Contribution d’Algeria-Watch dans le cadre de l’examen périodique universel

Contribution dans le cadre de l’examen périodique universel

Les massacres (1993-2006)

Algeria-Watch, 20 novembre 2007

Contexte

Dans le cas de l’Algérie, l’examen périodique universel englobe une période marquée, à la suite des attentats commis le 11 septembre 2001 aux États-Unis, par la lutte internationale contre le terrorisme. Le gouvernement algérien s’inscrit dans ce programme, se félicitant d’une coopération internationale, alors que l’Algérie avait – selon la version officielle – dû faire face seule au terrorisme durant les années 1990.

En janvier 1992, l’armée était intervenue pour interrompre les premières élections législatives pluralistes qu’a connues le pays, afin de déjouer la victoire certaine du Front islamique du salut. L’état d’urgence a été instauré. Il est maintenu jusqu’à nos jours. Cet état d’urgence a permis, selon un rapport officiel de 2001 du professeur Mohand Issad, juriste algérien de renom, un « glissement subtil de l’état d’urgence vers ce qui s’apparente plutôt à l’état de siège (1) » . Les pouvoirs donnés aux commandants des régions militaires par un arrêté interministériel non publié du 25 juillet 1993 sont exorbitants, caractéristiques, selon lui, de l’état de siège.

La mise en place de cet arsenal répressif, tant sur le plan juridique que policier, avait pour but de criminaliser et poursuivre toute véritable opposition, qu’elle soit pacifique ou armée. Le chef de la Direction du contre-espionnage (DCE) des services secrets de l’armée (Département de renseignement et de sécurité, DRS), le général Smaïl Lamari (décédé en août 2007), n’avait-il pas déclaré dès le mois de mai 1992, lors d’une réunion regroupant de nombreux officiers de la DCE, qu’il était « prêt et décidé à éliminer trois millions d’Algériens s’il le faut pour maintenir l’ordre que les islamistes menacent (2) ».

Qualifiés de « terroristes » ou soupçonnés de soutenir le terrorisme, les membres et sympathisants du FIS ont été arrêtés arbitrairement, puis détenus dans des camps de concentration ou des centres secrets. Un très grand nombre d’entre eux ont été torturés, avant d’être exécutés sommairement, alimentant la liste des « disparitions forcées ». De 1992 à 1999, les victimes de torture, d’exécutions extrajudiciaires et de disparitions forcées se comptent par dizaines de milliers. En 2006, le gouvernement a reconnu que près de 7 000 étaient imputables aux forces de sécurité de l’État, alors que les ONG parlent de près de 20 000.

Les gouvernements algériens successifs n’ont jamais marqué de rupture avec le régime issu du putsch de janvier 1992 . En conséquence, ils ont refusé de reconnaître et de poursuivre les violations des droits de l’homme commis par leurs agents. Et afin de tirer un trait sur cette période et éviter toutes poursuites à l’encontre des forces de sécurité, une loi dite de « réconciliation nationale » a été promulguée en février 2006. Celle-ci interdit toute plainte à l’encontre des forces de sécurité et sanctionne pénalement toute expression critique vis-à-vis de ces derniers.

Dans ce rapport, nous évoquons la question cruciale des terribles massacres commis en Algérie. S’il est vrai que les plus importantes tueries ont été commises entre fin 1996 et début 1998 (voir la liste en annexe), celles-ci n’ont pas totalement disparu depuis. De 1999 à 2007, de nombreuses opérations militaires se sont soldées par des massacres de civils. Très peu d’informations fiables filtrent sur ces offensives de l’armée, mais il est parfois possible de réunir des informations par le biais d’habitants des régions touchées. C’est ce que nous avons pu faire pour le massacre de Seddat, qui s’est déroulé au printemps 2006.

Des exécutions sommaires aux massacres

À partir des années 1993, les forces de sécurité algériennes ont procédé à des bouclages et des ratissages de quartiers et de villages dont les habitants étaient soupçonnés de sympathie et de soutien au FIS ou aux insurgés ayant pris le maquis. Pendant le couvre-feu, des unités de l’armée ou combinées (militaires, gendarmes, policiers, forces spéciales), accompagnées souvent de milices à partir de 1994, débarquaient et faisaient sortir des hommes dans la rue. Ces derniers étaient embarqués ou liquidés sur place. Ceux qui étaient emmenés étaient souvent tués après torture, puis jetés morts sur les routes ; et beaucoup d’autres, « enterrés sous X ».

