Les Américains veulent un Centre de commandement commun au Maghreb

Partenariat Algérie-USAFRICOM

Les Américains veulent un Centre de commandement commun au Maghreb

par Notre Envoyée Spéciale A Ramstein (Allemagne) : Ghania Oukazi, Le Quotidien d’Oran, 15 décembre 2013

Le général Carlton Everhart, commandant adjoint de la 3ème force aérienne, se rendra en Algérie, en avril prochain, pour soutenir la coopération avec les forces armées algériennes.

C’est lui-même qui l’a fait savoir aux journalistes algériens, ramenés mercredi matin, très tôt, par des responsables militaires américains, à Ramstein, une région située à 300 km de Stuttgart. Lors de sa visite à Alger, le général Everhart a déclaré qu’il allait rencontrer le général Abdelkader Lounis des forces aériennes algériennes pour discuter « coopération et partenariat, aux fins de relever les défis auxquels nous faisons face,» a-t-il dit. Il fera, aussi, savoir aux journalistes mauritaniens qu’il se rendra dans leur pays en mars prochain. «L’Algérie et la Mauritanie sont deux pays qui réfléchissent bien et font de bonnes propositions pour résoudre les problèmes de la région, » a-t-il soutenu. La surveillance des frontières et des côtes semble figurer, en pôle position, dans l’agenda des militaires américains. «Vos frontières sont longues et larges, il faut, absolument, les sécuriser, il est donc, nécessaire que les pays voisins instaurent une coopération, à cet effet,» dit le Commandant adjoint de la 3ème force aérienne de l’USAFRICOM. Il explique que les objectifs du Commandement sont de l’ordre de trois: l’échange de renseignements, la surveillance par les forces locales et le transport des troupes pour soutenir celles locales, en cas de catastrophes naturelles et de situations d’urgence. « Nous voulons aider vos pays pour qu’ils deviennent une force de frappe, dans la région, » affirme le général Everhart. Il fait de la coopération entre les voisins et aux frontières, «une nécessité absolue.» Il pense faire avancer, lors de ses visites, l’idée de la création d’un Centre de Commandement commun, dans la région du Maghreb. Il demande à connaître « les besoins des armées pour pouvoir les aider. » Le processus est, dit-il, déjà engagé avec la Mauritanie. Pour ce qui est de l’Algérie, elle a, affirme-t-il, à plusieurs reprises démontré ses capacités en matière de renseignement, et à faire face aux menaces qui pèsent sur la région du Sahel. Il rappelle que l’Algérie, par ailleurs, a bien fait d’abriter l’Organisation de la conférence sur le Sahel.

Dans la base située à Ramstein où active le général Everhart, vivent plus de 58.028 Américains dont 25.036 militaires (dont 3.054 officiers supérieurs) et 10.524 civils en plus de leurs familles 22.468.

«LA BATAILLE D’ALGER» A L’USAFRICOM

Mercredi prochain, les responsables du Commandement américain pour l’Afrique vont projeter, à leurs troupes des casernes « Kelley », à Stuttgart, le film « La bataille d’Alger » pour disent-ils, qu’ils sachent ce qui s’est passé en Algérie. Le Commandement pour l’Afrique prévoit, en 2014, de mener « 86 activités en vue de construire, en Afrique, des infrastructures militaires de base fortes. » Il est question, pour les responsables américains, de « développer une stratégie régionale aérienne. » Les journalistes algériens et mauritaniens ont visité l’Hercule C 130 J, un avion militaire médicalisé avec les moyens les plus modernes. « Avant qu’on ait cet avion, nous transportions les blessés vers les Etats-Unis, en 45 jours, aujourd’hui, nous ne passons que 24 à 72h, » indique une responsable américaine de l’armée de l’air.

Notons que le modèle de l’Hercule a été présenté, l’année dernière, à Alger. Il est dit aussi qu’il y a trois ans de cela, l’Algérie a reçu de l’USAFRICOM un soutien technique, dans le domaine de la santé et de l’assistance médicale, dans des situations d’urgence. L’Algérie a reçu, au titre de l’année fiscale 2013, un million de dollars de l’USAFRICOM pour la formation et l’entraînement de ces troupes pour la lutte antiterroriste. Ce sont les responsables militaires de l’USAFRICOM qui l’affirment à partir de Stuttgart.

LE SOUHAIT AMERICAIN

« Toute action menée par les USA répond à leurs intérêts nationaux, parfois, nous avons des intérêts communs avec d’autres Etats, parfois aussi, on dirige une action au profit d’un Etat parce qu’on attend quelque chose de lui, » avouent des responsables du commandement pour l’Afrique. Les Américains souhaitent que l’Algérie permette aux forces de l’Africom de mener des exercices sur ses territoires. Des responsables de l’Africom déclarent que « la plupart des pays africains voudraient qu’on organise des opérations ‘FLINTLOCK’ dans leur pays parce qu’ils estiment ainsi qu’ils peuvent s’assurer une grande et meilleure participation, aux côtés des Américains. » Ils attendent que l’Algérie en face partie.

