Lettre de Mohamed Smain à Bouteflika

LIGUE ALGERIENNE POUR LA DEFENSE DES DROITS DE L’HOMME Bureau de la wilaya de Relizane

A Monsieur Abdelaziz BOUTEFLIKA

Président de la République Algérienne Démocratique et Populaire

Excellence, Les choses ne veulent pas changer à Relizane cela est vraiment rangeant, notre ville martyre vit dans la tourmente sous les bottes de la terreur. Le 10 avril à 14h30 je me rendais à El-Hmadna avec Marc FOUCHAUX journaliste de la chaîne Canal+ pour une interview avec la famille SAÏDANE hadj Abed victime d’un enlèvement et disparition forcée en 1996 et que nous avons identifié grâce à ses vêtements trouvés dans un charnier avec le reste des ossements que la gendarmerie à fait déplacer le 14 janvier 04 pour effacer les traces des crimes de la milice. Arrivant à la sortie nord de Relizane nous avons été interceptés par les services de police de la wilaya. Après vérification des documents du journaliste, nous avons été reconduits sous bonne escorte au siége de la sûreté de wilaya, suivis par la gendarmerie. Une fois visionné le film qui portait le témoignage d’une personne sur la découverte et l’exhumation du charnier, la police s’est aperçue que le journaliste é tait dépourvu d’autorisation pour un reportage filmé, alors qu’il a été escorté d’Alger à Relizane par ces mêmes services avec tout un matériel de tournage bien apparent. Chose bizarre, je ne vois pas d’autres raisons que le tournage, pour un journaliste étranger de se déplacer escorté sur un trajet de 320 kms en possession d’un matériel professionnel. La police qui certainement a préféré faire cesser l’infraction et abandonner des poursuites inutiles a obtempéré à la demande du capitaine de la gendarmerie présent au commissariat et qui a demandé notre transfert à ses services pour des investigations. A 15h 30 nous avons été pris en charge par cet officier de gendarmerie et emmenés aux locaux de sa compagnie où nous avons été mis en garde à vue séparément jusqu’à l’arrivée du colonel BEL ALA.

A 19 heures, interrogés durant 4 heures par le colonel BEL ALA le journaliste et son chauffeur ont été libérés avec des excuses et accompagnés par la gendarmerie jusqu’à l’hôtel. Toujours et par ce même responsable à 23 heures j’ai été soumis à un interrogatoire serré et pervers avec une attitude aussi désinvolte, provocatrice et humiliante. Soumisà des centaines de questions, qui n’ont jamais traversé mon esprit et qui n’avaient aucun lien avec l’autorisation du tournage et qui auraient du être posées si nécessaire au journaliste français. A 2 heures du matin j’ai été libéré avec ordre de me présenter à 8h 30. Comme convenu, j’ai été à l’heure avec mon collègue du bureau de Sidi M’hamed Benaoudaà attendre l’arrivée du colonel qui était le seulà décider de notre sort Arrivé à 10h 30 cet officier s’est enfermé avec ses subordonnés pour monter un autre scénario puisque le premier n’a pas tenu. A 11h 30 et sur ordre du colonel, le capitaine voulait m’entendre une deuxième fois. Cela m’a révolté et j’ai refusé de subir une nouvelle fois une torture mentale faite de questions ironiques et de railleries qui n’ont aucun rapport avec le fond du probléme. Devant mes protestations sur les violations de mes droits le colonel a ordonné de me libérer en refusant de me restituer les papiers de mon véhicule qu’il a décidé de remettre au parquet et en proférant des menaces de poursuites à mon encontre. J’ai essayé d’obtenir une audience auprès du procureur général mais il a refusé de me recevoir prétextant un surcroît de travail bien qu’il venait de recevoir le journaliste français avec égard. Il est légitime de s’étonner sur cette différence de traitement entre un citoyen algérien défenseur des droits de l’homme et un journaliste étranger officiellement dépourvu d’autorisation. Entre la gendarmerie et la justice on déduit aisément la prépondérance. J’exprime ma totale indignation contre ces manouvres puériles et de très bas niveau, surtout émanant du colonel BEL ALA qui n’a même pas de respect pour sa propre personne, dont l’inconduite est notoire et qui cherche toujours à dépersonnaliser sa victime. Il est connu par la population de par son comportement marqué par l’abus dans la luxure, (ci joint photo). Ce responsable obéissant à des réflexes dépassés d’une période que même les discours officiels ont souvent dénoncée, a terni l’image d’une institution dont la mission première est d’assurer la promotion de la Loi et de la morale. Le bureau de la LADDH a rendu public plusieurs communiqués dans lesquels il exige la cessation d’ agissements aussi graves qu’irresponsables du colonel BEL ALA commandant du groupement de la gendarmerie. Une fois de plus et devant le poids croissant de l’arbitraire, je m’adresse à votre excellence pour vous tenir informé et à l’ensemble des responsables militaires en général et en particulier à Monsieur le général major commandant en chef de la Gendarmerie Nationale pour interpeller son esprit de justice et de lui demander de daigner se pencher par la manière qui lui semblera la meilleure sur les abus d’un potentat qui s’est fait piégé par une prostituée.

Veuillez agréer Excellence l’expression de ma haute considération.

Copie transmise avec photo :
-A M. le Général major Commandant des forces Armées terrestres -A M. le Général Major Commandant en chef de la Gendarmerie nationale
-A M. le Général Major Comandant la 2 Région Militaire.

Relizane le 16 avril 2004
Hadj Mohamed SMAÏN