni et sans moyen de se défendre. On ne saurait, à mon sens, même dans une démocratie, se reposer sur le pouvoir pour garantir les libertés. Le respect des droits de l’homme dépend aussi de la capacité des citoyens à se mobiliser pour les défendre, à les transformer en «cause» civique.
Il faut peut-être de nouvelles formes d’engagement, distinctes du militantisme politique et social traditionnel. D’ailleurs, aujourd’hui, les droits de l’homme suscitent un large mouvement d’opinion par la naissance des associations toujours plus nombreuses, qui entendent faire reconnaître et respecter les droits des groupes les plus vulnérables : les droits des femmes, les droits des enfants, les droits des malades, les droits des chômeurs, les droits des migrants, les droits des prisonniers…
Le paradoxe, je l’avoue, est qu’il est plus facile de défendre et faire progresser les droits de l’homme dans les pays démocratiques que là où ils ne sont pas respectés. La société civile doit d’abord bénéficier d’un cadre juridique approprié et conforme aux standards internationaux en matière de droits de l’homme par la promulgation d’une nouvelle loi qui facilite la fondation libre d’associations et qui encourage leurs actions, car l’association est le meilleur moyen d’apprentissage de la démocratie, du dialogue et de la citoyenneté.
On a assisté, ces derniers mois, à une multiplication des arrestations de citoyens et de militants des droits de l’homme en raison de leurs publications sur les réseaux sociaux. N’est-ce pas une nouvelle forme d’atteinte aux libertés individuelles et à la liberté d’expression qui se généralise ?
Si les écrits, publications ou caricatures ne font pas l’apologie du terrorisme, du crime, de la violence ou de la haine, nous considérons qu’effectivement leurs auteurs ne font qu’exprimer une opinion et donc font partie de la liberté d’expression. La sanction des délits de droit commun, l’insulte, l’injure, la diffamation et les atteintes à l’honneur et à la considération des personnes, est prévue par la loi pénale. Je trouve tout à fait juste qu’une personne insultée, injuriée ou diffamée demande réparation auprès des tribunaux.
A ma connaissance, l’injure, l’insulte ou la diffamation ne sont pas des droits qui sont reconnus à une personne. Mais encore, il faut prouver devant un tribunal que ces délits sont établis. Le harcèlement et la répression contre les militants des droits de l’homme sont plus pernicieux. Souvent les poursuites se fondent sur des qualifications erronées et sournoises, telles que «atteinte à l’ordre public», «attroupement illégal», «incitation à l’attroupement» alors qu’il s’agit de rassemblement, sit-in, manifestation au demeurant pacifiques ou opinions politiques critiques.
Ces dispositions pénales empruntées au code pénal français des siècles derniers, abrogées d’ailleurs aujourd’hui dans ce pays, ne sont pas conformes à la Constitution et aux conventions internationales sur les droits de l’homme ratifiées par l’Algérie et dont nous demandons depuis longtemps leur abrogation.
La création prochaine d’un «haut conseil des droits de l’homme» sera-t-elle une opportunité pour pousser l’Algérie au rang des nations respectueuses des droits de l’homme ?
L’utilité d’une telle instance dépend de la volonté politique de promouvoir les droits de l’homme. Il existe après tout dans les pays démocratiques les mêmes instances consultatives pour conseiller et faire des propositions aux autorités afin d’intégrer les droits de l’homme dans leurs politiques publiques et les différentes législations. Cependant, le respect des droits de l’homme est devenu, partout dans le monde, un enjeu politique majeur, de sorte que la dénonciation de leur violation, de son appropriation formellement ou par le discours, obéit au moins autant à des stratégies étatiques qu’au souci de protéger les victimes.
C’est pour ces motifs que c’est à travers la société civile que s’exprimera toute la vitalité sociale qui est en mesure, pour peu qu’elle soit encouragée, de proposer des réponses aux principaux défis de la société. La société civile peut être une source d’innovation et peut contribuer fortement à la transformation de la société.