D’autre part, les Américains n’en démordent pas, ils répètent qu’ils assureront toujours de l’aide à la France dans sa guerre, dans le nord du Mali. «Je ne sais si on a aidé la France à planifier ses opérations militaires au Mali, mais nous l’aidons, depuis, en matière de logistique, » avoue un responsable américain. Ils sont cependant, unanimes à nier toute implication étrangère dans les révoltes arabes. « Les Etats-Unis n’ont pas soutenu le coup d’Etat contre Kadafi, nous avons soutenu l’OTAN parce que nous craignons une catastrophe humanitaire à Benghazi, » estime l’un d’entre eux. Ils répéteront, par ailleurs, que «nous n’avons pas la volonté de créer aucune base dans les régions de l’Afrique, nous avons un bon dialogue avec l’Algérie, nous souhaitons qu’il y ait une bonne coopération entre nous. » Ils ajoutent que « votre gouvernement a une politique claire, à cet effet, une souveraineté nationale forte et plaide, toujours, pour la non ingérence dans les affaires internes des Etats. »

«NOUS AVIONS DES INFORMATIONS SUR BELMOKHTAR»

Interrogé sur leur participation ou pas dans le dénouement de la crise de Tiguentourine, l’un d’eux fait savoir aux journalistes que « plusieurs d’entre nous étaient en contact avec vos responsables, nous avions des otages, nous en avions perdu trois, nous avons coopéré avec les autorités algériennes, nous leur avons donné tout ce qu’elles avaient demandé, je ne commente pas la coopération dans le renseignement.» Il reconnaîtra que les Etats-Unis avaient des informations sur Belmokhtar, le chef du groupe terroriste qui a investi la base de Tiguentourine. «Nous avions des informations à son sujet, ce n’est un secret pour personne, mais on se demande qui devait l’arrêter, le Mali ou l’Algérie, l’USAFRICOM a 5 ans seulement ! » fait-il remarquer, avec un sourire. Il indiquera, au passage, que l’USAFRICOM a opté pour une stratégie sur le long terme dont l’objectif premier est de professionnaliser les armées africaines. « Le long terme, c’est pour mieux comprendre les choses et aller de l’avant, même si ça prend du temps, » dit-il. Il estime ainsi qu’ «assurer l’avenir est plus important que ce qui se passe, aujourd’hui, en Afrique.»

A propos du Sahara Occidental, le responsable américain notera que «nous soutenons les résolutions de l’ONU qui plaident en faveur de la tenue d’un référendum d’autodétermination du peuple sahraoui mais il est difficile de créer les conditions pour son organisation. » Il précise que « nous n’avons pas de position à propos de l’indépendance du Sahara Occidental mais le peuple a le droit de décider.»


Le commandant en chef de l’USAFRICOM à Stuttgart parle de l’Algérie : Equipements militaires, terrorisme, renseignement

par Notre Envoyée Spéciale A Stuttgart (Allemagne): Ghania Oukazi

Les Etats-Unis vont fournir à l’Algérie des équipements pour désamorcer les engins explosifs improvisés (EEI) ainsi que des MRAP, véhicules blindés conçus pour résister aux explosifs en question.

Ce sont les deux plus importants responsables de l’USAFRICOM (le Commandement américain pour l’Afrique) qui ont défloré le sujet devant des journalistes algériens et mauritaniens en visite pour une semaine, au siège du commandement à Stuttgart. Il est vrai qu’ils ont été avares d’informations et de déclarations à ce sujet, mais chacun de son côté, a délivré des bribes sur des requêtes algériennes d’achat d’équipements et d’armement, comme pour que chacun complète les déclarations de l’autre.

