Harcèlements répétés des défenseurs des droits humains
Algeria-Watch, 21 juin 2007
Le 18 juin 2007, Me Sofiane Chouiter, avocat et défenseur des droits humains, travaillant à Constantine, a fait l’objet d’un interrogatoire de la police des frontières à l’aéroport d’Alger. Il revenait du Maroc où il avait effectué un stage de deux mois et demi sur la justice transitionnelle.
Au moment de se présenter au contrôle de police, un agent lui a demandé de le suivre dans le bureau d’officier où il a été interrogé pendant 15 minutes sur ses « activités » au Maroc, son intervention auprès de la Commission des droits de l’homme du Parlement européen en mars dernier et son passage sur le plateau de la chaîne satellitaire arabe Al-Jazeera.
Me Chouiter a refusé de répondre à ces questions qui n’ont aucun fondement juridique tant qu’il n’est pas inculpé légalement d’une infraction à la loi.
Algeria-Watch rappelle que plusieurs défenseurs des droits humains ont subi des tracasseries et harcèlements de la part des autorités:
Le collectif des familles de disparu(es) avait fait part de l’expulsion le 12 mai 2007 d’Algérie d’un stagiaire français qui avait été plusieurs fois été interpellé par la police. Il a pris le bateau le 15 mai non sans avoir été fouillé de la tête aux pieds et s’être vu confisquer les témoignages qu’il avaient recueillis auprès de familles de disparus.
Me Hocine Zehouane, président de la LADDH, a été l’objet le 30 avril 2007 de harcèlement de la part d’agents de la police des frontières à l’aéroport d’Alger à son retour de Lisbonne où il avait assisté au 36eme congrès de la Fédération Internationale des Droits de l’Homme.
Me Amine Sidhoum, avocat de l’organisation SOS disparu(es) et défenseur de personnes suspectées d’activités terroristes, parmi lesquelles figurent certains extradés de pays occidentaux, qui après avoir disparu pendant des semaines, sont détenues depuis 2 à 4 ans sans jugement. Nous attirons particulièrement l’attention sur les cas de M’hamed benyamina et Mourad Ikhlef pour lesquels le groupe de travail sur la détention arbitraire de l’ONU a relevé le caractère arbitraire de la détention.
En raison de ses activités, Me Sidhoum fait l’objet de harcèlements judiciaires depuis plus de deux ans. Il avait été accusé d’avoir jeté le discrédit sur une décision de justice et d’outrage à un corps constitué de l’Etat. Après le non-lieu prononcé le 25 avril 2007 par la justice algérienne, l’affaire pour diffamation resurgit et il est à nouveau poursuivi.
D’autres personnes engagées dans le dossier des disparitions forcées á l’exemple de Amar Kebaili, frère de disparu, et Mme Bourefis, épouse et mère de disparus ont été interpellées par des agents du DRS ou convoquées par la justice pour les intimider et dissuader à poursuivre leurs recherches.
Mohamed Smain, responsable du bureau régional de la LADDH à Relizane, connu pour son engagement dans le dossier des disparitions forcées dans sa région, a maintes fois subi des entraves de la part des autorités.
Salah-Eddine Sidhoum, chirurgien et défenseur des droits de l’homme, a durant des années fait l’objet de poursuites en raison de ses activités et prises de position.
Il est à craindre que les autorités poursuivent en justice les défenseurs des droits de l’homme sur la base de l’article 46 de l’ordonnance du 27 février 2006 portant application de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale. Cet article prévoit une peine allant de trois à cinq ans d’emprisonnement et une amende de 250.000 à 500.000 dinars pour » quiconque qui, par ses déclarations, écrits ou tout autre acte, utilise ou instrumentalise les blessures de la tragédie nationale pour porter atteinte aux institutions de la République algérienne démocratique et populaire, fragiliser l’Etat, nuire à l’honorabilité de ses agents qui l’ont dignement servie ou ternir l’image de l’Algérie sur le plan international « .
Algeria-Watch proteste contre ces harcèlements persistant à l’encontre des défenseurs des droits de l’homme et rappelle que cet article 46 brandi comme une menace contre tous ceux qui oeuvrent pour la vérité et la justice est en contradiction avec la Constitution algérienne et les engagements pris par le gouvernement algérien sur le plan international, notamment par sa ratification du pacte international relatif aux droits civils et politiques.