Un rapport du département d’Etat sur le trafic humain épingle l’Algérie et le Maroc
Boualem Alami, Maghreb Emergent, 21 Juin 2012
Selon ce rapport, l’Algérie ne s’est pas pleinement conformée aux « normes minimales de la loi relative à la protection des victimes du trafic humain ». Contrairement au Maroc, également critiqué, elle ne ferait pas de grands efforts pour appliquer ces normes. Fragilisés par leur statut de migrants irréguliers, note le document américain, de nombreux Subsahariens des deux sexes subissent dans ces deux pays les dures épreuves du travail forcé et du trafic sexuel
L’Algérie est le pays maghrébin qui fait le moins d’efforts pour la protection des victimes du trafic humain, estime le rapport 2012 du département d’Etat sur la traite et le trafic humain dans le monde.
Moins bien notée que le Maroc et la Tunisie, l’Algérie est classée au niveau 3 qui comprend « les pays qui ne se sont pas pleinement conformés aux normes minimales de la loi relative à la protection des victimes du trafic humain et ne font pas d’efforts considérables pour s’y conformer ». Ses deux voisins sont classés, eux, au niveau 2, celui « des pays qui ne se sont pas pleinement conformés à ces normes minimales, mais font des efforts considérables pour se mettre en conformité » avec elles. Pour rappel, selon la classification du département d’Etat, le niveau 1 regroupe les « pays se conformant pleinement aux normes minimales de cette loi ».
L’Algérie, un pays de « transit » difficile pour les migrants
Le rapport 2012 du département d’Etat indique que « l’Algérie est un transit et, dans une moindre mesure, une destination et une source pour les femmes et les hommes soumis au travail forcé et au trafic sexuel ». Il ajoute : « Le plus souvent, les hommes et les femmes venues d’Afrique sub-saharienne entrent en Algérie volontairement mais de manière illégale, avec l’aide de passeurs, dans le but de se rendre en Europe. » Il cite le cas de femmes subsahariennes « forcées » à la prostitution par des réseaux criminels, et, « dans une moindre mesure », celui de certains hommes subsahariens, pour la plupart originaires du Mali, « forcés de travailler comme employés de maisons, alors que les propriétaires confisquent leurs documents d’identité, ce qui est un indicateur de travail forcé ».
Avec « le resserrement des frontières de l’Europe, l’Algérie devient de plus en plus une destination à la fois pour les migrations clandestines et le trafic humain », estime le rapport, selon lequel les Maliens qui ont fuit l’insécurité au nord de leur pays « se déversent en grand nombre dans le sud de l’Algérie ». « Certains migrants pourraient être vulnérables en s’adonnant au travail forcé ou contraints à la prostitution, note-t-il précisant que les autorités n’ont pas « fourni d’aide juridique aux victimes » du trafic humain et qu’il n’y a pas de « programme officiel pour encourager les victimes de la traite à participer aux enquêtes ou aux poursuites contre les auteurs du trafic humain ».
Efforts insuffisants
Pour les rédacteurs du rapport, certes le gouvernement algérien a intenté des poursuites en vertu de la loi anti-traite de 2009 mais « tout en continuant à confondre le trafic humain et les passeurs de clandestins ». L’Algérie, jugent-ils, a « échoué à identifier et à protéger les victimes de la traite et a continué à manquer de mesures adéquates pour protéger les victimes ».
Le gouvernement algérien a annoncé, souligne le document, « des enquêtes et des poursuites contre les délinquants en vertu de la loi sur la traite humaine » mais « il était difficile de savoir s’il s’agissait de traite des êtres humains ou de cas de passeurs de clandestins, lesquels ne semblent pas entrer dans le champ d’application de la loi sur la traite des personnes ». « La police et la gendarmerie participeraient aux efforts de lutte contre le trafic sexuel et le travail forcé mais n’ont signalé aucun cas de traite humaine dans le sud algérien », y lit-on encore.
Le rapport du département d’Etat recommande à l’Algérie de « renforcer la mise en œuvre de la loi algérienne de lutte contre le trafic humain en continuant à former la police et les autorités judiciaires », et à « enquêter sur les infractions potentielles ».
Le Maroc également épinglé
Le document épingle également le royaume chérifien en mettant l’accent sur la condition difficile des « enfants travailleurs » et des migrants irréguliers. Il insiste sur la gravité du phénomène, notoirement connu, de l’emploi de garçons et filles en bas âge comme domestiques, ouvriers et apprentis, souvent sans rémunération et dans une totale vulnérabilité à toutes sortes d’agressions (physiques, sexuelles…).
Le trafic humain au Maroc, souligne le rapport, touche également les migrants, Subsahariens, et autres ressortissants des Etats d’Asie du Sud, notamment les Philippines. Entrés volontairement mais clandestinement au pays, ils sont souvent contraints au travail forcé. Les migrantes sont, quant à elles, souvent forcées de se prostituer pour survivre ou sous la menace de réseaux criminels.