Toute société a besoin de contre-pouvoirs pour faire entendre les voix des sans-voix et être le porte-voix de ceux qui ont des voix et qui ne peuvent s’exprimer. L’appropriation des droits et leur défense sont une cause citoyenne et il n’y a que les citoyens à travers leur organisation qui peuvent les porter très haut.
Quelles sont, selon la LADDH, les étapes à suivre pour consacrer le respect des droits de l’homme dans le pays ?
L’histoire des droits de l’homme n’est ni l’histoire d’une marche triomphale et linéaire ni l’histoire d’une cause perdue d’avance, elle est l’histoire d’un combat.
C’est vrai, comme je l’ai dit plus haut, qu’il est plus facile de défendre et de promouvoir les droits de l’homme dans un pays démocratique que dans un pays qui ne l’est pas, mais il n’y a pas de fatalité. Les droits ne sont jamais acquis définitivement, on peut tenter de vous les enlever, les remettre en cause à n’importe quel moment, mais il ne faut jamais abdiquer ni s’y résigner. Les droits de l’homme doivent être érigés en norme supra-constitutionnelle de manière à ne permettre à aucun corps social de les remettre en cause en les accompagnant de lois qui les protègent réellement, mais il faut toujours rester vigilant, car une loi n’est en dernier ressort que l’expression d’un rapport de force entre les forces sociales et les différents intérêts.
Le pouvoir judiciaire indépendant y compris le Conseil constitutionnel ont un rôle important dans la protection des droits de l’homme et des libertés en les consacrant par une jurisprudence et en rappelant tout le temps leurs violateurs que ces droits et libertés sont inviolables et sacrés. La LADDH a de tout temps apporté sa contribution en matière de promotion et de défense des droits de l’homme par la veille et la dénonciation, mais aussi pédagogiquement à travers la vulgarisation des thématiques des droits de l’homme, de la formation aux droits de l’homme, au débat national et des propositions pour faire avancer la cause, car l’ignorance, l’oubli ou le mépris sont les seules causes des malheurs des peuples.
Les droits de l’homme englobent aussi les droits sociaux économiques. En cette période de crise financière, les Algériens, qui ne bénéficient pas d’un cadre de vie décent, peuvent-ils espérer une amélioration de leur situation ?
Comme précisé dans la première réponse, la célébration de la Journée mondiale de la Déclaration universelle des droits de l’homme sera dédiée aux droits économiques et sociaux. Notre pays a ratifié le pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels, c’est ce qu’on appelle la deuxième génération des droits de l’homme.
A ce titre, il est de la responsabilité de l’Etat de protéger les catégories sociales les plus démunies et les classes moyennes, notamment les catégories les plus vulnérables, les retraités, les enfants, les femmes, les malades, les chômeurs et ceux dont les revenus sont faibles. C’est un devoir qui s’impose au regard donc de ses engagements internationaux.
Mais il est aussi de son devoir d’organiser la solidarité nationale envers les plus démunis d’entre nous. On remarque que les riches deviennent de plus en plus riches et les pauvres encore plus pauvres et le constat est valable en période d’embellie financière ou en période de crise. Autant pendant la période des vaches grasses, la répartition de la richesse nationale n’était pas équitable, autant il est inconcevable qu’on puisse répartir les effets de crise équitablement.
Certains droits, comme le droit à l’éducation, aux soins, à une retraite décente, à l’emploi et au logement sont des droits incompressifs, il va de la préservation du tissu social et de la cohésion sociale. C’est aussi une question de dignité humaine. La justice sociale se trouve ainsi liée à la question des droits de l’homme de deux façons : parce qu’elle est au cœur même des droits de l’homme comme elle est au cœur de la démocratie.
La question des migrants subsahariens, qui continuent de souffrir le martyre en Algérie, suscite à nouveau la polémique…
Il faut d’abord démystifier la question des migrants. La migration, et contrairement aux affirmations péremptoires utilisées d’ailleurs outre-mer par des idéologues du populisme et l’extrême droite, est d’abord intra-africaine à 90%. Nous avons entendu des propos inacceptables concernant les migrants.