Le 4 mai 1994 par exemple, 173 cadavres étaient retrouvés dans la forêt d’El Marsa, dans la région de Ténès (Chlef). Selon le témoignage de leurs familles, ils auraient fait partie d’un groupe de plus de 200 hommes arrêtés par des militaires le 25 avril 1994 dans les villages de Taoughrit, Ouled Boudoua, Sidi Moussa et Tala Aïssa, en représailles à la mort d’une quinzaine de militaires dans une embuscade dans la région de Ténès (3).

Dans les premières années, les auteurs de ces exécutions sommaires étaient identifiables, car il s’agissait généralement de membres des forces de sécurité en uniforme débarquant avec des véhicules officiels. Par la suite, ces campagnes d’arrestations et de liquidations étaient aussi le fait de militaires travestis en combattants islamiques. En 1998 – pour ne citer qu’un témoignage parmi beaucoup d’autres -, un transfuge de l’armée algérienne, Adlane Chabane, rapporta qu’une section spéciale de la Direction centrale de la sécurité de l’armée (DCSA) était constituée d’« éléments [qui] rentrent dans les localités et ciblent des familles bien précises, celles auxquelles appartiennent les islamistes recherchés. Ils frappent à la porte en criant : « Ouvrez, nous sommes les Moudjahiddines. » Dès que la porte s’ouvre, les occupants sont tous tués. Au petit matin, le bilan s’élève à environ une trentaine de morts (4) ».

Les milices armées par les autorités à partir de 1994 ont elles aussi participé à ce genre d’exactions. Habib Souaïdia, jeune officier dissident (membre des forces spéciales jusqu’en 1995), a cité en 2001 l’exemple de la milice d’El-Mekhfi, sévissant dans la région de Lakhdaria en 1994 : elle «  ne s’est pas contentée de protéger les villages : elle a aussi traqué les terroristes dans les maquis avoisinants. El-Mekhfi et ses hommes se sont attaqués à tous les villages où des jeunes avaient rejoint le maquis, semant la mort et la désolation sur leur chemin (5). »

C’est à partir de fin 1996 que les massacres de villageois, puis de citadins, se sont multipliés. Ils étaient attribués systématiquement aux Groupes islamiques armés (GIA), qui d’ailleurs souvent les revendiquaient. Mais leurs auteurs réels devenaient de plus en plus difficilement identifiables, d’autant plus que la guerre entre groupes armés faisait rage dans certaines régions. Aux yeux de la population, d’innombrables questions se posaient sur la nature même de ces groupes armés, les raisons qui les poussaient à ces crimes, mais aussi sur l’attitude incompréhensible des forces de sécurité, apparemment incapables de protéger la population et de poursuivre les auteurs de ces crimes, au point d’ancrer la conviction du rôle direct de l’armée dans les massacres.

Ces carnages, faisant chaque fois entre dix et plusieurs centaines de victimes, ont connu leur apogée entre l’été 1997 et le début 1998. Leur ampleur s’est ensuite réduite, mais ce n’est qu’à partir de 2004 que leur fréquence comme le nombre de victimes de chaque action ont vraiment marqué une décrue. La majorité des tueries se sont déroulées dans l’Algérois, siège de la 1 re région militaire, la plus peuplée et aussi la plus quadrillée par les forces de sécurité : cette région comptait le plus grand contingent militaire, avec plus de 100 000 hommes, sans compter la police et les milices. D’où les interrogations, dès mi-1997, sur la capacité des « terroristes » de perpétrer impunément ces massacres dans cet environnement hyper-sécurisé. Et donc sur la probable responsabilité de l’armée, notoirement engagées dans une stratégie de « contre-insurrection » telle que l’ont connue différents pays d’Amérique Latine.

Les grands massacres dans l’Algérois durant l’été 1997

Entre 1996 et 1997, les massacres se sont déplacés des régions montagneuses du sud vers les plaines proches d’Alger. Tandis que les populations des campagnes de Blida, Médéa, Aïn-Defla, M’sila, etc., fuyaient vers la plaine de la Mitidja pour échapper aux hordes de tueurs, ces derniers les rattrapaient à la périphérie d’Alger à partir de l’été 1997. Nous rapportons ici trois des plus grands massacres (voir en annexe la chronologie détaillée des massacres).

