Une journée sans pain

LA GRÈVE DES BOULANGERS MASSIVEMENT SUIVIE

Une journée sans pain

Le Soir d’Algérie, 24 avril 2013

Les boulangers ont mis à exécution leurs menaces. Ils étaient hier nombreux à adhérer au mot d’ordre de grève lancé par le Comité national des boulangers affilié à l’UGCAA. Une journée de débrayage qui n’aura pas été sans conséquences puisque la baguette de pain était difficilement trouvable hier à travers plusieurs wilayas. Le Comité des boulangers estime le taux de suivi à 80%. Son président est formel : c’est la politique de subvention des produits de première nécessité qui doit être revue.

Nawal Imès – Alger (Le Soir) – Pari tenu pour les boulangers. Dans certains quartiers de la capitale et ceux des autres villes, il était souvent difficile de trouver du pain dans les boulangeries. Celles qui ont assuré le service minimum étaient prises d’assaut par des citoyens qui poussés par de vieux réflexes de pénuries achetaient plus de pain qu’ils n’en avaient réellement besoin. Selon Tahar Boulenouar, porte-parole de l’UGCAA, le taux de suivi au niveau national s’établissait hier entre 75% et 80%. Une tension particulière était ressentie dans les quartiers d’El-Harrach, de La Casbah, de Bab-El-Oued ou de Aïn-El-Benian, à Alger. A Béchar, Oran, Annaba, El-Tarf, Tizi-Ouzou et Constantine, même scénario. A l’origine de ce débrayage, une revendication récurrente des boulangers qui considèrent que le prix de vente de la baguette de pain, tel que fixé par les pouvoirs publics, n’est pas rentable pour les boulangers, voire il constitue une menace pour la pérennité de l’activité. Tahar Boulenouar expliquait hier que les boulangers ne réclament pas une hausse du prix mais qu’ils avaient une série de doléances, à charge aux pouvoirs publics de trouver la solution idoine. Pour lui, le cœur de la problématique se situe dans les subventions accordées par l’Etat au profit des produits de première nécessité. Il est formel : la farine subventionnée ne profite ni au boulanger ni au consommateur mais aux minotiers et autres fabricants de biscuits. Comment sortir de ce cercle ? Maâmar Hentour, le président du Comité national des boulangers, explique qu’«actuellement, tout le monde profite de la farine subventionnée puisqu’il n’y a qu’un seul type de farine, la T55 ou l’extra raffinée, avec un taux d’extraction élevé». Il explique que cette farine est vendue au même prix aux boulangers, aux fabricants de biscuits ou à ceux qui font du pain traditionnel, d’où le détournement de cette farine subventionnée par l’Etat. Un mécanisme qui a visiblement montré ses limites. Le Comité des boulangers avait proposé de diversifier la farine en introduisant la farine complète et en ne subventionnant que cette dernière puisque seuls les boulangers l’utiliseront. Cela permettrait d’un côté d’éliminer de facto d’autres fabricants qui ne peuvent l’utiliser mais également de diversifier l’offre et d’améliorer la qualité du pain. Aux boulangers qui réclament une hausse de leur marge bénéficiaire pour pouvoir maintenir leur activité, le gouvernement avait répondu en installant une commission chargée d’évaluer le «coût réel» de la baguette. Cette dernière a remis ses conclusions le 4 avril dernier par une autre commission mixte, composée de représentants des ministères du Commerce, des Finances et de l’Agriculture, des représentants des boulangers, de l’Office interprofessionnel algérien des céréales (OAIC), du groupe industriel Eriad (agroalimentaire, céréales et dérivés). Selon cette commission, le coût réel de la baguette oscille entre 9,5 et 10,5 DA, selon la qualité des produits utilisés. La balle est actuellement dans le camp des pouvoirs publics.
N. I.