Les discours ont tendance à mélanger les choses, car il y a plusieurs sortes de migrants africains : les migrants économiques, ceux qui viennent chercher un travail décent pour subvenir à leurs besoins et leurs familles en général laissées dans leurs pays d’origine ; les migrants climatiques, la nature dans leurs pays est dévastée ; les réfugiés qui ont fui les guerres et les exactions et les demandeurs d’asile qui ont fui la répression. On connaît leurs conditions de vie chez nous, ils sont dans des demeures de fortune souvent sans eau, ni chauffage ni électricité et parfois ils vivent avec femmes et enfants.
C’est une situation dramatique sur le plan humain. Il faut rappeler aussi les conditions inhumaines du voyage, puisque ces migrants font des milliers de kilomètres dans des conditions épouvantables.
Ces migrants ont des droits, notamment le droit aux soins, à une couverture sociale quand ils sont recrutés surtout dans le secteur du bâtiment, à la scolarisation de leurs enfants en âge d’être scolarisés et à être traités comme des humains. Notre pays a toujours été une terre d’accueil, d’asile et d’hospitalité et nous avons un devoir de solidarité pour ces êtres humains qui n’ont rien, mais qui tiennent à leur dignité.
Madjid Makedhi
Manifestation de la CNDDC à Ouargla
« La Déclaration universelle des droits de l’homme tranchera entre nous»
El Watan, 11 décembre 2016
Sous l’œil vigilant des agents de l’ordre, une soixantaine de personnes ont participé, hier, à la marche pour les droits fondamentaux initiée par le mouvement des chômeurs à Ouargla.
La manifestation, qui a mobilisé les militants de la Coordination nationale de défense des droits des chômeurs (CNDDC) a vu la présence d’étudiants, de journaliers, de chauffeurs et même de retraités.
Ouargla. 10 décembre 2016. 9h30. Place du Peuple. Un froid de canard régnait sur la grande rose des sables qui surplombe Souk El Hedjar, carrefour commercial historique de Ouargla. La foule vaque à ses occupations en ce week-end qui promet des bonnes affaires à proximité. Nacer, premier arrivé, brandit un écriteau affichant «Liberté et justice sociale». Son copain Madani est la vedette du jour avec sa pancarte appelant à défendre les droits des citoyens. Pour lui, «Ouargla célèbre pour la première fois la Journée des droits de l’homme, elle veut s’émanciper».
Cette journée proclamée par l’ONU depuis 1950 revêt cette année une importance particulière pour ces activistes qui ont organisé une vaste campagne de sensibilisation sur les réseaux sociaux.
Le point culminant de la série de posts publiés ces derniers jours fut l’appel de Tahar Belabes à toutes les forces vives de la société civile : «Oublions nos différends, notre cause est commune. Que la répression cesse et que nous jouissions tous de la liberté d’expression.» Droit fondamental suprême, pour le leader des chômeurs «qu’il s’agisse d’emploi, de logement ou de santé, le combat continue».
«Tendez-nous l’oreille…»
Agrippés à la rose des sables, un monument qu’ils se sont approprié, les manifestants appelaient les passants à s’engager : «Nous parlons pour vous, prêtez-nous une oreille attentive !» L’appel n’a pas tardé à interpeller les badauds.
Pendant une bonne heure et demie, ces cris contre l’injustice, la matraque policière, l’incarcération abusive des militants de tous bords à travers le pays ont résonné dans cet espace très fréquenté. Les gens ont fini par s’arrêter. Un chauffeur de bus s’est arrêté en plein boulevard, réclamant une pancarte qu’il a brandie très haut, la plaçant sur son véhicule. Le groupe veut démontrer que les poursuites udiciaires n’ébranlent en rien ses convictions.
Comme à son habitude, le discours de Tahar Belabès a mis les décideurs devant leurs responsabilités historiques : «Le ministre du Travail vient de déclarer toute honte bue que sa politique répondait à une menace de révolte des jeunes du Sud. Quel est ce gouvernement prouvant chaque jour son échec et qui veut faire porter au peuple ses incohérences et son incompétence ?» Cette mobilisation ne laisse pas de marbre le nouveau wali de Ouargla.