Le 28 août 1997, un carnage se déroulait à Er-Raïs dans la commune de Sidi-Moussa, à quelque 25 km d’Alger. Les habitants rapportèrent que des hommes armés avaient débarqué à 23 h 45 d’un convoi de camions pour investir le quartier (à quelques centaines de mètres d’un campement militaire). Plus de 300 personnes furent tuées et 200 autres blessées dans ce massacre, qui a duré plus de 5 heures. Officiellement, seulement 38 morts sont reconnus. Les tueurs étaient munis de kalachnikovs, sur lesquelles étaient fixées des torches électriques, des poignards de « commandos » et des haches. Après leur forfait, ils disparurent dans la nature, sans que les militaires soient intervenus, ni pour protéger la population, ni pour poursuivre les assaillants. Au contraire, les rescapés ont rapporté que les militaires avaient bouclé le quartier, les empêchant de fuir.

Le même scénario s’est reproduit dans la nuit du 5 au 6 septembre 1997, dans le quartier populaire de Sidi-Youcef à Béni-Messous (Alger) : 70 à 150 personnes (selon les sources) ont été tuées par des hommes armés venus dans des camions, dont certains portaient des tenues militaires. De nombreux enfants et femmes ont été effroyablement mutilés avant d’être assassinés. Le massacre s’est déroulé à quelques centaines de mètres du siège de la garde présidentielle et à quelques minutes des casernes du DRS, au cour même de la zone la plus militarisée du pays, où l’on ne compte pas moins de quinze casernes sur quelques kilomètres carrés (6).

Dans la nuit du 22 au 23 septembre 1997, c’est le quartier de Haï-Djilali à Bentalha (commune de Baraki), à moins de 20 km à l’est d’Alger, qui est attaqué par plusieurs dizaines d’assaillants. Les habitants du quartier s’y étaient préparés et depuis des semaines ils montaient des gardes en implorant l’armée pour qu’elle leur fournisse des armes et installe un poste militaire au centre du quartier. En vain. Officiellement, 85 citoyens auraient été tués, tandis que les survivants et les sources hospitalières parlèrent de plus de 400 morts et 120 blessés. Là aussi, des camions ont transporté les hommes en armes qui ont procédé très systématiquement à la recherche de personnes précises pour les tuer. Les miliaires avaient là aussi bouclé le quartier et empêché les survivants de fuir. Ce sont les habitants des quartiers environnants qui, au petit matin, ont investi Haï-Djilali et ont porté secours aux blessés et rescapés. Les assaillants ont pu fuir, emportant avec eux femmes et biens. Les femmes kidnappées ont été retrouvées plus tard égorgées (7).

L’appel à une enquête sur les massacres…

À partir de la fin de l’été 1997, de plus en plus d’organisations de défense des droits de l’homme ont demandé que des enquêtes soient diligentées afin de faire la lumière sur les massacres. Kofi Annan, secrétaire général de l’ONU, déclarait fin août 1997 qu’il n’était pas possible d’« abandonner la population algérienne à son propre sort (8) », propos qui n’était pas pour plaire au gouvernement algérien. La pression augmentant, ce dernier accepta qu’une mission d’information sur les questions des droits de l’homme, mandatée par Kofi Annan, se rende en Algérie en juillet-août 1998. Cette mission d’information se substitua en fait à une commission d’enquête. La sélection des membres du panel avait été soumise à l’approbation du pouvoir algérien. Et, sans surprise, le ministre des Affaires étrangères de l’époque, Ahmed Attaf, déclara : « Le rapport est conforme à ce qui a été conclu entre nous et l’ONU. »

Dans ses observations finales publiées en septembre 1998, la délégation reproduisit la version officielle algérienne, martelant que les commanditaires des massacres étaient connus, qu’il s’agissait des tueurs du GIA et que l’État allait les poursuivre et les condamner. Ce rapport a toutefois été rejeté par la totalité des ONG de défense des droits de l’homme : Amnesty International et la FIDH ont constaté que, « dans la perspective des droits de l’homme, la visite de la mission de l’ONU a été un blanchiment et ne remplace pas une enquête indépendante ».

