Polémique à l’américaine en contexte électoral algérien

Polémique à l’américaine en contexte électoral algérien

La voix de John Kerry s’est perdue dans la traduction

par Salem Ferdi, Le Quotidien d’Oran, 6 avril 2014

La visite de John Kerry en Algérie dans un contexte électoral a fait couler beaucoup d’encre avant même son arrivée à Alger. Son passage aussi… Le passage en Algérie de John Kerry restera marqué par une polémique sur la traduction d’un passage sur les élections de son discours prononcé à l’ouverture de la deuxième session du dialogue stratégique algéro-américain. L’agence APS en donnait une version qui avait valeur de jugement très positif sur la qualité et la nature de l’élection présidentielle du 17 avril prochain. Un appui en bonne et due forme puisque, selon cette version, M.Kerry a dit : «Nous nous réjouissons de voir le processus de l’élection présidentielle se dérouler dans la transparence». Le discours, en anglais, étant disponible sur le site du département d’Etat, la polémique a immédiatement enflé sur une possible erreur de traduction et surtout de manipulation du texte par l’agence de presse officielle. Car la formule en anglais «We look forward» ne pouvait, dans le contexte où elle a été dite, signifier que le secrétaire d’Etat US s’est «réjoui» d’une élection qu’il aura déjà adoubé du sceau de la «transparence». La version «réjouissance» était unanimement rejetée par ceux qui maitrisent la langue anglaise et par les traducteurs. Et comme on supposait que l’APS a «traduit», la polémique a immédiatement enflé sur les réseaux et les sites électroniques.

Chers amis de la presse… voici la bonne !

L’ambassade américaine à Alger, dans l’embarras, a envoyé aux médias algériens et dans les trois langues, français, arabe et anglais, une rectification allant dans le sens de la neutralité du propos de M.John Kerry. Le message expliquait aux «chers amis de la presse» qu’il y a eu des «rapports erronés» sur le discours du secrétaire d’Etat Kerry et que l’ambassade souhaitait partager avec les médias algériens «la traduction en français et en arabe de la partie du discours qui a été rapportée de manière incorrecte». Avec le vœu qu’elle servira à «corriger» les articles et analyses écrites à partir de «l’interprétation simultanée». Sans surprise la version «non réjouissante» et très neutre disait : «Nous comptons sur des élections qui sont transparentes et conformes aux normes internationales, et les États-Unis travailleront avec le président que choisira le peuple algérien afin de produire l’avenir que l’Algérie et ses voisins méritent». Corrigez-donc : les Etats-Unis ne disent pas que les élections seront transparentes mais «comptent» ou souhaitent qu’elles le «seront». Le message de l’ambassade américaine disculpe implicitement l’APS du soupçon de «manipulation» puisqu’il évoque des écrits faits sur la base d’une «interprétation simultanée» et que si erreur il y a, elle est le fait de l’interprète chargé de traduire les paroles de Kerry.

Les journalistes de l’APS sont innocents

L’agence APS a souligné à cet effet que ses journalistes «ont travaillé sur la base de l’interprétation simultanée assurée par des interprètes américains lors de cette session». L’APS souligne qu’elle a «rapporté fidèlement l’interprétation faite en français (plus d’une fois d’ailleurs) selon laquelle les Etats-Unis «se réjouissaient de la transparence» de l’élection présidentielle. «L’agence nationale d’information (APS) n’a ni «travesti», ni «manipulé» ou encore moins «orienté» les propos du secrétaire d’Etat américain, comme qualifié par des médias et confrères à travers des sites électroniques et réseaux sociaux». Le message de l’ambassade US confirme bien «l’innocence» des journalistes de l’APS. Le cafouillage est bien américain. La polémique provoquée par cette phrase aurait éclipsé tous les autres sujets liés à la visite de John Kerry. Un épisode qui confirme d’ailleurs amplement le caractère «inconvenant» ou «déplacé» du timing de la visite du chef du département d’Etat en Algérie.

Sur un site électronique, une consœur remarque que l’APS n’a pas besoin de déformer les propos de M.John Kerry ; il en énonce lui-même de biens gros. «Au beau milieu d’un été sanglant, l’année dernière, John Kerry a félicité les militaires égyptiens d’avoir «restauré la démocratie». Il a récemment admonesté la Russie en déclarant qu’on «ne peut tout simplement pas se comporter comme au 19e siècle en envahissant un autre pays». Sur ces sujets, il n’y avait pas eu erreur de traduction cependant !