Si ses prédécesseurs feignaient ignorer le mouvement des chômeurs, hormis dans les rapports au gouvernement, Abdelkader Djellaoui a vivement réagi aux doléances de la manifestation du 24 novembre dernier réclamant le dégel des projets. Sur les ondes de la radio locale, le wali a en effet précisé que «ces projets étaient reportés et non pas gelés». Autre réponse, moins tempérée, celle de la justice qui a intensifié ses investigations en poursuivant les participants à la marche par des convocations et des jugements par contumace. Belabbes, mettant au défi la justice d’organiser une conférence de presse sur le dossier des activistes poursuivis, s’écrie : «Ouargla a changé depuis le 14 mars 2013, c’est la Déclaration universelle des droits de l’homme qui tranchera entre nous.»
Libérez les prisonniers d’opinion
Les manifestants quittent la rose des sables pour la place du Peuple. Il fait moins froid, la foule s’agglutine : «Libérez Hassan Bouras et tous les prisonnier d’opinion», «Non au muselage, non au tout-sécuritaire», «Libérez le dossier de l’emploi», «Halte à l’instrumentation de la justice». Des slogans mis en évidence par Nacer, ses camarades et la petite Manar symbolisant l’espoir d’une concrétisation future des aspirations sociales et citoyennes des chômeurs.
«Notre mobilisation se veut un message fort à qui de droit, le chômeur n’est pas le désœuvré qu’on veut qu’il soit, il a prouvé sa maturité et son implication sociale», affirme Nacer, qui a tenu à être photographié avec sa banderole. «Nous savons à présent que notre lutte pour un emploi décent doit absolument passer par la liberté de manifester sans craindre la répression», tonne Tahar.
Houria Alioua
Situation des droits de l’homme : Les vives critiques du FFS
Le Front des forces socialistes (FFS) a vivement critiqué la situation des droits de l’homme en Algérie.
Dans un communiqué rendu public à l’occasion de la Journée internationale des droits de l’homme, le plus vieux parti de l’opposition a dénoncé les atteintes multiples aux droits humains et aux libertés individuelles et collectives. Tout en rappelant l’engagement historique du parti pour les droits de l’homme, le FFS estime que rien n’est fait depuis l’indépendance afin d’aller vers l’instauration d’un régime politique démocratique, avec des institutions fortes qui veillent au respect des droits. Le FFS considère que «depuis 1962, l’Algérie vit dans une démocratie de façade, dénuée de tout contenu».
Ce parti fait état d’un recul inquiétant des droits de l’homme durant l’année 2016 à tout point de vue. Il souligne que l’année qui s’achève a été marquée par la multiplication des actes de répression contre les militants associatifs et les syndicalistes, le maintien de l’interdiction de manifester, de se rassembler et de protester pacifiquement dans les lieux publics. Le FFS parle également de la baisse vertigineuse du pouvoir d’achat affecté par les mesures d’austérité imposées par le gouvernement pour amortir le choc pétrolier. Le plus vieux parti de l’opposition a également relevé le harcèlement judiciaire dont font l’objet ses élus, mais aussi les militants des droits de l’homme de la vallée du M’zab. Des atteintes que le FFS dit dénoncer «énergiquement».
Mokrane Ait Ouarabi
Hassina Oussedik, représentante d’AI en Algérie
«Déclin des libertés fondamentales»
Chaque année, un coup de projecteur est orienté sur la situation des droits de l’homme à la faveur de la célébration de la Journée internationale des droits humains.
Et chaque année, le lot d’atteintes à la dignité humaine et au droit à l’expression libre ne connaît pas de courbe descendante. «Nous constatons une très grande régression sur les libertés fondamentales», souligne Hassina Oussedik, directrice du bureau d’Amnesty International (AI) en Algérie. Dans une conférence de presse tenue hier à l’occasion de la Journée internationale des droits humains, Mme Oussedik a souligné que le bilan 2016 n’est pas réjouissant. La représentante d’AI regrette que la réforme de la Constitution n’ait pas été à la hauteur des attentes.
