Alger rejette l’accusation US de passivité contre la traite des personnes
Oussama Nadjib, Maghreb Emergent, 25 Juillet 2011
Un mois après la publication d’un rapport du département d’Etat mettant lourdement en cause l’Algérie sur la question de la traite des personnes, le ministère des affaires étrangères réagi en rejetant les conclusions d’un rapport qui se fonde sur des « informations erronées ».
Le ministère algérien des Affaires étrangères a affirmé lundi à Alger que le rapport du département d’Etat sur la traite des personnes, incriminant l’Algérie, « se fonde sur des informations erronées et non fiables », communiquées par une ONG. Le porte-parole des affaires étrangères, Amar Belani cité par l’agence APS souligne que « sur le fond et à l’issue de consultations approfondies entre différentes institutions nationales, il est établi que ce rapport du département d’Etat sur la traite des personnes se fonde sur des informations erronées et non fiables, communiquées, selon nos interlocuteurs américains, par une ONG d’un pays de la rive nord de la Méditerranée ». Pour le porte-parole des affaires étrangères, le phénomène de la traite des personnes est « très marginal », voire « inexistant en Algérie ». Cependant M. Belani note qu’il « existe, malheureusement, dans presque tous les pays du monde, y compris aux Etats-Unis selon les propres statistiques du département américain de la Justice ». Il a mis en avant le fait que l’Algérie ait adopté une législation conforme aux dispositions de la convention des Nations-unies contre la criminalité transnationale organisée et ses trois protocoles, dont celui relatif à la traite des personnes. « L’arsenal législatif algérien incrimine tous les crimes et délits liés à la criminalité internationale dans le cadre du code pénal qui prévoit des peines extrêmement sévères contre ceux qui se rendent coupables de tels délits », a-t-il souligné.
Sur la liste noire
Pour rappel, le rapport du département d’Etat américain sur la « traite des personnes » ou « traites des êtres humains » publié à la fin du mois de juin est très critique à l’égard de l’Algérie et met en cause son manque d’empressement à combattre la traite des personnes subies principalement par les migrants. Le rapport classait l’Algérie dans la catégorie 3, celle des Etats qui ne se conforment pas à la loi sur la protection des victimes (servitude involontaire, esclavage, servitude pour dette et travail forcé). Le classement des pays à la catégorie 3 par le département d’Etat les rend passible de certaines sanctions comme la suspension des aides non humanitaire, le refus de financement pour la participation aux programmes éducatifs et d’échanges culturels, l’opposition des Etats-Unis à des aides du FM et de la Banque Mondiale. Le rapport américain met particulièrement l’accent sur la situation des migrants dans la région du sud où des « chefs de villages africains » se livrent dans des « enclaves ethniques situées dans et autour de la ville de Tamanrasset se livrent au trafic humain. Ils contraignent des femmes à la prostitution et des hommes au travail domestique forcé. Les employeurs leurs confisquent leurs documents d’identité et le forcent à rester travailler. Selon le rapport les chefs de « villages africains » ont des « liens étroits » avec la police algérienne. Une ONG affirme que des femmes migrantes arrêtées pour prostitution ont été remises par certains policiers à leurs souteneurs. Le rapport s’alarmait aussi de l’absence de poursuites judiciaires contre les auteurs de trafic de personnes. Le porte-parole algérien répond qu’aucun « cas avéré de trafic d’êtres humains n’a été signalé aux services compétents de la Gendarmerie nationale ou de la Sûreté nationale qui, dans le cadre du traitement opérationnel de l’immigration illégale, interrogent systématiquement les personnes interpellées pour savoir si elles ont fait l’objet d’abus en tous genres afin de déceler les cas éventuels de traite des personnes ».
« vif étonnement »
L’Algérie a fait part de son « vif étonnement » à la partie américaine et l’a invité « à reconsidérer l’approche subjective » du rapport dont les « conclusions erronées » sont fermement contestées. Il appelle à un traitement équilibré et objectif du phénomène de la traite des personnes qui soit plus en phase avec la réalité sur le terrain ». Le porte-parole a expliqué la réaction tardive du ministère des affaires étrangères par le souci de faire d’abord une « communication officielle » à la partie américaine sur le contenu du rapport. Cette communication a été faite le dimanche 24 juillet. « Il faut toujours prendre avec du recul et relativiser ce genre de rapport, somme toute routinier, sans verser obligatoirement dans les réactions excessives ».