Les déclarations troublantes d’un ambassadeur américain
La menace du GSPC sur les Etats du Sahel
Les déclarations troublantes d’un ambassadeur américain
Le Quotidien d’Oran, 20 mars 2004
L’ambassadeur américain en poste au Mali, Vicki Huddleston, a tenu, hier, des propos pour le moins inquiétants et troublants concernant les capacités opérationnelles du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC).
Les déclarations du diplomate américain, à travers lesquelles il estime le GSPC capable de «faire tomber» le gouvernement algérien, laissent d’autant plus perplexe dans la mesure où elles contredisent le foisonnement d’informations se rapportant à l’état des «forces» de cette organisation terroriste, rendues publiques récemment par les autorités algériennes et également par… l’administration américaine. Ces données donnent, en effet, l’organisation dirigée par Nabil Sahraoui en complète «déconfiture», notamment après l’épisode du rapt des 32 touristes européens dans le Sud algérien. Un groupe qui ne compterait que 250 éléments sur les 900 initialement.
Ainsi, si dans le nord du pays le degré de nuisance du GSPC a considérablement baissé, il y a lieu de rappeler que les troupes de l’ANP ont porté récemment des coups fatals aux groupuscules liés à cette organisation activant dans le sud du pays. Les opérations menées par les troupes spéciales de l’ANP ont ciblé particulièrement le groupe dirigé par Abderrazak El Para (de son vrai nom Amari Saïfi), dont la plupart des éléments sont, d’ailleurs, tombés au Tchad il y a très peu de jours.
Selon le diplomate américain, les éléments du GSPC activant dans la région sahélienne, comprenant l’extrême-sud algérien, le nord du Niger et du Mali et le nord-est de la Mauritanie, ont toujours pour «objectif stratégique» de faire tomber les gouvernements algérien et mauritanien. Tout en confirmant l’affiliation de l’organisation dirigée par Nabil Sahraoui à Al-Qaïda, Vicki Huddleston a indiqué que pour réaliser son objectif, le GSPC s’est lancé, depuis peu, dans une vaste opération de réarmement dans le but, a affirmé le diplomate américain, d’intensifier ses actions terroristes. Et parallèlement à la prospection d’armes, d’explosifs et de munitions, le GSPC, ajoute la même source, cherche également le moyen d’étoffer ses «effectifs». Un problème que les émirs du GSPC comptent régler, a ajouté Vicki Huddleston, en absorbant les éléments des autres groupes terroristes, proches de leur obédience, activant dans la région.
«Il y a des chances à ce que les chefs du GSPC continuent à se procurer des armes afin de poursuivre leurs actions terroristes. Cela, a-t-il dit, jusqu’à ce qu’ils atteignent leur objectif de déstabiliser le gouvernement algérien», a précisé encore, sur un ton emprunt de certitude, l’ambassadeur américain au Mali dans un entretien donné à l’agence britannique Reuters..
Au cours de son entretien, le responsable américain précise, cependant, que le GSPC ne constitue plus une menace pour les intérêts américains dans la région, après notamment la formation des armées malienne, mauritanienne et nigérienne aux techniques de lutte antiterroriste. Une formation, précise-t-on, financée à hauteur de 7 millions de dollars par l’administration Bush et assurée entièrement par des experts de l’armée américaine.
Mais malgré le dispositif mis en place dans la région, Washington craint toujours, semble indiquer Vicki Huddleston, que les membres d’Al-Qaïda ayant fui l’Afghanistan et le Moyen-Orient se fixent pour nouvelle base la bande du Sahel. Un territoire à cheval entre plusieurs pays propice aux activités terroristes en raison, indique le diplomate américain, de son immensité et de la perméabilité de ses frontières. Vicki Huddleston cite également la «faiblesse» de certains Etats comme un élément pouvant encourager les terroristes à choisir cette région comme base de repli. Et c’est justement de cette partie de l’Afrique, a-t-il ajouté, d’où pourrait provenir, à l’avenir, la menace dans le cas de l’Algérie.
Sur certains points, le diplomate américain partage avec les experts miliaires algériens l’idée que cette région, considérée comme un «no man’s land», doit effectivement faire l’objet d’une surveillance particulièrement accrue, notamment après la diffusion, par une source diplomatique à Bamako, de l’information selon laquelle «El Para» a échappé aux combats ayant opposé ses hommes à l’armée tchadienne, le 9 mars dernier dans le nord du Tchad, et aurait regagné le Sahara algérien.
Malgré cela, il semble néanmoins méconnaître la réalité algérienne. Car de là à croire que le GSPC a la capacité de déstabiliser l’Algérie serait sans aucun doute faire fausse route et surtout surestimer le phénomène terroriste en Algérie. Cela à moins que l’arrière-pensée du diplomate américain est d’amener le gouvernement algérien à ouvrir ses frontières aux troupes de l’armée américaine. Un projet auquel Abdelaziz Belkhadem a, rappelle-t-on, répondu mercredi dernier par la négative.
Zine Cherfaoui