«Concernant les libertés fondamentales, on estime que l’article 41 ter devrait être revu car dans son énoncé en référence au respect des constantes et valeurs religieuses, culturelles et morales de la nation, il permet aux autorités une large interprétation… Toute opinion dissidente peut entrer sous le coup de l’atteinte aux constantes et valeurs de la nation, ce qui fait qu’un certain nombre de personnes peuvent être harcelées et interpellées pour le simple fait d’avoir exprimé une opinion», indique Mme Oussedik.
Se référant à la disposition de la résolution non contraignante des Nations unies sur le respect des défenseurs des droits humains, ratifiée par tous les Etats, la représentante d’AI estime que l’Algérie ne facilite aucunement le travail de défense des droits de l’homme. Bien au contraire, dit-elle, les défenseurs des droits humains sont poursuivis et harcelés qu’il s’agisse des avocats, des journalistes ou des militants associatifs. La représentante d’AI cite les cas des journalistes Mohamed Tamalt et Hassan Bouras, emprisonnés pour avoir exprimé des opinions. «Nous demandons leur libération car il s’agit de prisonniers d’opinion», dit-elle, en citant aussi le cas de militants associatifs arrêtés à Tamanrasset. «Il y a eu des violations des libertés fondamentales qui sont graves», estime Mme Oussedik.
Interrogée sur le refoulement de migrants subsahariens, la représentante d’AI a relevé leur caractère collectif : «Ce que l’on regrette par rapport à ces incidents, tels que relatés dans les comptes rendus des médias, c’est qu’il s’agit de mesures collectives sans prendre le soin d’étudier chaque cas… Il peut y avoir des réfugiés politiques parmi ces migrants. Les refouler est une grave atteinte aux droits fondamentaux de ces personnes.
De plus, il y a parmi ces populations de migrants des groupes vulnérables, comme les femmes, les enfants et les personnes malades qui méritent une protection particulière», indique Mme Oussedik, en notant que sur cette question, il y a eu un manque de discernement : «Il est regrettable que le pays, qui hier était un exemple pour les pays africains, traite ainsi ces migrants.» L’oratrice relève une lueur d’espoir dans la mobilisation des jeunes pour lutter contre les injustices. «Malgré les contraintes, la société civile est extrêmement dynamique, notamment les jeunes qui sont présents dans différentes actions sur le terrain dans un esprit de solidarité et d’engagement pour les droits humains, même à l’international. Cela témoigne d’une grande maturité et d’ouverture d’esprit», note la responsable d’AI.
D’ailleurs, à l’instar de nombreux pays, l’Algérie, à travers le bureau d’AI, s’est engagée dans le cadre du marathon des lettres «Ecrire pour les droits» en faveur des personnes emprisonnées, persécutées et torturées à travers le monde pour leurs opinions. «Cette année encore, nous appelons les Algériennes et Algériens à nous rejoindre afin d’exprimer leur solidarité et contribuer à changer la vie de ces individus», lance Mme Oussedik. Dans une vingtaine de wilayas, des jeunes sont mobilisés pour la collecte de signatures en faveur de la libération du photographe égyptien Shawkan, de l’avocat turc Eren Keskin, du lanceur d’alerte Edward Snowden et des jeunes Azerbaidjanais Bayram et Gyas.
N.B.
Droits de l’Homme en Algérie
Lakhdar Brahimi relève une «amélioration constante mais insuffisante»
Le diplomate algérien Lakhdar Brahimi a affirmé, hier à Alger, que la situation des droits de l’homme en Algérie était «en amélioration constante», mais «insuffisante», ajoutant qu’aucun pays dans le monde ne peut prétendre la perfection en matière des droits de l’homme.