C’est donc au cours d’un point de presse d’une heure, organisée vendredi dernier au club « Kelley » situé au siège de l’Africom à Stuttgart, que le général David Rodriguez a répondu à des questions de journalistes algériens et mauritaniens. Le commandant en chef de l’Africom a été très concis dans ses réponses. Interrogé sur la possibilité de l’Algérie d’acquérir des équipements militaires des Etats-Unis, il dira sans hésiter qu’il n’est pas au courant de l’existence -ou non- d’une telle demande. Mais il lâchera plus loin que « la majorité des pays africains formulent des demandes avec des points précis comme l’acquisition de techniques de commandement et de contrôle des communications, du renseignement ainsi que des avions de surveillance. » Il expliquera alors que « le renseignement exige les efforts de tous » pour indiquer encore que « les Africains veulent aussi acquérir des moyens qui permettent à leurs troupes de se déplacer. » Le général Rodriguez affirmera enfin, qu’à l’instar de beaucoup de pays africains, « l’Algérie a demandé à acheter des équipements pour pouvoir désamorcer les engins explosifs improvisés (EEI).» Une information confirmée quelques minutes avant par le général de corps d’armée, Steven Hammer, commandant-adjoint des opérations à l’Africom depuis août 2013, qui avait lui aussi rencontré les journalistes au même endroit. Il avait déclaré ainsi, que l’Algérie a fait une demande d’achat d’équipements techniques et militaires et de MRAP, des véhicules blindés conçus pour résister aux engins explosifs improvisés et aux embuscades.

DES DRONES AMERICAINS POUR L’ALGERIE ?

L’une dans l’autre, ces informations viennent quelque part confirmer les échos d’une signature récente par le gouvernement algérien de la lettre d’offre que les Américains lui ont soumis après qu’ils ont accepté sa requête d’achat. Les deux pays ont donc trouvé un compromis, le premier -les Etats-Unis- par son abstention d’imposer à l’Algérie des conditions drastiques avant de lui vendre des équipements militaires et le second -l’Algérie- par son acceptation du contenu des clauses du contrat dans pareille transaction. L’on sait que pendant longtemps, les Américains ont refusé de céder dans ce genre de commerce en exigeant du pays demandeur de prouver qu’ « il ne retourne pas les armes achetées contre son peuple et qu’il respecte les droits de l’homme. » Bien qu’il n’existe pour l’heure aucune précision sur ce dossier, l’on pourrait penser que les Etats-Unis ont aussi accepté de vendre des drones à l’Algérie après que leur gouvernement a signé la requête qu’elle lui a adressée en 2012. L’on dit que l’accord concerne aussi l’achat par l’Algérie d’un stock d’équipements et d’armement que le Commandement pour l’Afrique l’a en surplus. Le contrat global attend d’être ratifié par le Sénat américain.

Le Commandant en chef de l’Africom fera savoir que ses personnels ont de l’expérience en expertise des techniques de désamorçage des explosifs. Il est possible qu’il se rende en Algérie au début de l’année prochaine pour se renseigner sur « les besoins du pays en matière de sécurité notamment celle des frontières avec tout ce qui ce passe là-bas et les défis et menaces qui pèsent sur la région. » Pour ce qui est de son déplacement en Algérie, il n’avait donné aucune date mais il a interrogé son aide de camp qui lui faisait face lors de la conférence de presse pour lui en faire la précision.

Celui-ci avait lancé «début de l’année prochaine » sans trop de conviction.

Le général Rodriguez précise néanmoins, que durant cette visite, « il ne s’agira pas seulement de discuter sur les questions de sécurité et des moyens de l’assurer mais d’écouter pour en connaître précisément les besoins.» Il insistera beaucoup sur la nécessité de l’échange du renseignement entre l’Africom et les pays africains. «Le renseignement doit être collecté, partagé, analysé et intégré dans le système de sécurité», a-t-il recommandé. La sécurité inclut, selon lui, la lutte contre le terrorisme, les narcotrafiquants (de l’Amérique latine au Golfe de Guinée), le crime transnational… Il estime que « l’action militaire n’en est pas la solution mais en constitue une partie. » Il appelle à « des efforts globaux de l’ensemble des partenaires de l’Africom, des réformes de leur justice, de l’éducation et la mise en œuvre de programmes de développement économique. » Ce sont, juge-t-il « des problèmes complexes pour la solution desquels il faut une approche inclusive de tous nos partenaires.»

Le Commandant en chef de l’Africom notera que « nous pouvons pour cela, jouer un rôle d’appui auprès des autorités locales africaines. » Pour lui, le véritable danger vient de l’Afrique de l’Est. « C’est notre priorité, nous accordons de l’aide à l’UA et aux institutions régionales pour trouver des solutions aux crises de cette région. » Ceci n’empêche pas que « l’Africom essaie d’aider du Mali à la Libye pour développer des structures sécuritaires efficaces». La Mauritanie a déjà, selon lui, bénéficié d’un entraînement de ses troupes par l’Africom au titre de la lutte antiterroriste. Il indiquera que le Commandement américain pour l’Afrique a commencé à aider à transporter les troupes en Afrique centrale pour, a-t-il dit, «éviter un désastre».

