Les familles de victimes de disparitions forcées demandent encore et toujours vérité et justice

Les familles de victimes de disparitions forcées demandent encore et toujours vérité et justice

Alkarama, 30 octobre 2015

Le 28 octobre 2015, Alkarama a adressé une communication au Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition (SRTruth) pour l’informer des persécutions judiciaires visant les proches de Tahar et Bachir Bourefis, disparus depuis bientôt 20 ans dans la commune de Jijel dans le nord-est algérien. À travers cette action, Alkarama exhorte également le Rapporteur à appeler les autorités algériennes à respecter leurs engagements internationaux en ouvrant des enquêtes impartiales et indépendantes pour établir le sort des disparus. Au début du mois d’octobre, la femme de Tahar et mère de Bachir est décédée sans jamais avoir obtenu la vérité sur le sort de ses proches.

Tahar et Bachir Bourefis

Au début de l’année 2015, les autorités judiciaires algériennes ont procédé à de nombreuses manœuvres d’intimidation visant Zohra Boudehane, épouse et mère respectivement de Tahar et Bachir Bourefis. Convoquée à plusieurs reprises par le procureur, Mme Boudehane a également été forcée de signer des documents sans avoir pu en prendre connaissance. Un autre fils de la victime a lui aussi fait l’objet d’intimidations de la part de gendarmes.

Tahar Bourefis avait été arrêté à son domicile par des militaires de l’armée nationale populaire (ANP) dans la nuit du 22 au 23 août 1996 et son fils Bachir quelques mois plus tard, les deux hommes étant suspectés d’avoir des sympathies pour le Front islamique du salut (FIS). Depuis lors, les proches des deux victimes n’ont plus jamais obtenu de leurs nouvelles, les autorités algériennes refusant de les informer de leur sort.

Au vu des faits et de l’incapacité de la famille Bourefis d’obtenir vérité et réparation dans leur pays, le 19 novembre 2009 Alkarama avait déposé une plainte auprès du Comité des droits de l’homme (CDH) qui avait par la suite adopté une décision en 2014 dans laquelle il condamnait les autorités algériennes pour la violation, entre autres, du droit à la vie et de l’interdiction de la torture contenus dans Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP).

La réconciliation nationale ne peut être synonyme d’impunité

Les autorités algériennes s’appuient sur les dispositions de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale de 2005 qui sanctionne « quiconque qui, par ses déclarations, écrits ou tout autre acte, utilise ou instrumentalise les blessures de la tragédie nationale, pour porter atteinte aux institutions de la République algérienne démocratique et populaire, fragiliser l’États, nuire à l’honorabilité de ses agents qui l’ont dignement servie, ou ternir l’image de l’Algérie sur le plan international ».

Même si les chiffres divergent, il est estimé que la guerre civile algérienne a fait 200’000 victimes. Parmi ces victimes, des milliers ont été victimes de disparitions forcées, après leur arrestation par les forces de sécurité algériennes. Les autorités n’ont jamais rien fait pour éclaircir les circonstances de ces crimes et traduire leurs auteurs en justice. Le groupe de travail sur les disparitions forcées (WGEID) a régulièrement dénoncé ces violations particulièrement graves des droits de l’homme ainsi que l’impunité entourant ces crimes commis à partir de 1992 par les forces de sécurité et les milices armées par l’État.

En envoyant une communication au Rapporteur Spécial sur la promotion de la vérité au sujet des représailles dont sont victimes les proches de Tahar et Bachir Bourefis, Alkarama l’invite ainsi à appeler les autorités algériennes à respecter leurs engagements internationaux en reconnaissant les crimes commis et sa responsabilité dans cette tragédie. Ces dernières doivent engager des enquêtes impartiales et indépendantes pour établir le sort des disparus, dire la vérité aux familles des victimes et leur rendre justice, et ceci, avant qu’il ne soit trop tard.

C’est avec grande tristesse qu’Alkarama a en effet appris le décès de Mme Boudehane, au début du mois d’octobre, une femme admirable qui a mené un combat incessant de presque 20 ans pour obtenir la vérité sur le sort de son époux et son fils et présente ses condoléances à la famille Bourefis.

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