Procès des deux ex-patriotes de Relizane en France

Procès des deux ex-patriotes de Relizane en France

La justice prononce un non-lieu

El Watan, 21 janvier 2016

La cour d’appel de Nîmes (sud de la France) a prononcé, avant-hier, un non-lieu en faveur des deux ex-Patriotes de Relizane, les frères Hocine et Abdelkader Mohamed, poursuivis pour avoir été les auteurs de disparitions, selon la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), présidée par Patrick Baudoin, et la Ligue des droits de l’homme qui ont déposé plainte contre eux en 2003.

Les frères Hocine et Abdelkader Mohamed ont donc été acquittés au terme d’une procédure judiciaire qui a duré 13 ans. Ayant fait partie des groupes de Patriotes de la wilaya de Relizane qui ont lutté contre les groupes terroristes qui semaient la mort et la désolation dans cette partie du pays, les deux frères ont fait l’objet d’une information judiciaire en France, suivie d’une mise en examen en 2004 pour «torture et actes de barbarie». La plainte déposée par Patrick Baudoin ne contenait aucune preuve mais seulement, dit-on, «des témoignage de certaines familles de victimes».

La bataille judiciaire a fait rage. Les juges d’instruction français qui n’ont pas pu se rendre en Algérie ont trouvé les témoignages en question convaincants. Et en décembre 2014, le procès a connu un tournant incroyable suite à la mise en accusation des deux frères qui finalement viennent de connaître une issue heureuse.

Le procès des deux ex-Patriotes de Relizane n’est pas celui de deux personnes uniquement, mais il entre dans le cadre d’une bataille qui était en vogue en France et livrée par les partisans du «qui tue qui ?» contre l’armée algérienne et tous ceux qui ont mené la lutte contre le terrorisme.

Seulement, au moment où le procès des deux ex-Patriotes se tenait à Nîmes, des femmes de Relizane sont venues témoigner à Alger, lors d’une conférence de presse largement couverte par les médias, pour contredire la version des familles qui ont été invitées en France pour faire leurs déclarations. Une polémique est d’ailleurs née suite aux témoignages contradictoires.

Il y a eu, faut-il le rappeler, un échange d’accusations graves en cela que les témoins à charge qui s’étaient déplacés ont été instrumentalisés par les partisans du «qui tue qui ?» sont, entre autres, le président de la FIDH, Patrick Baudoin, et la porte-voix du Collectif des familles des disparus, Nassera Dutour, qui a qualifié la prononciation du non-lieu, dans un entretien publié hier par TSA, de «trahison de la France».
Said Rabia


Non-lieu pour deux ex-GLD de Relizane : « C’est une trahison de la part de la France »

Hadjer Guenanfa, TSA, 20 janvier 2016

Nassera Dutour est la porte-parole du Collectif des familles des disparus (CFDA). Dans cet entretien, elle revient sur l’affaire des deux ex-GLD (groupes de légitime défense) de Relizane qui ont été acquittés en France.

Que pensez-vous du non-lieu prononcé par la Cour d’appel de Nîmes à l’encontre de deux GLD de Relizane ?

C’était à la fois surprenant et pas surprenant. On espérait vivement que la justice française joue son rôle et respecte ses engagements internationaux parce que cette affaire rentre dans le cadre de ce qu’on appelle la compétence universelle. Le juge d’instruction les a accusés d’actes de barbarie et de disparitions forcées et de torture. Au bout du compte, la chambre d’accusation rend un non-lieu. C’est une trahison de la part de la France. C’est un coup de couteau dans le dos. Finalement, ils (autorités françaises, NDLR) ne voulaient pas avoir d’histoires avec leurs amis algériens. Mais on ne va pas abandonner l’affaire !

Vous suivez l’affaire des deux ex-GLD de Relizane acquittés en France depuis des années. Comment avez-vous commencé à travailler sur ce dossier ?

D’abord, il s’agit de deux miliciens qui avaient sévi à Relizane (durant les années 1990). Ils sont accusés par des familles et par des témoins d’avoir fait disparaître de nombreuses personnes dans la région. L’un d’entre eux était au chef-lieu de la wilaya de Relizane tandis que l’autre était dans une autre commune. Dans les témoignages des familles, on nommait les patriotes et les gardes communaux qui ont fait disparaître leurs proches. Je suis partie à Relizane et j’ai rencontré le président du bureau de la LADDH, Mohamed Smail, et les familles. Nous avons travaillé ensemble sur cette affaire. J’ai passé quatre ans à chercher les frères Mohamed en France. Avec l’aide de plusieurs personnes, je les ai retrouvés à Nîmes. Ils avaient déménagé à plusieurs reprises. Mais nous les avons retrouvés.

Avez-vous des preuves de leur implication dans des disparitions ?

Nous avons des témoins qui les ont vus de leurs propres yeux. Ces témoins sont les frères ou les enfants des disparus. Une des familles de Relizane qui a retrouvé l’un de ses membres mort avec des traces de torture horribles est venue témoigner. En fait, nous avons ramené plusieurs victimes pour témoigner devant le juge d’instruction à Nîmes. Ils (les frères Hocine et Abdelkader Mohamed) ont été mis sous contrôle judiciaire pendant des années. Ça devait aller à la Cour d’assises immédiatement.

Une députée de l’immigration pour la France du nord parle d’une défaite des partisans du qui tue qui ?

On n’a jamais dit qui tue qui ? C’est qu’on sait qui a tué en Algérie, au moins une partie. On sait qui était derrière les enlèvements et les arrestations. La preuve est que les familles (des disparus) nomment les gens qui ont enlevé leurs proches et pas seulement à Relizane. À Berraki, il y avait le commandant M’barek qui venait arrêter les gens en plein jour et tout le monde le voyait et le savait. En Algérie, beaucoup de familles ont déposé des plaintes contre des miliciens avant l’adoption de la charte et avant qu’on leur ferme les portes. Certains mis en cause étaient même sous mandat de dépôt.