Le fait que le siège de l’Africom se trouve à Stuttgart alors qu’il est destiné à l’Afrique ne pose, selon lui, aucun problème. « On reste convaincu que le fait qu’il soit ici est un bon choix », a-t-il dit. Evidemment, avoue-t-il, «des responsables ont réfléchi sur les possibilités de l’installer quelque part en Afrique mais la majorité a voulu qu’il soit à Stuttgart; on est sur le même fuseau horaire que l’Afrique et les distances qui nous séparent ne sont pas très grandes. Je crois que nous allons rester ici pour longtemps.»

«ON CHERCHE TOUJOURS DES OCCASIONS POUR TRAVAILLER AVEC L’ALGERIE »

Le général de corps d’armée, Steven Hammer, commandant-adjoint des opérations de l’Africom, a qualifié l’Algérie et la Mauritanie de « pays importants pour la paix dans la région. » Il fait savoir que « l’Africom utilise 5000 personnes pour dialoguer avec les pays de la région, c’est peut-être peu par rapport à l’immensité du continent africain. » Il indiquera que « l’Algérie a participé dans des opérations Flintlock aux côtés des forces spéciales Usafricom. « On cherche toujours des occasions pour travailler avec l’Algérie, » dira-t-il. Information confirmée plus tard par Benjamin Benson, directeur des relations avec les médias, qui précisera que « le partenariat de l’Africom avec l’Algérie repose sur la professionnalisation de son armée, la formation de ses troupes, l’échange du renseignement, des exercices et manœuvres dans le cadre des opérations navales Phoenix Express, pour la lutte contre le trafic illicite en Méditerranée et des opérations Flintlock (entraînement militaire terrestre multilatéral) au même titre que la Mauritanie.» L’Algérie fait partie, selon lui, du réseau trans-Sahara, concerné par la lutte antiterroriste.

Interrogé sur l’attaque de Benghazi en Libye, le général de corps d’armée avouera que « nous en avons tiré une leçon pour ce qui est de l’immensité du continent africain parce qu’on évalue toujours les distances pour pouvoir intervenir rapidement. » A propos des guerres perdues et inutiles menées par les Etats-Unis, à l’évocation de l’Irak et de l’Afghanistan, il lâchera « parfois, je préfère de beaucoup être à la maison. » Mais, tente-t-il d’expliquer, « nous avions des défis, nous avons tiré de grandes leçons, c’est difficile de dire que ce sont des guerres perdues ou gagnées.» En ce même jour et au même endroit, les journalistes ont essayé de discuter avec le soldat le plus gradé de l’Africom, le sergent-major Devin J. Bohn qui ne semblait pas très inspiré pour répondre à leurs questions. On retiendra juste une précision de sa part à savoir que «l’armée algérienne pourrait peut-être penser à intervenir en dehors de ses frontières pour mieux préserver les intérêts de son pays. »


Afrique du Nord- USAFRICOM : « L’Algérie, leader régional dans la lutte contre le terrorisme »

par G. O.

L’invitation des journalistes algériens et mauritaniens en même temps est expliquée au sein des casernes « Kelley » à Stuttgart par «l’importante relation de partenariat que nous entretenons avec vos deux pays ainsi que les rencontres au plus haut niveau que nous avons eues ». L’essentiel est que «nous avons des intérêts communs de stabilité, de sécurité et de développement », dit un responsable américain de l’USAFRICOM. Au niveau de ce commandement, il est souvent avancé que «l’Algérie et la Mauritanie sont deux pays partenaires leaders ». Cette « sentence » est inspirée, selon ses auteurs, par «le poids géostratégique des deux pays et leur expérience en matière de lutte contre le terrorisme ; il est donc impératif de continuer et de renforcer ce partenariat ». Les Américains pensent que l’Afrique du Nord doit «s’armer » pour combattre le terrorisme à ses frontières aux fins de les sécuriser. » Dans un data show projeté au club « Kelley », les militaires de l’USAFRICOM ont publié la liste des pays de l’Afrique du Nord chacun avec une remarque spécifique. On y lit «Algérie : leader régional dans la lutte contre le terrorisme ; Tunisie : sécurité des frontières internes : Maroc : Sahara Occidental+ Union Africaine : Mauritanie : opérations AFRICOM pour le Mali ; Egypte : principal influent- OTAN- UE avec l’AFRICOM. « Mais on se demande si on doit l’inclure dans le Moyen-Orient ou dans l’Afrique du Nord, » se demandent encore les Américains à propos du pays des Pharaons. Décrypté, le classement signifie, selon des responsables militaires de l’USAFRICOM « l’Algérie a une grande expérience en matière de lutte antiterroriste, certes, notre relation avec elle est nouvelle par rapport aux autres pays de l’Afrique du Nord mais nous savons qu’elle a des capacités militaires appréciables et qu’elle n’a donc pas besoin d’un grand soutien de notre part ». Maroc «notre relation avec ce pays est plus ancienne, comme l’Algérie, il a une armée capable de se défendre, seulement, il focalise ses efforts sur le Sahara Occidental et sur la résolution de ce conflit ; il n’est pas non plus membre de l’UA avec laquelle nous travaillons étroitement, cela n’empêche pas que c’est un partenaire important pour nous. » Tunisie «le pays est secoué par des troubles depuis quelques temps, il a des difficultés à protéger ses frontières, ses gouvernants en font leur priorité, il leur faut de l’aide ».

