Le «Grand Moyen-Orient» fait escale au Caire

APRES RABAT

Le «Grand Moyen-Orient» fait escale au Caire

Le Quotidien d’Oran, 13 février 2005

La capitale égyptienne s’apprête à abriter, le 3 mars prochain, une réunion regroupant les représentants des pays membres du G8 et ceux du monde arabe pour débattre des réformes que l’administration américaine a proposées sous le vocable du Grand Moyen-Orient. Après Rabat, c’est le Caire qui fait sienne l’initiative américaine du Grand Moyen-Orient pour en débattre le contenu à un niveau ministériel. Décidée par le G8, la réunion est considérée comme le second round de discussions – si l’on compte celui ouvert dans la capitale marocaine – autour d’un dossier auquel les Etats-Unis de Bush accordent une grande importance. Les ministres des Affaires étrangères des pays du G8, à savoir l’Allemagne, la France, la Grande-Bretagne, les Etats-Unis, le Japon, le Canada, l’Italie et la Russie, ainsi que ceux représentant les pays arabes feront un tour de table le 3 mars prochain au Caire sur ce qui est appelé le GMO, mais surtout sur ce qui est visé à travers cette initiative, à savoir la démocratisation des régimes arabes. En premier, il s’agira pour les MAE des deux entités d’évaluer ce qui a été arrêté en décembre dernier, lors de la rencontre de Rabat, et que les organisateurs ont tenu à enrober d’une lueur d’espoir en l’intitulant «le Forum de l’avenir». La tenue d’une telle rencontre à Rabat, faut-il le noter, n’a pas été du goût des partis marocains d’opposition, «parce que c’est une initiative venue d’ailleurs». C’est en fait la réaction de l’ensemble des régimes arabes qui, dès l’annonce du projet GMO par l’administration américaine, avaient affirmé qu’ils n’avaient pas besoin d’une formule de réformes importée ou imposée par l’extérieur. C’est d’ailleurs ce qui est sorti du Forum de l’avenir de Rabat, à l’issue duquel les MAE des pays arabes, réunis avec ceux du G8, ont adopté une résolution consacrant la nécessité d’engager des réformes politiques et économiques dans le monde arabe «selon les spécificités de chaque pays». Résolution qui cadre plus ou moins avec ce qu’en pensent nos décideurs, à savoir ne pas s’inspirer d’une formule étrangère aux sociétés arabes. Seulement eux ont fait valoir le fait que les réformes démocratiques font leur chemin depuis de longues années en Algérie, «avec comme objectif principal la démocratisation de l’exercice du pouvoir et du fonctionnement des institutions de la République».

La présence du chef de la diplomatie algérienne à la réunion du Caire du 3 mars prochain est en principe évidente, puisque l’Algérie n’avait trouvé aucun inconvénient à ce qu’il la représente en décembre dernier à Rabat. L’on estime d’ailleurs de sources diplomatiques que l’Algérie est pratiquement «partie prenante» de l’initiative américaine du GMO, même si le chef de l’Etat n’a pas manqué, hier, d’en préciser la non-utilité. Bouteflika a en effet saisi l’occasion de l’ouverture des travaux de l’Organisation arabe du travail (OAT) pour souligner que le monde arabe n’a besoin ni «de GMO ni de PMO», (petit Moyen-Orient), mais qu’il se doit de réfléchir à des réformes de ses systèmes de gestion. L’on s’interroge d’ailleurs sur ce qui a poussé le président de la République à s’exprimer sur une question qui n’avait pas trop de choses à avoir avec l’événement du moment, à savoir les travaux de la 32e session de l’OAT. D’autant qu’à la présidence de la République, l’on estime que le GMO existe en tant que projet et doit par conséquent être débattu sereinement.

L’Algérie, certainement à l’instar de l’ensemble des pays arabes, a dû comprendre qu’elle ne peut se permettre de se mettre en marge de ce processus, quand bien même c’est l’Amérique de Bush qui en exige l’application. Elle se fait d’ailleurs une raison. «On est à l’aise», estime la diplomatie algérienne à ce sujet, «parce que nos réformes sont avancées, mais nous estimons que le monde arabe a besoin de se réformer». Du coup, il est difficile pour tout observateur de distinguer un quelconque écart ou marge que Bouteflika a voulu hier marquer entre la nécessité de réformer le monde arabe et l’obligation qui lui est faite de la faire et le plus rapidement possible. Le chef de l’Etat aura probablement à donner plus de précisions sur la question lors du sommet du G8, dont la tenue est prévue en juillet prochain en Grande-Bretagne, pour lequel il a déjà reçu une invitation.

Notons que la réunion du Caire se tiendra à quelques jours de la tenue du sommet de la Ligue arabe prévu à Alger les 22 et 23 mars prochain. Les observateurs voient en la succession de ces deux importants évènements juste «une coïncidence de calendrier». Mais l’on ne nie pas dans les milieux diplomatiques le fait qu’ils tombent à point nommé pour faire de la réforme du monde arabe un sujet que les Algériens se feront un «honneur» de traiter sans irriter qui que ce soit. Les derniers «malentendus» entre Abdelaziz Belkhadem et Amr Moussa s’étant en principe totalement dissipés, il reste que les Arabes doivent s’entendre sur la définition à donner à la réforme démocratique, quand on sait que leurs chefs d’Etat s’évertuent dans leurs discours à être de grands démocrates; mais en parallèle, ils avouent que le monde arabe a besoin d’être démocratisé.
Ghania Oukazi