Les nouvelles priorités de Washington au Maghreb

Un représentant du gouvernement américain à Alger

Les nouvelles priorités de Washington au Maghreb

El Watan, 27 juin 2004

Pour son premier séjour à Alger, le nouveau «Monsieur Maghreb» au département d’Etat américain, Philo L. Dibble, a eu un programme pouvant volontiers être qualifié de chargé.

En l’espace d’une semaine à peine, M. Dibble a pratiquement rencontré les décideurs politiques et économiques les plus importants du pays. Outre le nécessaire briefing avec les cadres de la présidence de la République, cet ancien ambassadeur des Etats-Unis en Syrie, en Arabie Saoudite, au Liban, en Tunisie et au Pakistan a eu, en effet, de longs entretiens avec Abdelaziz Belkhadem et Abdelkader Messahel, respectivement ministre des Affaires étrangères et ministre délégué aux Affaires maghrébines et africaines. Pour se faire sa propre idée sur la réalité économique algérienne, M. Dibble a également rencontré le secrétaire général du ministère du Commerce et le chef de cabinet du ministère délégué à la Participation et à la Promotion des investissements. Autre étape inévitable de sa visite en Algérie : Philo L. Dibble, qui hérite des dossiers de l’Arabie Saoudite et de l’Iran au département dirigé par Colin Powell, n’a pas manqué aussi de faire le point avec notre ambassadeur chargé de la lutte antiterroriste sur la coopération en matière de sécurité entre les Etats-Unis et l’Algérie. Se définissant comme un diplomate et un politique avant tout, M. Dibble a expliqué la charge importante caractérisant son agenda algérien par le souci du département d’Etat américain d’aller de l’avant et de densifier la coopération et les échanges entre les Etats-Unis et l’Algérie. Pour ce fin connaisseur du Maghreb et du monde arabe, «l’évolution et les progrès remarquables réalisés par les relations algéro-américaines méritent d’être soutenus». Pour y parvenir, M. Dibble compte s’atteler d’abord à «faire connaître la réalité de l’Algérie aux responsables du département d’Etat et de battre en brèche les nombreuses idées reçues entourant le dossier algérien». «Mon premier projet consiste à faire comprendre aux Etats-Unis la complexité et les progrès réalisés par la nouvelle Algérie après dix années de terrorisme. Et en ce sens, il s’agit de traduire l’image d’une Algérie qui s’ouvre vers l’extérieur et qui connaît des mutations économiques», a-t-il ajouté. Ce travail, souligne-t-il, doit être accompagné d’une densification des échanges économiques et commerciaux entre les deux pays. A ce propos, il reconnaît qu’en matière de commerce (hors hydrocarbures) et d’économie, il y a encore beaucoup de choses à faire. Pourquoi cet intérêt insistant des Etats-Unis pour l’Algérie ? En plus de rappeler les relations traditionnelles entre les deux pays et l’étroite coopération en matière de sécurité entre Alger et Washington, le nouveau délégué du secrétaire adjoint pour les Affaires du Proche-Orient (titre officiel de M. Dibble) a expliqué cet intérêt en invoquant le fait, entre autres, que «les changements survenus en Algérie coïncident avec la disposition des Etats-Unis de trouver de nouveaux partenaires dans sa lutte globale contre le terrorisme, intégrant les notions de changements politiques, économiques et sociaux». Et selon lui, le profil de l’Algérie, par son expérience en la matière, correspond le mieux à celui recherché par Washington. Afin de traduire mieux le souhait de Washington de promouvoir l’image et le rôle de l’Algérie, Philo L. Dibble a cité les nombreuses invitations adressées au président Bouteflika par George Bush, dont la dernière en date, a-t-il dit, a porté sur la participation de l’Algérie au dernier sommet du G8. Il a également indiqué que l’évolution des rapports entre les deux pays pouvait se traduire par la mise en place d’une zone de libre-échange et par «la conclusion, pourquoi pas, d’un traité d’amitié du même type que celui qui a été signé entre les Etats-Unis et le Maroc». En plus de l’importance du dossier Algérie sur l’échiquier diplomatique américain, le collaborateur de M. Burns n’a pas caché, par ailleurs, que son plus grand challenge au Maghreb «est de participer à mettre en place de nouveaux rapports entre l’Algérie et le Maroc sans rien perdre des relations existantes entre Washington et Rabat». A ce propos, il a estimé important de trouver un règlement à la question du Sahara-Occidental. Par rapport à ce dossier précis, il a indiqué que «le département d’Etat américain ne conçoit pas de solution en dehors du Conseil de sécurité et est déçu de la démission de James Baker». A ce titre, il a espéré que le nouveau représentant qui sera nommé par Kofi Annan ira dans le même sens que celui tracé par James Baker. Revenant sur le dossier Algérie, cet ancien chargé des affaires économiques au bureau du Liban a indiqué que son pays est attentif à l’évolution des réformes engagées dans l’économie, l’administration et l’éducation. S’agissant de la liberté de la presse, il a fait remarquer qu’«il y a également beaucoup de choses à faire». Toujours par rapport au thème de la presse, et tout en indiquant ne pas avoir pris connaissance «des cas Benchicou et Hafnaoui», M. Dibble a rappelé que «pour les Etats-Unis la liberté de la presse est un principe fondamental de la démocratie, y compris la presse qui commet des excès». Il soulignera encore qu’une presse libre a beaucoup plus de chance de contribuer à l’élaboration d’un projet de société. Lors de sa discussion à bâtons rompus avec les journalistes qu’il a reçus hier au siège de l’ambassade des Etats-Unis à Alger, M. Dibble a saisi l’occasion pour démentir fermement l’information selon laquelle les Etats-Unis ont installé une base américaine ou un centre d’écoute au Sud. Concernant la vente d’armes à l’Algérie, il a indiqué que Washington n’a pas livré d’armes à Alger pour la simple raison que celle-ci n’en a pas fait la demande.
Se rapportant au projet du Grand Moyen-Orient, il a indiqué que celui-ci ne consiste pas à créer un nouvel ensemble économique, mais à aider les pays à obtenir les changements auxquels ils aspirent.

Par Z. C.