Des Algériens sur les vols secrets de la CIA

SELON LES REVELATIONS D’UN MILITAIRE ALLEMAND

Des Algériens sur les vols secrets de la CIA

Le Quotidien d’Oran, 23 janvier 2006

En rendant publiques des révélations d’un officier allemand sur son site Internet,

la télévision publique allemande ARD vient d’acculer un peu plus les autorités américaines accusées d’avoir enlevé illégalement des terroristes islamistes présumés depuis 2001 et utilisé des aéroports européens ou survolé des pays européens avec des avions de la CIA.

Des avions qui les auraient transportés vers des prisons secrètes où ils seraient retenus et peut-être même torturés. Samedi, le site Internet de la télévision ARD a affirmé que l’armée allemande a été avertie dès juillet 2003 de soupçons d’enlèvements illégaux de suspects de terrorisme et de leur transfert vers la base de Guantanamo. Selon le Tagesschau.De, un officier de l’armée allemande en Bosnie-Herzégovine a transmis à sa hiérarchie un rapport dans lequel la femme d’un Algérien dénonçait l’enlèvement de son mari et de cinq compatriotes et leur transfert vers la base américaine à Cuba. Il s’agit des six Algériens, accusés par un tribunal bosniaque d’être des membres d’Al-Qaïda et d’avoir préparé un attentat à Sarajevo et qui avaient été libérés en janvier 2002 par manque de preuves. Les six hommes auraient été enlevés peu après leur libération. Le rapport du militaire allemand ne se limitait au fait unique de l’enlèvement, mais parlait aussi de l’existence d’indices réels d’une éventuelle arrestation contraire à la loi et d’une déportation au moins hautement douteuse. Le militaire avait de ce fait insisté sur la nécessité de porter son rapport à la connaissance des spécialistes compétents au sein de l’ambassade allemande à Sarajevo.

Apparemment et selon le Tagesschau, le rapport n’a jamais «atterri» sur les bureaux de l’ambassade allemande, et le ministère des Affaires étrangères ainsi que les services de renseignements extérieurs allemands ont indiqué ne pas en avoir eu connaissance. L’armée allemande aurait bloqué ce rapport et lancé une enquête, estimant que les confessions de cette femme auraient été obtenues en violation du règlement, le militaire s’étant présenté comme un journaliste. Le ministère de la Défense, interrogé par l’AFP, a refusé de commenter cette information, indiquant que l’enquête interne de l’armée n’était pas encore close. Les six «Algériens de Bosnie», Bensayah Belkacem, Hadj Boudellaâ, Saber Lahmar, Mustafa Aït Idir, Boumediène Lakhdar et Mohamed Nechle, étaient détenus à Sarajevo depuis octobre 2000 et accusés d’avoir eu l’intention de commettre des attentas contre les ambassades américaine et britannique. Innocentés par la justice bosniaque, les six prévenus ont été livrés le 18 janvier 2002 à leur sortie de prison par la police bosniaque aux autorités américaines qui les ont internés dès le lendemain dans le camp X-Ray situé à Guantanamo. Comme par hasard, la remise de ces six Algériens a eu lieu au lendemain de la décision de la Cour suprême de Bosnie de mettre un terme à leur détention préventive. Elle est également en violation d’une décision de la Chambre des droits de l’homme de Bosnie-Herzégovine qui avait interdit la remise de quatre d’entre eux (de nationalité bosniaque) aux autorités américaines. En avril 2003, la Cour bosniaque des droits de l’homme avait elle aussi confirmé que la décision des autorités bosniaques à l’encontre des Algériens, était une mesure arbitraire. La Cour a estimé que la Bosnie-Herzégovine et la fédération croato-musulmane ont violé plusieurs articles de la convention européenne des droits de l’homme, intégrée dans la constitution bosniaque, relatifs notamment à l’expulsion, à la détention illégale et à l’abolition de la peine de mort. Les familles des détenus ont intenté une action contre l’Etat bosniaque qui leur a offert des dédommagements pour un montant de 32.500 marks convertible chacune. A ce jour, les autorités américaines n’ont pas justifié l’arrestation des «six Algériens de Guantanamo» soupçonnés d’appartenir au réseau terroriste d’Al-Qaïda. Ils sont détenus sans inculpation ni jugement. Dans une tentative d’obtenir leur libération, un appel avait été lancé par les avocats américains des six détenus aux autorités algériennes et bosniaques pour s’impliquer davantage et les aider à les libérer. En avril dernier, les avocats de l’un des six Algériens kidnappés en Bosnie-Herzégovine, Mustafa Aït Idir, avaient déposé plainte contre l’administration Bush pour coups et blessures ayant entraîné une paralysie faciale.

Djamel B.