Ne pas se tromper d’ennemi
Le Jour d’Algérie, 15 août 2005
Madame Louisa Hanoune, la porte-parole du Parti des travailleurs, a pris, avant-hier, un risque assez sérieux en lançant des accusations d’une grande gravité aussi bien contre les aârouch que contre les autorités américaines, considérées comme les maîtres d’œuvre de l’ensemble du processus d’instrumentalisation de la Kabylie visant la déstabilisation de l’Etat algérien. Ce n’est pas la première fois que Madame Louisa Hanoune pointe du doigt les services secrets de l’oncle Sam, mais, cette fois, elle ne prend aucune précaution oratoire pour dénoncer un véritable complot qui se fixe clairement pour but de diviser le pays et l’affaiblir pour le soumettre aux intérêts US. Son analyse a au moins le mérite de la cohérence, à l’inverse de celle de Hocine Aït Ahmed qui, lui, accuse plutôt les services algériens d’être derrière la création des aârouch. L’intérêt des Américains à mettre le feu à une région en Algérie étant plus compréhensible que celui d’une absence totale d’intérêt de nos propres services à créer, puis affronter une situation qui ne fait que les affaiblir. Même s’il est assez difficile d’imaginer que les Américains aient réussi à supplanter les Français dans une région traditionnellement considérée comme plutôt encline à subir l’influence de l’ancienne puissance colonisatrice, il faut bien admettre que c’est effectivement Washington qui a repris l’initiative en Algérie, depuis le début du terrorisme, et ce, grâce à l’action destructrice du GIA qui a quasiment réussi à réduire le poids de la France dans notre pays à sa plus simple expression.
Madame Louisa Hanoune ne se contente pas d’ailleurs de relever l’interférence américaine en Kabylie seulement, puisqu’elle affirme que même la signature de la loi de finances complémentaire est le fruit de pressions directes exercées contre l’Algérie, notamment à travers l’assassinat de nos deux diplomates en Irak. C’est dire que les choses se présentent sous un jour pour le moins inquiétant, d’autant que l’analyse du Parti des travailleurs se fonde sur des recoupements tout à fait cohérents. Le seul point sur lequel il est difficile de suivre ce parti étant le jugement qu’il porte sur Chakib Khelil qui, au contraire de ce qu’avance Madame Hanoune, est le seul homme du gouvernement à constituer un véritable obstacle aux visées hégémoniques américaines sur notre pays, grâce à la modernisation et à la libéralisation du secteur de l’énergie et des mines qui succomberait autrement à la voracité des majors anglo-américaines. La parfaite connaissance de la mentalité et des techniques de déstabilisation US fait de ce ministre notre arme absolue contre une puissance qui a toujours misé sur les faibles compétences de ses interlocuteurs pour les dominer. Aussi, une rencontre Hanoune-Khelil permettrait-elle, peut-être, de colmater une brèche importante de notre front intérieur face à un ennemi commun.
Abderrahmane Mahmoudi