Le Maghreb suscite l’intérêt grandissant des Etats-Unis

ZONE STRATEGIQUE D’AFRIQUE DU NORD

Le Maghreb suscite l’intérêt grandissant des Etats-Unis

Le Quotidien d’Oran, 3 février 2004

Le Maghreb, zone stratégique d’Afrique du nord dotée de ressources énergétiques, suscite un intérêt croissant des Etats-Unis qui se montrent soucieux d’y consolider leur présence, parfois au détriment des relations privilégiées avec l’Europe, notamment la France. Depuis les attentats du 11 septembre 2001, les responsables politiques et militaires américains ont multiplié les déplacements au Maghreb, tandis que les dirigeants maghrébins se succédaient à Washington, où le président George Bush recevra, le 17 février, son homologue tunisien Zine El-Abidine Ben Ali. «Les prochains mois verront une intensification des relations USA-Maghreb», affirmait récemment à Tunis l’universitaire américain Clifford Kiracoff, notant que «l’administration américaine s’intéresse davantage à la région euro-méditerranéenne» depuis le 11 septembre. Bien qu’écartés formellement du processus de Barcelone (1995), les Etats-Unis contrôlent le commandement de l’Europe du sud de l’OTAN. Plus récemment, Washington a plaidé l’intégration économique des pays du Maghreb (UMA, Algérie, Libye, Maroc, Mauritanie et Tunisie), ce qui lui permettrait de traiter (après un éventuel règlement du conflit du Sahara occidental) avec un marché de plus de 60 millions de consommateurs.

Pour l’heure, le Maghreb historiquement tourné vers l’Europe toute proche, effectue 80% de ses échanges avec l’Union européenne dans le cadre de relations à forte emprise culturelle et socio-économique. Les négociations menées secrètement par Washington avec la Libye pour l’amener à renoncer à toute ambition d’armement non conventionnel, «expriment le souci des Etats-Unis d’intégrer dans son giron» ce pays longtemps qualifié d’»Etat voyou», estime un diplomate à Tunis. Les sanctions de l’ONU levées, Mouammar Kadhafi s’attend à la levée des sanctions US et au retour des compagnies pétrolières américaines dans son pays «avant un an», selon Tripoli. La Libye est, avec l’Algérie, l’un des piliers énergétiques du Maghreb, ces deux pays disposant de réserves prouvées de pétrole de plus de 5 milliards de tonnes, sans compter les ressources en gaz (5.000 milliards de m3), l’Algérie étant le 5e producteur et 4e exportateur mondial de gaz naturel. Les autres pays du Maghreb ne sont pas en reste dans la nouvelle vision américaine de la région, où derrière les intérêts économiques se profile la guerre contre le terrorisme. Le Maroc s’apprête à signer un accord de libre échange avec les Etats-Unis et la Tunisie négocie un accord similaire dans le cadre d’une initiative de partenariat proposée par Washington. La France, premier partenaire commercial du Maghreb, a exprimé des réserves sur l’accord USA – Maroc jugé «incompatible avec l’approfondissement de la coopération» UE – Maghreb. Washington vient d’installer à Tunis un «Bureau régional pour la mise en oeuvre de l’initiative du partenariat politique et économique entre les Etats-Unis et le Moyen Orient», Tunis étant le premier signataire d’un accord de partenariat et de libre échange avec l’UE (1995). En décembre 2003, le Maghreb fut le théâtre d’un chassé-croisé mettant au jour une rivalité d’intérêt euro-américaine, la première visite d’un secrétaire d’Etat américain (Colin Powell) depuis dix ans coïncidant avec un sommet euro-maghrébin du «Dialogue 5+5».

Outre la quête de débouchés pour les produits américains, l’intérêt de Washington pour le Maghreb traduit son souci d’être présent dans cette zone vulnérable après les attentats du 11 septembre. En plus des facilités militaires dont il dispose déjà (Mauritanie, Maroc, Tunisie) Washington étudierait la création de bases militaires au Maroc et en Tunisie, selon l’hebdomadaire Jeune Afrique, pour pouvoir intervenir rapidement, en cas de besoin, partout en Afrique.

Hamida Ben Salah De L’afp