Wikileaks: Bouabdallah, Sarkozy et la rivalité Airbus – Boeing !

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Bouabdallah, Sarkozy et la rivalité Airbus – Boeing !

Le Soir d’Algérie, 4 septembre 2011

Deux câbles diplomatiques américains datant de 2008 —la mise en ligne de l’ensemble des câbles diplomatiques américains détenus par WikiLeaks permet, désormais, une recherche par mot clé — lèvent le voile sur la rivalité entre Boeing et Airbus, se disputant des parts de marché en Algérie. Les câbles indiquent surtout des «pressions» du géant européen Airbus, exercées plutôt à travers le président français Nicolas Sarkozy.
Lyas Hallas – Alger (Le Soir) – Le premier câble rend compte de la réunion qu’a eue, le 15 mars, l’ambassadeur américain David Pearce avec le P-dg d’Air Algérie de l’époque, Abdelwahid Bouabdallah, un mois après son installation à la tête de la compagnie nationale. Ainsi, la discussion avait l’allure d’une prise de contact, abordant des aspects techniques si ce n’est les propos de Bouabdallah sur le forcing qu’exerce Airbus pour se positionner sur le marché algérien et les appels téléphoniques qu’il reçoit régulièrement de la part du président d’Airbus, se proposant à «casser les prix». Aussi, il a été question de souligner l’insatisfaction de la partie algérienne du tout dernier contrat passé avec le géant américain Boeing. Bouabdallah, et tout en révélant ses intentions d’acquérir dix jets de 100 à 150 places dont deux cargos en 2009, a montré au diplomate américain que Boeing ne proposait pas l’offre économiquement la plus avantageuse. Et de noter qu’Air Algérie aurait pu obtenir un arrangement financier plus intéressant encore. Le manager algérien, qui, par ailleurs, a avoué n’avoir aucun «background aéronautique», a demandé au diplomate américain de l’aider à faire un «choix sensé». Il l’a exhorté également à transmettre le message à Boeing pour qu’il fasse plus d’effort afin de préserver sa part de marché en Algérie. «Je n’ai pas de religion, dit-il à propos de la rivalité Airbus-Boeing, mais, indique-t-il, Airbus joue dans la sphère d’influence de Boeing et veut bien décrocher une part de marché en Algérie», souligne Abdelwahid Bouabdallah. S’agissant des problèmes techniques, ce dernier a précisé que c’est récurrent sur les routes du Sud, les deux appareils «n’ont pas été dotés du revêtement interne les protégeant contre le sable, le même problème diagnostiqué d’ailleurs sur deux Airbus 310 que la compagnie devra mettre bientôt hors service». Il a demandé, compte tenu de l’expérience des techniciens de la compagnie dans la maintenance des Boeing, d’élargir des contrats à l’assistance technique.
«Sarkozy fait régulièrement du lobbying pour Airbus»
Dans le deuxième câble, intitulé «Airbus veut casser Boeing en Algérie», récapitulant une autre entrevue, six mois après (le 7 octobre) et en présence du ministre des Transports Amar Tou cette fois-ci, le manager exprime franchement sa préférence pour le constructeur américain. Et outre, la révélation au diplomate américain de la consistance de l’offre d’Airbus (le rachat de tous les Boeing 737 d’Air Algérie pour les remplacer par des appareils Airbus), Bouabdallah lui a indiqué que le président français Nicolas Sarkozy lui-même fait «régulièrement du lobbying pour le compte d’Airbus», l’avertissant qu’«on ne saurait résister aux pressions politiques si Boeing ne fait pas un effort pour formuler une offre avantageuse ». Bouabdallah «souhaite », avance ledit câble, que «Boeing soit plus présent en Algérie et que la compagnie Air Algérie soit l’un des premiers clients du constructeur américain, boudé ces derniers temps à cause de la crise économique». Seulement, ajoute le même mémo, Bouabdallah a avisé l’ambassadeur américain en ces termes : «Air Algérie devra lancer vers la fin du mois un appel d’offres pour l’achat de onze appareils pour moderniser sa flotte de Boeing 737. Et même si notre compagnie est la plus encline de la région à acheter des Boeing, ne vous étonnez pas si nous changeons d’orientation parce que les pressions politiques sont poussées à l’extrême. Et j’ai même reçu un autre coup de fil, la semaine dernière, de la part du président d’Airbus.»
L. H.