Droits de l’homme et corruption

Droits de l’homme et corruption

Le pouvoir et les militants politiques acculés

El Watan, 11 décembre 2010

Une conférence-débat a été organisée hier à Alger à l’occasion du 62e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme (10 décembre) et de la Journée internationale contre la corruption (9 décembre).

La situation des droits de l’homme en Algérie a gravement régressé. Le constat est le même depuis toujours. Mais il faut désigner les responsables d’une telle situation. C’est ce que la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (LADDH) a tenté de faire en organisant, hier à Alger, une conférence-débat à l’occasion du 62e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme (10 décembre) et de la Journée internationale contre la corruption (9 décembre). Sortant des sentiers battus, les conférenciers chargent à la fois le pouvoir, les militants politiques et les représentants de la société civile.

Tout le monde assume sa part de responsabilité. «Il n’y a pas de lutte en Algérie pour la défense des droits de l’homme. Malheureusement, il y a une démission de la société civile», déplore Mustapha Bouchachi, président de la LADDH.
Les luttes syndicales et corporatistes, explique-t-il, répondent à un seul souci qui est l’amélioration des conditions socioprofessionnelles. «Il n’y a plus de cohésion et une union pour revendiquer les droits politiques, économiques et sociaux qui sont indivisibles», déplore-t-il.
Pour Mustapha Bouchachi, les militants des droits de l’homme et les intellectuels ont une responsabilité morale envers la société et les citoyens. «Dans les pays développés, la célébration de ce genre d’occasion intervient pour évaluer ce qui a été fait au service du citoyen et esquisser des projets à réaliser à l’avenir. Dans les régimes totalitaires, comme l’Algérie, l’intérêt du pouvoir n’est pas d’assurer la dignité de leurs citoyens, mais de garantir le maintien du système», lance-t-il.

La journaliste et militante des droits de l’homme, Salima Ghozali, enfonce, elle aussi, le clou. Affirmant qu’elle ne se nourrit plus d’illusions, l’oratrice se dit convaincue, aujourd’hui, que «la parole n’est plus un moyen de lutte». «Je ne crois pas qu’il y ait une société civile en Algérie. Je crois qu’il n’y a plus de place pour la lutte pacifique. 80% des gens avec qui je combattais auparavant sont passés dans l’autre camp. Aujourd’hui, je préfère le silence. Vaut mieux être un mort vivant qu’un faux vivant», déclare-t-elle.
Selon elle, les idées et les concepts sont actuellement galvaudés. «Il faut que chacun fasse son bilan. La société n’avance pas dans le désordre», dit-elle. Mais, explique-t-elle, le régime est entièrement responsable «de l’état dans lequel se retrouve la société et les institutions du pays». «Seul un Etat comptable de ses actes peut réaliser des avancées en matière de droit de l’homme. Au nom de quoi, le pouvoir fera des réalisations s’il n’y a pas de contre-pouvoir ? On ne peut pas donner de droits si on ne rend pas des comptes», précise-t-elle.

Le phénomène de la corruption, souligne les conférenciers, aggrave davantage la situation des droits de l’homme dans le pays. «La corruption a une influence directe sur les droits des citoyens. Une bonne partie des ressources du pays est détournée et cela pèse sur les sociétés qui ne bénéficient pas des revenus du pétrole. Ces milliards auraient pu servir à améliorer le quotidien des citoyens», explique encore Mustapha Bouchachi.

Madjid Makedhi