«Je ne pense pas qu’il y ait en Algérie quelqu’un pour prétendre que la situation des droits de l’homme est exemplaire, mais force est de constater qu’elle est en amélioration constante et il faut poursuivre les efforts pour parvenir à cet objectif», a déclaré M. Brahimi en marge de sa distinction par la Commission nationale consultative pour la promotion et la protection des droits de l’homme (CNCPPDH) qui lui a remis le Prix des droits de l’homme dans sa troisième édition.
«Ce qui a été réalisé en Algérie depuis l’indépendance est une fierté pour tous les Algériens, mais l’Etat aussi bien que le citoyen doivent œuvrer à la promotion de ce volet», a ajouté M. Brahimi. Reprenant une citation du président cubain Raul Castro affirmant que la garantie des droits de l’homme nécessite pas moins de 62 critères, il a indiqué qu’«aucun pays dans le monde ne réunit toutes ces conditions». Evoquant l’action de la Cour pénale internationale (CPI), dont il a déploré le rôle réduit, M. Brahimi a réitéré sa foi en la justice internationale et rappelé son enthousiasme lors de la création de cette instance en 1992, ajoutant qu’aujourd’hui, il doute fortement de sa viabilité.
Ce constat, il l’explique par le retrait des grands pays, comme la Chine, l’Inde, les Etats-Unis et la Russie. L’efficacité de la CPI est d’autant plus remise en cause que trois pays des cinq membres du Conseil de sécurité, détenant le droit de veto, ne font pas partie de la composante de cette instance internationale, a-t-il précisé.
Pour M. Brahimi, la justice internationale doit revêtir un cachet universel applicable à tout un chacun. Cependant, a-t-il expliqué, des pays comme les Etats-Unis ont conclu des accords avec pas moins de 101 pays pour assurer la protection de leurs ressortissants ayant commis des crimes sur un territoire étranger, ce qui limite l’action de la CPI. Lakhdar Brahimi a été honoré pour son riche parcours diplomatique et «son engagement constant dans le règlement des conflits à travers sa quête permanente de moyens à même de favoriser le dialogue», ce qui fait de lui «un artisan de la paix» de premier rang.
Né en 1934 à El Azizia (Médéa), Lakhdar Brahimi a rejoint le Front de libération nationale (FLN) alors qu’il était étudiant à Paris. Il était chargé de représenter le FLN dans la région sud-est de l’Asie durant cinq années. Après l’indépendance, M. Brahimi est devenu représentant permanent de l’Algérie auprès de la Ligue arabe, ensuite ambassadeur en Egypte, au Soudan et en Grande-Bretagne, puis conseiller diplomatique du président de la République.
Il a occupé également le poste de ministre des Affaires étrangères de l’Algérie, secrétaire général adjoint de la Ligue arabe et envoyé spécial de la tripartite de la Ligue arabe pour le Liban. Et c’est grâce à son talent de négociateur qu’il est parvenu à l’accord de Taif qui a mis fin à la guerre civile au Liban.
APS
Joan Polaschik salue les efforts des défenseurs des droits de l’homme algériens
Madame l’ambassadeur des Etats-Unis en Algérie, Joan Polaschik, a rendu publique hier une déclaration à l’occasion de la célébration de la Journée internationale des droits humains.
«Ici en Algérie et à travers le monde, les Etats-Unis saisissent cette occasion pour reconnaître les efforts des défenseurs des droits de l’homme qui travaillent sans relâche pour défendre les droits des autres et qui font la différence dans leurs communautés», souligne Mme Polaschik dans sa déclaration. Et de préciser que les «militants de la société civile, les journalistes et les universitaires algériens qui ont poursuivi leur travail tout au long de la décennie noire nous ont donné un exemple inspirant à suivre. Aujourd’hui, des militants de la société civile algérienne, hommes et femmes de tous âges, continuent de travailler tous les jours pour faire de leur pays et du monde un meilleur endroit». Mme Polaschik indique que l’ambassade américaine a accueilli, la semaine dernière, des membres de la société civile pour un forum public et une discussion sur les droits de l’homme et comment les citoyens peuvent défendre leurs droits, outre la mise en place d’un web chat pour que des jeunes Algériens échangent avec de hauts responsables américains des droits de l’homme.
R.P.