Pourtant, peu avant, en juillet 1998, le Comité des droits de l’homme de l’ONU avait publié ses observations et recommandations, faisant état d’« allégations persistantes de collusion de membres des forces de sécurité dans la perpétration d’actes de terrorisme », d’« absence de mesures opportunes ou préventives de protection des victimes de la part des autorités de police et du commandement de l’armée », de « maigres renseignements concernant l’organisation des groupes de légitime défense », de préoccupations quant aux informations relatives à l’emploi systématique notamment des exécutions extrajudiciaires. Le Comité demandait alors au gouvernement algérien « d’adopter des mesures efficaces :

a] pour empêcher des attaques et, si elles se produisent quand même, intervenir rapidement pour protéger la population ;

b] pour garantir que des enquêtes appropriées soient menées par une instance indépendante pour identifier les coupables et les traduire en justice ;

c] pour faire en sorte que, dans tous les cas de massacres, une enquête indépendante soit menée sur le comportement des forces de sécurité à tous les échelons, du plus petit jusqu’au plus élevé, et que des sanctions pénales et disciplinaires soient prises à leur encontre, selon qu’il convient (9). »

Dans ses constatations publiées en novembre 2007, le Comité des droits de l’homme revient sur ce dossier douloureux des massacres pour constater que le gouvernement algérien n’a pas respecté ses engagements et que des enquêtes indépendantes doivent être engagées pour faire la lumière sur les massacres et les responsables de crimes graves, qu’il s’agisse d’agents de l’État ou de membres de groupes armés, afin qu’ils soient poursuivis et condamnés (10).

Lors de l’examen du dernier rapport périodique algérien, l’un des experts du Comité des droits de l’homme de l’ONU, Sir Nigel Rodley, a qualifié ces graves violations des droits humains de « crimes contre l’humanité ». Il a estimé que ces milliers d’enlèvements, de décès et les massacres « ne se font pas par hasard ou par accident », considérant qu’il y a là une « pratique systématique ».

… et la réponse du gouvernement algérien

Le gouvernement algérien a toujours refusé tout questionnement à propos des auteurs des massacres et de leurs commanditaires. Les personnes et les organisations qui osent s’interroger à propos des circonstances réelles dans lesquelles se sont déroulées les tueries sont traitées de suppôts du terrorisme. Les autorités, elles, ont toujours prétendu que les responsables étaient connus. Il est vrai que des personnes ont été arrêtées pour leur implication présumée dans ces crimes ; mais à notre connaissance, il n’a jamais été procédé à des enquêtes judiciaires sérieuses et transparentes.

En fait, il n’y a pas eu d’enquête du tout. Sinon, comment expliquer que l’ancien chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia, ait déclaré dans une conférence de presse le 21 mars 2006 que les massacres commis à Ramka et Had Chekala (Relizane), début janvier 1998, auraient fait 1 000 victimes, alors qu’officiellement il avait toujours été question de 150 morts ? Il expliquait : « Nous avons caché la vérité, parce qu’on ne dirige pas une bataille en sonnant le clairon de la défaite. Ceux qui faisaient les massacres collectifs ne le faisaient pas pour massacrer, mais pour faire lever la communauté internationale contre nous (11). » Ces propos montrent à eux seuls qu’aucune enquête n’a été diligentée pour établir et les faits et les responsabilités dans ces massacres.

Dans les années qui ont suivi les tueries, il n’y a eu que quelques rares semblants de procès de certains suspects. La plupart – selon les versions officielles – auraient été tués dans des accrochages avec les forces armées. L’un d’entre eux est Fouad Boulamia, accusé aussi d’avoir assassiné en novembre 1999 A. Hachani, un dirigeant du FIS. Lors de son procès, il dira avoir été contraint sous la torture d’« avouer » ce meurtre. Il prétend même avoir été menacé personnellement par le chef du DRS, le général-major Mohamed Médiène (12). À l’instar de ses coaccusés, il nie totalement avoir participé au massacre de Bentalha, pour lequel il a été condamné à mort lors d’un procès expéditif qui n’aura duré que quelques heures (13).

Les autorités algériennes, peu enclines à faire la lumière sur les massacres, se sont empressées à mettre en place un dispositif législatif interdisant toute recherche de vérité et de justice. En 1999, déjà, la loi sur la « concorde civile » prévoyait des exonérations ou réductions de peines pour les membres des groupes armés qui se rendaient, à condition qu’ils n’aient pas commis de massacres, attentats à la bombe ou viols. Or, la procédure que devaient engager les « repentis » n’était pas transparente et, en l’occurrence, leur véritable culpabilité ne pouvait être établie publiquement.

Non satisfaits d’occulter les multiples responsabilités dans les graves violations des droits de l’homme commises durant la décennie de sang, l’État algérien a promulgué en février 2006 une loi dite de « réconciliation nationale ». Celle-ci pousse le déni de Justice encore plus loin, puisque « aucune poursuite ne peut être engagée, à titre individuel ou collectif, à l’encontre des éléments des forces de défense et de sécurité ». Et, en conséquence, « toute dénonciation ou plainte doit être déclarée irrecevable par l’autorité judiciaire compétente ». La loi interdit aussi toute dénonciation de l’État et de ses agents pour les crimes commis sous peine d’un emprisonnement de 3 à 5 ans. Le 1 er novembre 2007, le Comité des droits de l’homme de l’ONU a demandé l’amendement du premier volet de cette loi d’amnistie, qui promeut l’impunité, et l’abrogation du second, qui porte atteinte à la liberté d’expression.

