L’Iran sollicite l’Algérie dans le dossier du nucléaire
POUR INTERCEDER AUPRES DE WASHINGTON
L’Iran sollicite l’Algérie dans le dossier du nucléaire
Le Quotidien d’Oran, 1 mars 2005
Le négociateur en chef iranien chargé du dossier nucléaire, Hassan Rohani, aurait, lors de son déplacement à Alger, demandé à l’Algérie d’intercéder en faveur de son pays auprès des Etats-Unis. C’est ce qu’a indiqué, avant-hier, l’agence d’information américaine UPI, en citant les déclarations d’un diplomate algérien sous le sceau de l’anonymat.
L’agence ne précise pas si ce diplomate est basé à Alger ou à Washington. Mais elle affirme que dans ses entretiens avec les responsables algériens, Hassan Rohani aurait mis en avant les relations excellentes entre l’Algérie et les Etats-Unis et demandé au président de la République d’intervenir auprès de la Maison Blanche. Le journal «Al Sharq Al Awsat», qui a repris l’information hier, ajoute que M. Rohani aurait remis à la Maison Blanche une lettre «via Alger» dans laquelle il revendique le droit de son pays de recourir à l’énergie nucléaire. Et qu’aucune option militaire n’est envisagée à ce sujet par Téhéran. Le responsable iranien aurait également ajouté que les Etats-Unis n’ont aucun droit d’interdire à un Etat souverain de recourir à l’énergie nucléaire et que l’Iran n’est ni l’Irak, ni l’Afghanistan en cas d’attaque contre l’Iran. On ignore, pour l’instant, quelle a été la réaction de Washington vis-à-vis du message de Rohani et de l’initiative prise par Alger de lui en faire part. Mais la médiation évoquée crédite en elle-même cette lecture sur le rapprochement spectaculaire entre l’Algérie et les Etats-Unis. Depuis le 11 septembre, le point de vue algérien, assure-t-on dans les milieux concernés par ce dossier, est plus écouté à la Maison Blanche. Ce qui a semblé être une séquence soutenue par des préoccupations plutôt sécuritaires – le dossier de l’antiterrorisme en particulier— s’est mué, au fil du temps, en tendance lourde. Les principales articulations de ce processus en cours sont l’économie énergétique et la diplomatie. Depuis quelques années, l’Algérie est sur tous les fronts. Elle intervient sur des dossiers dont la particularité est d’intéresser les Etats-Unis pour des raisons de géostratégie. Le dernier en date concerne l’Iran à propos duquel elle privilégie une démarche multilatéraliste et reposant sur les vertus du dialogue. C’est ce qui expliquerait, en partie, la déclaration du président de la République, le 15 février dernier, lors de son intervention au Congrès africain du pétrole, sur le droit de l’Iran de développer un programme nucléaire à usage pacifique. Plus sûrement, c’est ce qui expliquerait aussi l’intérêt accordé par la Maison Blanche aux efforts consentis dans les coulisses par la diplomatie algérienne pour le règlement du dossier syro-libanais.
Dimanche dernier, l’ambassadeur Erdman a remis au ministre des Affaires étrangères Abdelaziz Belkhadem un message du secrétaire d’Etat Mme Condoleeza Rice pour amener, lors du sommet de la Ligue arabe à Alger, le 22 mars prochain, la Syrie à se désengager du Liban.
Cette initiative, au demeurant prévisible en raison du calendrier, n’est cependant pas fortuite. Elle éclaire d’un jour nouveau les tractations entreprises par l’Algérie dans le cadre de la troïka -avec l’Arabie Saoudite et l’Egypte- pour faire valoir auprès de Damas la pertinence des accords de Taëf, face à la menace de la résolution 1559. L’Algérie n’entend pas seulement participer à donner un coup de pouce à un «pays frère», confronté aux pires difficultés stratégiques et de sécurité. Elle entend faire valoir un modèle par lequel les Etats arabes avancent dans les réformes sans être bousculés ou soumis à des pressions susceptibles de fragiliser leurs équilibres internes. C’est tout le discours de la diplomatie américaine ces derniers jours!
A l’approche du sommet de la Ligue arabe, même si ce n’est là qu’un hasard de calendrier, le département d’Etat multiplie les déclarations positives et déclare que rien de tangible ne peut être fait sous la menace en matière de démocratie et de réformes. L’Algérie qui semble avoir bien décrypté le message pèsera de tout son poids, lors de ce rendez-vous pour convaincre les pays de la région d’avoir une position claire à ce sujet.
Kader Hannachi