Le Pentagone projette de créer un commandement général en Afrique

En vue d’agir plus efficacement et plus rapidement sur le terrain

Le Pentagone projette de créer un commandement général en Afrique

par Mohamed Khellaf, Le Jeune Indépendant, 23 décembre 2006

Le Pentagone projette de mettre en place un commandement général en Afrique, indépendant de l’Eurocorp, doté d’une force militaire d’intervention rapide à laquelle seront associés de nombreux Etats du continent dont l’Algérie. Ce centre de commandement, dont le projet est examiné par le président George W. Bush, sera chargé principalement de missions de lutte contre le terrorisme, en plus des actions classiques d’aides humanitaires, ont fait savoir des responsables de la Maison-Blanche et du ministère américain de la Défense, cités avant-hier par le quotidien Boston Globe.

Baptisé Africom, le futur commandement des forces américaines en Afrique «mettra en œuvre les stratégies militaires et de développement» élaborées par l’administration américaine à travers tout le continent noir. Ces «stratégies», selon les mêmes sources, cibleront aussi bien les conflits armés, les pandémies que la montée de «l’islamisme» pour mettre certains pays à l’abri d’un basculement dans le camp hostile, à l’image de la Somalie.

Le projet du Pentagone, qui sera approuvé dans les prochains jours par la Maison-Blanche, indique le Boston Globe, s’intéressera dans un premier temps aux situations en Somalie et au Soudan, présentés comme des fiefs des réseaux d’El-Qaïda.

Selon le porte-parole du Pentagone, le lieutenant-commandant Joe Carpenter, il s’agit de prévenir contre l’avènement d’un nouvel Afghanistan en Afrique. «Grâce à ce centre, les militaires disposeront d’un dispositif mieux organisé qui leur permettra d’opérer des actions préventives facilitant par la suite les actions politiques du gouvernement», a-t-il dit.

«L’Africom sera un dispositif différent de ceux qui existent dans d’autres régions et ne se limitera pas, comme par le passé, aux actions d’aides aux armées africaines locales contre les menaces terroristes», a-t-il ajouté. Les responsables américains n’ont pas encore décidé du lieu où sera installé l’Africom ni de la date de son lancement ; il sera, ont-ils indiqué, proche des zones d’instabilité.

Des experts n’excluent pas que ce centre sera basé dans l’un des pays de la région du Sahel considéré par Washington comme le point de repli des groupes armés affiliés à El-Qaïda. Plusieurs pays connus pour leur expérience en matière de lutte contre le terrorisme ou faisant face à la menace terroriste seront sollicités, à l’image de l’Algérie, du Niger, du Mali, de la Mauritanie, de l’Egypte et du Kenya, qui ont participé à l’initiative Pan-Sahel, le précédent plan du Pentagone de lutte contre le terrorisme dans les régions subsahariennes.

«Les actions de l’Eurocorp ont démontré leurs limites dans les actions menées dans les régions subsahariennes où les groupes islamiques ont installé leurs bases», a estimé M. Carpenter. Pour Susan Rice, une spécialiste des questions africaines à l’institut Brookings, un bureau d’analyse basé à Washington et cité par le quotidien, la création d’un commandement militaire distinct en Afrique permettra d’aborder plus facilement des conflits comme celui du Darfour, à l’ouest du Soudan.

Le sénateur républicain Ed Royce, également vice-président de la sous-commission des affaires africaines à la chambre du Sénat, affirme que «ce projet tombe au bon moment, compte tenu du fait que l’Afrique constitue un pole stratégique important pour les Etats-Unis».

A l’heure actuelle, le Pentagone possède cinq centres de commandement en Europe, en Asie et au Moyen-Orient, tandis que l’Afrique est dotée d’un sous-commandement régional dépendant du commandement général américain en Europe, ce qui «rend difficiles et lents les préparatifs d’intervention militaire américaine dans ce continent», estiment les mêmes responsables.

Elaboré au début de l’année, l’Africom, précise le Pentagone, a aussi pour objectif de «garantir la sécurité des Etats-Unis en mettant fin aux conflits externes, à l’instabilité et à l’anarchie dans de nombreuses zones d’Afrique». Dès lors, le Pentagone, qui a mis au point ce projet avec l’assistance du département d’Etat et des agences gouvernementales, envisage de faire de ce quartier général un centre de commandement «névralgique» qui agit en toute indépendance par rapport aux autres centres de commandement américains dans le monde.

Selon un responsable du Pentagone cité par le même Boston Globe, «l’Afrique ne constitue pas une menace militaire directe pour les Etats-Unis, mais il s’agira à travers l’Africom de préparer les troupes américaines à intervenir plus facilement dans les zones de combat».

Sa mission sera aussi d’aider les pays africains à mieux protéger leurs frontières et à les soutenir dans leurs actions contre les menaces pesant sur leur sécurité, a ajouté ce responsable. L’Africom sera confié à un général quatre étoiles, mais il bénéficiera aussi de l’apport de personnes civiles relevant du département d’Etat et qui seront chargées «de mettre en œuvre les politiques américaines ou de défendre les points de vue de l’Administration» dans tout le continent.

M. K.