Historiquement, tient-on à préciser, c’est la Tunisie qui a reçu le plus d’aides financières de l’USAFRICOM. La Mauritanie «a effectué un bon travail en matière de lutte antiterroriste notamment ; on lui a donné deux avions pour surveiller les frontières ; nous œuvrons pour le renforcement de ses capacités logistiques et de ses forces spéciales. Elle a participé dans des opérations FLINTLOCK organisées par l’USAFRICOM pour le Mali où il est question d’interopérabilité entre les forces régionales pour faire face aux crises et renforcer les capacités militaires pour lutter contre le terrorisme».


«Aujourd’hui, les pays africains ont compris que c’est pour leur sécurité»

par G. O.

Les Américains ont décidé de régenter le continent africain en lui consacrant un commandement militaire d’interventions à la mesure de leurs ambitions expansionnistes.

Au même titre que l’Organisation transatlantique nord (OTAN) au sein de laquelle la suprématie américaine n’est plus à démontrer, l’USAFRICOM (Commandement américain pour l’Afrique) a décidé de médiatiser ses activités, d’expliquer ses missions et de préciser ses objectifs. Il le fait auprès des médias des pays africains. Pays qu’il affirme considérer comme des partenaires « à part égale » dans le maintien de la paix, la préservation de la stabilité, la lutte contre le terrorisme et le crime transnational. Il déclare aussi être prêt à intervenir dans le continent en cas de catastrophes naturelles ou de situations de crises ou de conflits régionaux, à la demande, disent ses responsables, des Etats africains. « Au début, l’idée d’un commandent américain pour l’Afrique n’était pas acceptée par les pays africains, mais aujourd’hui, ils ont compris que c’est pour la sécurité et la stabilité de leurs pays, » déclare un haut responsable du Commandement.

Du 8 au 14 décembre, le Commandement a reçu 5 journalistes algériens et 6 mauritaniens dans les casernes « Kelley » basées à Stuttgart en Allemagne pour les convaincre de sa bonne volonté de « rendre service aux Africains » ; ceci bien sûr, quand les demandes d’aides ne remettent pas en cause les intérêts américains qui sont d’une importance absolue et sans limites.

CE QUE VEUT «LE GENDARME DU MONDE»

Comme déjà connu depuis 5 ans, cette nouvelle force de domination que les Américains se sont offerte a son siège en Allemagne. Ils l’ont appelée USAFRICOM (Commandement américain pour l’Afrique). De par cette désignation, les enfants de l’Oncle Sam ne cachent pas ce désir « ardent » qu’ils ont toujours nourri pour régenter le monde. L’expression «gendarme du monde » qui leur est consacrée n’a jamais été une vue de l’esprit. « USAFRICOM est un des six commandements américains régionaux de combat affiliés au ministère américain de la Défense. Les responsables américains nous font savoir que ce Commandement est chargé de l’ensemble des opérations du ministère américain de la Défense et de ses manœuvres sécuritaires dans le continent africain et dans ses eaux territoriales.» Jusque-là, les ambitions « d’interventions » et de « combat » sont bien claires.

Pour eux, le continent africain est un «gouffre » de fléaux. « Les problèmes de sécurité de l’Afrique sont impressionnants, » affirme le lieutenant-colonel Charles Z. Hooper, directeur des stratégies, plans et programmes de l’USAFRICOM dans un écrit. « Terrorisme, importantes organisations extrémistes violentes, piraterie et trafic illicite d’armes, de stupéfiants et d’êtres humains, pauvreté et corruption dans beaucoup de régions contribuent, dit-il, à créer un cercle insidieux d’instabilité, de conflits, de dégradation environnementale, qui érodent la confiance des Africains en leurs institutions et en leur capacités de gouverner.»

Les responsables militaires américains tentent d’expliquer la nature de leurs objectifs et soulignent que «le Commandement africain des Etats-Unis active en coordination avec ses partenaires des différents pays et régions pour la construction et le développement de capacités de défense et de riposte susceptibles de faire face aux crises et aux menaces internationales ; ceci en vue de préserver les intérêts américains nationaux et d’encourager la paix et la stabilité régionales. » Ils estiment qu’ « une Afrique sûre et stable sert au mieux l’intérêt national des Etats-Unis (…), elle est essentielle à l’achèvement de nos buts et objectifs.»

