L’Algérie de nouveau condamnée par le Comité des droits de l’Homme

Communiqué de Presse

L’Algérie de nouveau condamnée par le Comité des droits de l’Homme

Alger, Paris, le 13 août 2013 – Le Comité des droits de l’Homme des Nations Unies a condamné l’Algérie pour avoir fait disparaître dans les années 90 deux citoyens algériens, Farid Mechani et Djamel Saadoun, et a dénoncé la non-conformité de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale avec le droit international des droits de l’Homme.

Le 16 mai 1993, Farid Mechani, âgé de 28 ans, a été interpellé tout près de son domicile à Alger, par six policiers en civil, alors qu’il rentrait chez lui après avoir fait une course. Il a été arrêté et embarqué de force en présence de sa mère et de plusieurs voisins, sans que les autorités ne lui montrent un mandat d’arrêt ou ne lui indiquent les motifs de son arrestation. Malgré toutes les démarches effectuées, sa famille ne l’a jamais revu.

Djamel Saadoun a quant à lui été arrêté à son domicile le 7 mars 1996, à l’âge de 29 ans, par les gendarmes de Bouzareah, qui étaient munis d’un ordre d’appel au service militaire alors même qu’il bénéficiait d’un sursis militaire en tant qu’étudiant. Après avoir été conduit dans plusieurs casernes, il a été emmené et détenu à la caserne d’Abadla pour y effectuer son instruction forcée. En juin 1996, Djamel Saadoun a été embarqué dans un camion avec plusieurs autres personnes par « une commission venue d’Alger » vers une destination inconnue. Depuis, la famille n’a plus eu de nouvelles.

Ces deux affaires sont les septième et huitième cas soumis par le Collectif des Familles de Disparus en Algérie (CFDA) qui donnent lieu à une décision du Comité des droits de l’Homme. Comme dans toutes ses décisions mettant en cause l’Algérie pour des cas de disparitions forcées, le Comité constate en l’espèce que les disparitions forcées de Farid Mechani et de Djamel Saadoun constituent de multiples violations des droits fondamentaux consacrés par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, tel que le droit de ne pas être soumis à la torture et le droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Le Comité rappelle également qu’en déclarant toute plainte ou dénonciation relative aux crimes des années 90 irrecevable, les textes d’application de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale privent les familles de disparus du droit fondamental à un recours effectif. Ainsi, l’ordonnance n°06-01 portant miser en œuvre de la Charte, ne fait que promouvoir l’impunité et ne peut donc être jugée compatible avec les dispositions du Pacte.

Au regard de ces violations, le Comité ordonne à l’Etat algérien de mener une enquête approfondie et rigoureuse sur ces disparitions, de fournir aux familles des indications détaillées quant aux résultats de ces enquêtes, de libérer immédiatement Farid Mechani et Djamel Saadoun s’ils sont toujours détenus au secret ou de restituer leurs dépouilles à leurs familles en cas de décès, de poursuivre, juger et punir les responsables des disparitions et d’indemniser les familles de manière appropriée.

Le CFDA rappelle que plus de 8000 personnes ont fait l’objet d’une disparition forcée pendant les années 90. Ces deux affaires ne sont que la partie immergée de l’iceberg. En effet, des milliers de familles attendent depuis des années le retour de leurs enfants et se heurtent toujours au mutisme des autorités. Alors que la Charte pour la paix et la réconciliation nationale et ses textes d’application prônent l’oubli et l’impunité, les familles de Djamel Saadoun, de Farid Mechani comme des milliers d’autres, refusent d’adhérer au silence que les autorités tentent de leur imposer et continuent de se battre pour la Vérité et la Justice. Par ces communications, ces familles démontrent leur détermination à lutter pour que la lumière soit faite sur le sort de leurs enfants.

Le CFDA appelle les autorités algériennes à se conformer aux décisions du Comité des droits de l’Homme, et à respecter leurs engagements pris lors de la ratification du Pacte international sur les droits civils et politiques.

Nassera Dutour

Porte-parole