Visite de Donald Rumsfeeld à Alger

Visite de Donald Rumsfeeld à Alger

Le secret, l’extrémisme et la stabilité

El Watan, 12 février 2006

Donald Rumsfeld, secrétaire américain à la Défense, sera aujourd’hui à Alger. La visite est entourée d’une opacité totale. « No comment » à l’ambassade US à Alger. Silence complet au ministère de la Défense nationale. Washington retient visiblement pour l’Algérie le principe de « visite surprise », le même en vigueur pour l’Irak.

Est-ce à dire que l’Algérie est un pays peu sûr ? Surtout que la visite de Donald Rumsfeld à Fez au Maroc a été annoncée depuis plusieurs jours déjà. Autant que celle du directeur du Federal Bureau of Investigations (FBI). La presse marocaine a eu droit à toutes les informations sur cette visite, informée par l’ambassade des Etats-Unis à Rabat. Par contre, la venue de Robert S. Mueller en Algérie est passée presque inaperçue. Même « no comment » à la représentation diplomatique américaine à Alger. Mis à part la rencontre avec le ministre de la Justice, rendue publique par l’agence officielle APS, l’opinion nationale ignore tout sur les activités du directeur du FBI à Alger. Ni conférence de presse ni communiqué… Rien. Comme si ces visites relevaient du secret d’Etat. Robert S. Mueller s’est contenté de dire que sa venue vise à renforcer les relations entre l’Algérie et les Etats-Unis « en matière de coopération sécuritaire, notamment dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée ». Quelle est l’importance de cette « coopération sécuritaire » ? No news. Les diplomates américains en poste à Alger auraient reçu des instructions de Washington pour ne rien dire sur la venue de Rumsfeld et de Mueller. L’amusant dans cette affaire est que l’agence officielle algérienne (APS) a, à travers les bureaux de Tunis et de Rabat, annoncé hier la venue de Donald Rumsfeld en Tunisie et au Maroc alors qu’elle n’a soufflé mot sur cette visite en Algérie ! Le ministre de la Défense américain, qui a séjourné pendant deux jours en Italie où il a participé à une réunion informelle de l’OTAN, a entamé hier une tournée maghrébine de trois jours.
Réseaux
Elle vise, selon l’agence américaine Associated Press (AP), à construire « une étroite relation militaire » avec la Tunisie, le Maroc et l’Algérie pour « combattre l’extrémisme islamique et le terrorisme ». A bord d’un avion de l’US Air Force, qui le transportait vers Tunis, Donald Rumsfeld a confié, au journaliste d’AP, qu’il souhaitait que la Tunisie et le Maroc, « des amis de longue date », puissent se joindre à l’effort de combat contre le terrorisme. « Chaque pays a participé, à sa manière et de façon constructive, au combat contre l’extrémisme violent. Ce que nous avons apprécié et que nous voulons renforcer », a-t-il déclaré. Rumsfeld a estimé que le danger d’infiltration par des réseaux terroristes est présent en Afrique du Nord. Il a pris le soin, toutefois, de souligner que ce danger n’est pas « aussi grand » en Tunisie, en Algérie et au Maroc. La semaine écoulée une forte délégation d’experts militaires américains s’est déplacée en Mauritanie où elle a eu des discussions avec de hauts responsables du pays. L’idée d’un « poste avancé » de l’armée américaine au nord de la Mauritanie serait en discussion. « Il y a sûrement des endroits attractifs dans le monde pour les réseaux terroristes. Cela ne peut être possible dans des pays comme ces trois-là. Cela est possible dans des zones où il existe des espaces non administrés et où les gouvernements sont tolérants avec les extrémismes. Cela ne peut être le cas dans aucune de ces trois nations », a déclaré Donald Rumsfeld à AP. La venue du secrétaire américain à la Défense en Algérie, la première du genre dans l’histoire entre les deux pays, a été précédée par celle du général d’armée Charles F. Wald, adjoint au commandant des forces armées américaines en Europe (EUCOM, stationné à Stuttgart en Allemagne). Cet officier supérieur, qui a déjà visité l’Algérie au moins à deux reprises par le passé, a été reçu par le général-major Ahmed Gaïd Salah, chef d’état-major de l’ANP. Il y était question, selon les termes courts d’un communiqué du ministère de la Défense, d’une évaluation de « l’état actuel des relations de coopération militaire entre l’ANP et le commandement des forces américaines en Europe ». Les deux parties avaient déjà coopéré, en juin de l’année écoulée, pour les besoins des manœuvres militaires baptisés Flintlock 2005. Opération à laquelle ont participé d’autres pays dont le Sénégal, la Tunisie, le Niger, le Nigeria, le Mali, la Mauritanie et le Maroc. L’armée algérienne a également pris part à des exercices militaires en Ukraine en 2005. e Pentagone, qui a pris note de la volonté des officiers algériens d’avoir une coopération plus intense, souhaite que l’Algérie travaille « plus étroitement » avec ses voisins, notamment le Maroc et la Tunisie, sur les questions relatives à la sécurité. L’Algérie, selon des sources diplomatiques, est perçue par l’EUCOM comme « un partenaire clef » dans la région de l’Afrique du Nord dans le cadre de « la guerre globale » contre le terrorisme. On estime à Stuttgart que l’Algérie a prouvé sa capacité et ses succès dans son combat contre le terrorisme. Donald Rumsfeld sera reçu ce matin au siège du ministère de la Défense à Alger. A Tunis, Rumsfeld a déclaré que la Tunisie a longtemps « été une voix importante de modération et de tolérance dans cette région ». Il a souligné, repris par l’AFP, que les libertés politique et économique « doivent aller de pair, l’une dépendant de l’autre pour une stabilité à long terme ». La Tunisie bénéficie d’une aide militaire américaine estimée à plus de 10 millions de dollars.

Faycal Metaoui