«LES REALITES FISCALES» AMERICAINES QUI EXIGENT L’EXPANSIONNISME

Les stratèges américains se plaisent à répéter ce proverbe africain : « Si vous voulez aller vite, allez seul. Si vous voulez aller loin, allez ensemble» quand il s’agit pour eux de souligner la nécessité d’un partage des tâches entre leur pays et les Africains. Les Etats-Unis ne cachent pas qu’ils veulent impliquer de nouveaux partenaires dans la recherche et la préservation de leurs intérêts de plus en plus croissants. Ils reconnaissent à demi-mots qu’ils se sont « accaparés » le monde et qu’il leur faut de l’aide pour en rester « les maîtres ». « Les réalités fiscales exigeantes, la fin de la guerre d’Irak, la transition se déployant en Afghanistan, et une concentration renouvelée aux intérêts continuels en Asie et au Moyen-Orient, augmentent l’importance de partager les tâches, » souligne le rédacteur de la réflexion. Il s’appuie sur les propos tenus en 2012 par le secrétaire américain à la Défense pour souligner à cet effet, que «mettre debout une capacité de partenariat reste un point important pour partager les coûts et responsabilités d’un leadership global avec les Etats qui apprécient les valeur de liberté, de stabilité et de prospérité.»

L’USAFRICOM a lancé ses premières activités le 1er octobre 2007. Il est commandé depuis le 5 avril 2013 par un des responsables de l’armée américaine, le général David Rodriguez.

Le Commandement fonctionne avec plus de 2000 hommes entre officiers supérieurs et fonctionnaires fédéraux des Etats-Unis, en plus de fonctionnaires contractuels. 1500 d’entre ces personnels travaillent au siège du Commandement à Stuttgart. Le reste des opérationnels ont été affectés aux unités de la base aérienne de l’Etat de Floride et de celle installée dans le Royaume-Uni. Le Commandement coordonne ses activités à travers des bureaux de coopération sécuritaire et des attachés de défense nommés au niveau de 38 pays. L’USAFRICOM a aussi des officiers auprès d’organisations africaines qu’il qualifie de « pivots » entre autres, l’Union africaine, la CDEAO (Communauté économique des pays de l’Afrique de l’Ouest) ainsi qu’auprès du Centre international Koffi Annan pour l’entraînement des troupes et le maintien de la paix au Ghana. L’on note que l’ensemble des personnels de l’USAFRICOM sont issus des compétences gravitant autour du gouvernement américain dans son ensemble. « Parmi eux, quatre officiers du corps diplomatique connus pour leur ancienneté auprès de missions américaines importantes et 30 cadres affiliés à 10 départements gouvernementaux dont le département d’Etat, la Défense nationale et l’Agence américaine pour le développement international, » précise le lieutenant-colonel.

«ON S’ATTEND A DES REVERS»

Les forces de l’USAFRICOM travaillent en étroite collaboration avec leurs compatriotes militaires activant dans différentes bases comme ceux de Naples (Italie), ceux de l’Europe stationnées à Stuttgart aussi, ceux basés dans la Corne de l’Afrique en plus des 2000 militaires de la base américaine installée à Djibouti. Le Commandement est, en plus, aidé par des forces spéciales des Marines stationnées elles aussi dans les casernes « Kelley » à Stuttgart. Le budget « opérationnel » de l’USAFRICOM varie d’année en année. Il était de 274 millions de dollars en 2010, 286 en 2011 et de 276 en 2012. « La zone de responsabilité de l’USAFRICOM est immense, diverse et complexe, » écrit le lieutenant-colonel. Zone qui inclut 53 Etats africains, plus de 800 groupes ethniques, plus de 1000 langues et une superficie géographique faisant 3,5 celle des Etats-Unis. Ajouté à cela « les problèmes politiques, économiques, sociaux et de sécurité. » Il précise surtout que « l’Afrique est géographiquement, historiquement et commercialement inexorablement liée non seulement aux deux piliers de notre orientation stratégique mais aussi à nos intérêts durables en Europe. » Tout en comptant leurs sous, les Américains rappellent que durant l’année fiscale 2012, l’USAFRICOM a déboursé 515 millions de dollars pour des programmes de sécurité au profit des 53 pays.

