Les mouvements sociaux perturbent le gouvernement

LE FRONT SOCIAL S’INVITE À LA PRÉCAMPAGNE POUR 2019

Les mouvements sociaux perturbent le gouvernement

Le Soir d’Algérie, 30 janvier 2018

En ce début d’année 2018, les mouvements sociaux reviennent à la charge pour «perturber» l’accalmie qui avait caractérisé l’année 2017. Le gouvernement avait pourtant pris le plus grand soin dans la confection d’une loi de finances pas trop «salée» en termes de nouvelles taxes pour ne pas provoquer le front social. Il sera pourtant débordé sur les côtés par des mouvements corporatistes de plus en plus bruyants.
Kamel Amarni Alger (Le Soir) – Certes, ce n’est pas «la révolution», mais ce n’est pas vraiment la paix, non plus. Le mouvement des médecins résidents défraie la chronique depuis quelques jours, de par son ampleur, la multitude de ses revendications, ses tentatives incessantes de déborder les enceintes hospitalières pour braver la très hermétique interdiction des marches à Alger.
Ce mouvement, qui s’installe dans la durée, ne donne pas l’air de s’essouffler et se fixe un autre rendez-vous pour le 5 février prochain. Cela, malgré la réaction musclée du gouvernement. Celle-ci a eu lieu en deux temps. Une première fois, en mobilisant l’arsenal répressif traditionnel, et une seconde fois, via une décision de justice qui décrète illégale la grève entamée par le corps médical. S’il a dominé l’actualité, ce mouvement des médecins n’est pas pour autant un cas isolé. Il vient s’ajouter à d’autres mouvements d’autres corporations comme les enseignants, les retraités de l’armée ou les anciens gardes communaux. La multiplication de ces foyers de tension et l’effet contagion qu’ils risquent de provoquer inquiètent sérieusement le pouvoir comme l’attestent, d’abord ses premières réactions sur le terrain dans cette affaire des médecins, ou alors les déclarations de plusieurs responsables politiques.
A pratiquement une année du rendez-vous majeur des présidentielles, le pouvoir ne laissera jamais le front social lui échapper. Il l’a déjà prouvé à plusieurs reprises par le passé, et tous les moyens sont bons pour cela. En 2011, l’actuel et alors Premier ministre Ahmed Ouyahia résumera brillamment cette politique du pouvoir par sa célèbre phrase : «La paix sociale n’a pas de prix» ! Il parlait à l’époque des mesures d’urgence prises par Abdelaziz Bouteflika lors d’un Conseil des ministres spécial, consacré aux événements qui agitaient la région et qui avaient balayé, en un temps extraordinairement court, des régimes aussi solides que ceux de Ben Ali en Tunisie et de Moubarak en Egypte. Pour s’immuniser contre de tels soulèvements, Bouteflika avait alors ciblé la frange la plus redoutable, la jeunesse qu’il réussira d’ailleurs à neutraliser via un gigantesque et coûteux programme consistant à financer des dizaines de milliers de projets destinés «à l’emploi des jeunes» à travers des Ansej, Anem, etc.
La fin justifiant les moyens, le pouvoir n’en a pas lésiné effectivement et aura réussi à extraire le pays à la vague dévastatrice du «printemps arabe». C’était, toutefois, en 2011, du temps où le prix du baril permettait bien quelques écarts à la rigueur et même au bon sens économique. En 2018, les données ont radicalement changé, dans une Algérie qui doit, désormais, constamment faire attention à ses dépenses. En octobre 2017, le gouvernement a même été contraint de recourir à une solution d’urgence, le «financement non conventionnel» de l’économie nationale pour éviter une catastrophe financière aux conséquences sociales et politiques dramatiques. «Nous n’aurions pas eu de quoi payer les salaires des fonctionnaires du mois de novembre», expliquait le Premier ministre, Ahmed Ouyahia.
C’était il y a à peine deux mois de cela ! C’est dire dans quelles conditions financières est abordée cette année 2018. Ce qui donne, également, un aperçu du dilemme face auquel se trouve le gouvernement qui, objectivement, ne pourra plus accéder aux revendications multiples et coûteuses des différentes corporations qui se trouvent déjà sur le front. Quand bien même il le ferait, il provoquerait lui-même un effet boule de neige en incitant, involontairement, d’autres corporations à imiter les médecins ou les enseignants.
En même temps, le gouvernement ne peut pas abuser de l’usage de la «matraque», lui qui s’affaire déjà à préparer le terrain pour le cinquième mandat…
K. A.