Le Pentagone étudie un raid au Mali

L’ARMEE AMERICAINE ENVISAGE DE

TRAQUER UN COMMANDO SALAFISTE

Le Pentagone étudie un raid au Mali

Le Quotidien d’Oran, 2 mars 2004

L’état-major américain envisage l’éventualité d’un bombardement du camp du GSPC au nord du Mali, aux frontières algériennes, alors que le ministère allemand des Affaires étrangères vient de diffuser un avertissement urgent à ses touristes désirant se rendre dans le Sud algérien et au Mali.

La présence du commando salafiste, dirigé par Abderezak El-Para, dans le nord du Mali, semble inquiéter le Pentagone. C’est ce qu’a indiqué une source militaire américaine à Voice of America (VOA, La voix de l’Amérique), qui souligne que des experts de l’US Air force sont en place au nord du Mali afin d’étudier la faisabilité d’un raid américain contre le campement des salafistes algériens. Cette source ajoute notamment que »la présence prolongée d’un groupe fortement soupçonné d’être lié à Al-Qaïda, et qui pourrait offrir un refuge aux dirigeants islamistes, est une source d’inquiétude» aussi bien pour les Etats de la région que pour l’administration américaine.

Cette unité d’élite devra déterminer la «localisation» du groupe du GSPC et éviter qu’un éventuel raid contre le camp de base du commando islamiste ne tue des «civils innocents», après que des renseignements eurent fait état de la présence de ce camp entouré de campements de tribus nomades de la région subsaharienne. Une autre source du Pentagone, contactée par VOA, a indiqué que le bombardement est «une option active». Or, selon une source diplomatique américaine à Alger, cette option n’est pas d’actualité. »Il s’agit davantage d’un programme d’aide et d’assistance militaire pour le Mali et d’autres Etats de la région que d’une intervention».

Côté chancellerie malienne à Alger, des sources diplomatiques soulignent que les Maliens «ne sont pas informés d’un éventuel assaut des forces combinées américano-maliennes» contre le groupe du GSPC, mais confirment que »des instructeurs américains sont bien au nord du Mali dans le cadre de la formation des troupes maliennes». Le ministère malien de la Défense a également confirmé la présence de ces unités américaines sur son territoire mais a précisé qu’elles n’étaient pas «opérationnelles». Mais le plus paradoxal est que l’état-major malien puisse offrir toute latitude à l’aviation américaine pour utiliser l’espace aérien malien pour des opérations «ponctuelles», alors qu’il en avait refusé le droit à l’AAF (Algerian Air Force). Des sources maliennes avaient même accusé l’armée de l’air algérienne d’avoir «violé» l’espace aérien malien en trois occasions, lorsque des hélicoptères algériens auraient survolé la région de Kidal, provoquant un froid diplomatique et militaire entre Alger et Bamako.

Selon la radio d’Etat américaine, c’est l’interception réussie du convoi d’armement du GSPC vers le Nord opérée par l’ANP, entre In Salah et Tamanrasset, qui a accéléré l’option d’une intervention rapide dans la sous-région. D’ailleurs, trois généraux américains de haut rang sillonnent actuellement cette zone, dont l’adjoint au commandant en chef des forces US en Europe, le général Charles Wald, qui se trouvait récemment à Alger. Un autre général, Charles Kohler, se trouvait au même moment au Mali, avant d’aller en Mauritanie et au Nigéria.

Cette agitation militaire américaine va dans le sens des demandes répétées des Algériens d’amputer urgemment les salafistes du GSPC d’une base arrière au Mali. Sur ce plan, les appels répétés du général de corps d’armée Mohamed Lamari, chef d’état-major de l’ANP, et de l’ambassadeur d’Algérie à Bamako à l’adresse des Maliens afin d’agir ou de réagir à cette présence nuisible à la sécurité des frontières, semblent avoir trouvé un écho favorable à Washington.

Les autorités maliennes ont fait preuve d’un laxisme considérable, notamment en laissant les réseaux de trafiquants d’armes volées dans les garnisons maliennes traiter avec les salafistes et en permettant à ces derniers de franchir les frontières algéro-maliennes sans aucune interception.

C’est d’ailleurs ces préparatifs militaires au nord du Mali qui semblent effrayer les diplomates allemands, qui viennent de lancer un avertissement urgent à leurs ressortissants afin de ne pas se rendre dans cette zone allant du nord du fleuve Niger aux confins du Sahara algérien. L’alerte allemande évoque le risque «élevé de kidnapping» par les salafistes mais ne parle pas d’opération militaire. Berlin semble ne pas vouloir gêner davantage Alger dans sa volonté de briser le foyer des salafistes algériens, mais surtout la détermination des Américains à agir, surtout que l’Allemagne n’a toujours pas digéré les critiques explicites de l’état-major algérien, qui l’accuse d’avoir versé une rançon qui a permis au commando d’El-Para d’acquérir un armement de guerre sophistiqué.

Mounir B.