Le directeur des stratégies affirme dans sa contribution que « notre plus haute priorité pour l’heure, est la région de l’Afrique de l’Est qui est le lien entre le terrorisme et l’extrémisme violent qui menacent directement la sécurité de notre Nation. » Il s’attend cependant à « des revers » parce que dit-il « plusieurs gouvernements africains demeurent fragiles. » Le Mali représente à ses yeux le meilleur exemple. La Somalie est « le cauchemar » qui, selon lui, hante les Américains. « Ce qui nous tient éveillés la nuit est l’idée qu’un Américain, porteur d’un passeport US, endoctriné, entraîné en Afrique de l’Est et retournant aux Etats-Unis pour conduire une attaque terroriste», écrit-il encore.

L’Afrique du Nord figure dans le logiciel de contrôle sécuritaire américain parce que, note-il, « nous concentrons nos efforts sur El Qaïda dans le Maghreb islamique (AQMI) qui exploite les espaces mal gouvernés du Sahel pour planifier et exécuter des attaques terroristes.»


Forces armées américaines : «Dans certains cas, on intervient sans l’accord des pays concernés»

par G. O.

De nombreux responsables militaires de l’USAFRICOM ont voulu démystifier le Commandement qu’ils présentent comme étant « un commandement humanitaire avant d’être de combat » même s’il est constitué par les forces américaines terrestres, aériennes, navales et de réserves.

Au club « Kelley » où se déroulaient les séances de «démystification» de l’USAFRICOM régnait une ambiance bon enfant. L’on nous explique en premier que les forces armées américaines tous corps confondus, comptent 5 millions de militaires, 1,4 million de réservistes, 7500 d’assimilés en plus de milliers de retraités appelés à prêter main-forte en matière d’expérience et de compétence dans le domaine de la stratégie militaire et d’intervention.

Les troupes du Commandement américain pour l’Afrique doivent, disent leurs responsables hiérarchiques, « connaître les langues, les cultures et les traditions des pays africains pour que leurs missions réussissent. «Elles doivent avoir les bottes sur le terrain, » disent-ils pour souligner la nécessité des Américains de n’agir « qu’en connaissance de cause ». Ils ont pris le soin même de prendre en charge le côté religieux en assurant aux militaires les enseignements utiles liés aux grandes religions.

A ceux des journalistes algériens qui reposent la question si les Etats-Unis ont demandé aux gouvernants des pays africains de leur permettre d’installer leur QG sur leurs territoires, les responsables du Commandement répondent qu’ils n’ont jamais rien demandé et qu’il n’y a eu jamais de demande officielle de la part du ministère américain de la Défense. « Peut-être qu’il y a eu une demande à titre informel de la part des politiques ou des diplomates mais il faut savoir que la plupart des commandements américains ne sont pas installés dans les régions d’intervention, pour ce qui est de l’USAFRICOM, il est plus facile pour nous de décoller de Stuttgart et atteindre nos objectifs en Afrique que de le faire d’un pays du continent où nous pouvons rencontrer beaucoup de difficultés, entendez techniques », nous expliquent des responsables opérationnels. Ils affirment aussi n’avoir pas cherché à installer l’USAFRICOM en Afrique « pour ne pas mettre dans la gêne les pays africains. » Mieux encore, ils nous apprennent que « beaucoup de pays africains nous ont demandé de baser notre commandement chez eux mais nous avons refusé.»

LES MARINES CONTRE LA PIRATERIE EN AFRIQUE

Les responsables de l’USAFRICOM rappellent que leurs armées possèdent une seule base « officielle » en Afrique, c’est celle de Djibouti. « Sinon, nous avons de petites équipes militaires qui séjournent dans des pays africains pour de courtes durées afin d’entraîner et former des militaires locaux», indiquent-ils. Ils déclarent envoyer les Marines (forces navales) pour contrer la piraterie. « Pourquoi pas en Somalie ? » demandent les journalistes. « Nous considérons que la piraterie dans ces eaux a nettement diminué ces derniers temps mais en cas d’opérations, ce sont les troupes des forces américaines et aussi européennes qui les mènent et non pas celles de l’USAFRICOM », répondent les responsables.

Des réservistes sont aussi appelés, nous dit-on, pour intervenir dans des opérations de lutte contre la drogue, le commerce illicite des armes, la contrebande en général. « On ne peut assurer et préserver les intérêts des Etats-Unis que si on instaure la paix et la sécurité en Afrique, » soutiennent-ils.

Ils répètent que « c’est toujours à la demande des Etats que nous intervenons, il faut aussi que l’ambassade américaine accréditée dans ces Etats soutienne leur demande».

Le raid aérien de septembre dernier sur la Libye pour mettre la main sur Abou Inas El Libi, a été lancé, selon nos conférenciers, par des militaires américains à Stuttgart, à la demande du gouvernement de Tripoli. « S’il le dément, c’est son affaire», lance un des responsables américains. Poussé à bout par les questions des journalistes, il finira par lâcher «je reconnais que dans certains cas, on intervient sans l’accord du pays concerné».

