USA-France: Guerre d’influence politico-militaire
CHASSE-CROISE FRANCO-AMERICAIN EN ALGERIE
Guerre d’influence politico-militaire
L’Expression, 8 décembre 2003
Face à l’hyperhégémonisme américain outrancier, les Français opposent des «affinités secrètes» dont ne se départissent pas les Algériens.
Tout le monde en parle dans les chancelleries occidentales à Alger : qui de Bush ou de Chirac aura le dernier mot dans la sourde guerre d’influence qui secoue par ses fondements le pouvoir algérien? En fait, le «Tout Alger diplomatique» mesure à sa juste valeur la nouvelle stratégie américaine au Maghreb.
Les Etats-Unis, pour qui le 11 septembre 2001 représente un tournant historique dans la reconfiguration de sa géostratégie, ont depuis longtemps déjà commencé à réévaluer les grands ensembles politiques afin de dégager de nouvelles lignes directrices de leur politique extérieure, basée aujourd’hui sur deux points principaux : une sécurité extérieure qui commence avec la «performance sécuritaire» des pays amis et une préservation des sources d’énergie. Ces deux postulats constituent une très large variété de lignes de forces qui émergent, justement, à partir de la mise en application de la nouvelle reconfiguration de la géostratégie américaine.
La récente visite du secrétaire d’Etat Colin Powell a obéi à cette logique, résolument et ostensiblement affichée depuis deux ans, et il y a lieu de souligner qu’aujourd’hui les Etats-Unis prennent leurs amis «de force», c’est-à-dire par la force de l’argument des intérêts partagés.
Face à l’hyperhégémonisme américain outrancier, les Français opposent des «affinités secrètes», selon la bonne vieille formule de Baudelaire, et essayent de «prendre» l’Algérie par son côté faible : les liens historiques, les imbrications politiques et la culture commune dont les Algériens ne se départissent pas encore. Ces tendances, en fait, font la force et l’échec à la fois de la politique française en Algérie. L’implication de la France dans tout ce qui touche à l’Algérie l’a très souvent menée à prendre position et à «punir» l’Algérie vis-à-vis de la communauté européenne, qui prend Paris comme référence dans son appréciation des questions algériennes. Ces «immixtions», regardées par Alger comme une velléité d’étendre encore sa tutelle quatre décennies après la décolonisation, ont fait à la source, des «coups de froid» épisodiques, notamment depuis 1991 et l’arrêt du processus électoral, qui allait consacrer une large victoire des islamistes du FIS.
De Michelle Demessine à Hubert Vedrine et Hervé de Charette, en passant par Daniel Vaillant, les émissaires du gouvernement français ont tous, sans exception, insisté sur la «sécurité de refondation» des relations bilatérales algéro-françaises. Depuis l’investiture du président de la République Abdelaziz Bouteflika, Chirac mesure mieux les enjeux et multiplie les visites, mais retarde l’échéance d’un investissement réel en Algérie, en estimant que le climat sécuritaire n’est pas aussi serein qu’on le prétend. Une telle démarche aurait, en principe, éliminé de la course au marché algérien n’importe quel pays, d’autant plus que les éditeurs de l’Hexagone publient chaque année des ouvrages et des témoignages sur la «réalité» des questions sécuritaires et terroristes qui mettent dans la gêne le président de la République plus que les généraux.
Cependant, les affinités qui se sont nouées entre les généraux algériens et les officiels français, l’entente qui semble nouer de manière très forte la DST au DRS et les «places fortes», sises dans la capitale française et sa périphérie et qui sont le second pays (parfois même, le premier) pour les dirigeants algériens depuis 1962, sont l’arme secrète dont use la France pour maintenir en l’état les privilèges acquis en Algérie, dont le marché local.
Cependant, une même et identique stratégie est présente aussi bien dans la «politique des phagocytes»: la vente d’armes aux autorités algériennes. Cette vente, longtemps interdite aussi bien par Paris que par Washington, est aujourd’hui tolérée, mieux, justifiée. Coup d’oeil complice aux généraux, et messages forts lancés au président de la République.
Fayçal OUKACI