Le massacre des monts Seddat en mai 2006

Depuis le début des années 2000, la lutte antiterroriste est menée à coups d’offensives militaires dans des régions soupçonnées d’abriter des groupes armés. Ce qui se passe réellement durant ces campagnes pouvant durer des semaines est placé sous le sceau du secret. L’opinion apprend à peine le bilan des « terroristes » tués, sans pouvoir se faire une idée de leur véritable identité.

Dans le cas de l’offensive militaire qui s’est déroulée dans les monts Seddat dans la wilaya de Jijel, la presse algérienne a rapporté qu’à l’issue de l’encerclement d’une grotte dans laquelle se seraient cachés des terroristes pendant plus de cinquante jours, un premier assaut de « quinze heures » lancé contre la grotte, « du mardi après-midi [9 mai 2006] au lever du jour de mercredi [10 mai] », se serait soldé par la mort de nombreux « terroristes », dont des femmes et des enfants. Certains avancèrent même le chiffre de 120 terroristes tués. Des témoins oculaires affirment même avoir vu le chef d’état-major Gaïd Salah sur les lieux.

Après avoir localisé des personnes dans cette grotte, l’armée aurait lancé un assaut. Les membres de la protection civile dépêchés dans la grotte à la suite de l’attaque pour en sortir les cadavres en ont compté trente-sept, parmi lesquels vingt-deux enfants (dont le plus âgé n’avait pas quatorze ans), neuf femmes et six hommes. « Les corps étaient rigides, pétrifiés dans des positions qui font dire à ces agents que des gaz toxiques ont été à l’origine de leur mort. Ils rapportent par exemple avoir vu une femme assise donnant un biberon à son enfant, avec à ses côtés deux enfants assis, tous les quatre figés dans le mouvement où la mort les a surpris (14). » Se pose donc la question : qui étaient ces « terroristes » enterrés par la suite anonymement dans une fosse commune et quelles substances l’armée a-t-elle utilisées ?

Il est indispensable que des enquêtes indépendantes et impartiales soient menées pour faire la lumière sur les nombreux massacres commis en Algérie au cours des quinze dernières années. Il est impossible d’accéder à une véritable réconciliation entre les Algériens et entre les Algériens et leurs institutions sous le règne de l’impunité et la loi du silence.

1. Mohand Issad , Rapport de la commission d’enquête sur les événements de Kabylie , décembre 2001.

2. Propos rapportés par l’ex-colonel Mohammed Samraoui, alors membre de la DCE, qui était présent à cette réunion (Mohammed Samraoui , Chronique des années de sang. Algérie : comment les services secrets ont manipulé les groupes islamistes , Denoël, Paris, 2003, p. 162).

3. Salah-Eddine Sidhoum , Chronologie des massacres en Algérie (1994-2002) , Algeria-Watch, mars 2003, http://www.algeria-watch.org/mrv/2002/bilan_massacres.htm

4. El-Watan-El-Arabi , 2 janvier 1998 (traduction : http://www.algeria-watch.org/mrv/mrvreve/Chabane.htm).

5. Habib Souaïdia , La Sale Guerre , La Découverte, Paris, 2001, p. 150.

6. Voir la carte dans l’annexe 3 du dossier sur les massacres que nous joignons à ce rapport.

7. Voir le récit détaillé de ce massacre dans Nesroulah Yous (avec la collaboration de Salima Mellah ), Qui a tué à Bentalha ? , La Découverte, Paris, 2000.

8. AFP, 30 août 1997.

9. Observations finales du Comité des droits de l’homme de l’ONU sur l’Algérie, CCPR/C/Add.95.

10. http://www.ohchr.org/english/bodies/hrc/docs/AdvanceDocs/
CCPR.C.DZA.CO.3.CRP.1_fr.pdf.

11. El Watan , 22 mars 2006. Les ONG et les rescapés ont toujours avancé le chiffre de 1 000 morts.

12. Le Jeune Indépendant , 14 avril 2001.

13. Le Soir d’Algérie , 3 août 2004.

14. Voir pour plus de détail le communiqué d’Algeria-Watch en annexe.