Le plus important est que les Américains avouent que « les ressources naturelles de l’Afrique sont importantes». Le partenariat auquel les Etats-Unis tiennent, permet entre autres, soutiennent leurs responsables militaires « à ces pays d’atteindre ces ressources naturelles et à les commercialiser en toute sécurité… ». Ils assurent alors la formation et l’apprentissage des manœuvres et exercices aux armées locales « pour ne pas avoir besoin de l’intervention de nos forces, nous voulons former des polices locales pour le maintien de la paix et la préservation de la stabilité, » précisent-ils. L’USAFRICOM s’inspire fortement de l’OTAN et parle d’interopérabilité entre les Etats-Unis et les pays africains, pour éviter, disent ses responsables, « toute intervention étrangère (autre qu’américaine ndlr) dans vos pays ». Ils veulent pour cela « aider les Africains à construire entre eux des partenariats régionaux pour qu’ils puissent intervenir ensemble en cas de crises ou de catastrophes naturelles ».


 

Les raisons de l’installation de l’USAFRICOM, en Allemagne : Stuttgart, l’Américaine

par G. O.

C’est à Stuttgart que les Etats-Unis ont installé, depuis 5 ans, le siège de leur commandement pour l’Afrique. Il faut dire que l’histoire leur a bien facilité les choses pour «occuper» des grands espaces de cette ville allemande de Stuttgart, aux 20 km d’escaliers.

Un nombre effarant de militaires américains est basé dans plusieurs localités de la région. Stuttgart est l’une des plus importantes villes d’Allemagne. Elle est la capitale du Land Baden Württemberg, situé au sud-ouest du pays. La ville est, dit un responsable militaire américain « un symbole du partenariat américano-allemand, depuis la 2ème Guerre mondiale».

Au Conseil des relations entre l’Allemagne et les Etats-Unis, l’on rappelle, avec fierté, que « grâce aux alliés, avec à leur tête les Etats-Unis, que Stuttgart a été libéré des nazis ». Elle constituait pour Hitler, le centre névralgique de l’industrie de l’armement. Elle l’est, aussi, aujourd’hui, pour les Américains.

Un responsable américain a fait savoir que 142 000 bombes ont été larguées, durant la 2ème Guerre mondiale sur la ville, tuant 14.000 militaires et 4.000 civils. « Elle s’est réveillée avec 266.000 habitants, à la fin de la guerre, « c’est-à-dire avec le même nombre d’habitants qu’en 1910», dit-il. En 1945, les Américains ont pris les choses en main et ont participé, activement, dans le nettoiement de la ville. Le 22 avril 1945, la France a installé, dans l’actuel bâtiment du Conseil américano-allemand, un bataillon algérien pour aider à remettre Stuttgart sur pied. Les Américains se sont présentés, cependant, comme les sauveurs du désastre causé par Hitler. Dès leur annonce du Plan Marshall pour la reconstruction de l’Europe, les Etats-Unis ont pris une large avance, sur le reste du monde, pour en devenir « l’ordonnateur ». Ils comptabilisent 68 ans de présence à Stuttgart où ils représentent 5% de la population globale locale. Ils sont, un peu partout, à travers l’Allemagne l’orgueilleuse. Ils y ont installé plus de 5 bases militaires. Les 39.000 militaires vivant à Stuttgart calculés aux 58.000 de Ramstein, sans compter leurs familles, les Américains font de l’Allemagne « l’Américaine de l’Europe ». « Nous contribuons, directement, au développement de l’économie et du commerce de plusieurs régions, » nous disent les responsables militaires. Il est relevé une grande interférence entre la justice allemande et celle militaire américaine, dans le règlement des conflits et le jugement de criminels américains vivant sur le sol allemand. Ce qui ne semble pas déranger le pays d’Angela Merkel. «Le scandale des écoutes téléphoniques qui a éclaté, récemment, sert aux journalistes à en faire les gros titres de leurs journaux mais il n’affecte, en rien, la relation entre les deux pays», soutiennent des responsables américains. Il est affirmé que les Allemands tiennent à cette forte présence américaine parce qu’en cas d’attaque «ce sont eux qui feront la sale besogne, » disent des journalistes allemands. L’un d’eux, Michael Weibenborn, journaliste politique, pense que « les Européens sont hypocrites parce qu’ils étaient au courant des écoutes téléphoniques. »

L’Union européenne compte tenir son premier sommet sur la Défense, les 19 et 20 décembre prochains, à Bruxelles. « Il n’est pas sûr que ça réussisse parce qu’ils ne s’entendent pas entre eux, surtout que le couple franco-allemand n’est pas en grande forme », soutient-il.