La coopération militaire et la lutte antiterroriste au centre des discussions

Rumsfeld, le secrétaire d’Etat américain à la Défense, pour la première fois en Algérie

La coopération militaire et la lutte antiterroriste au centre des discussions

par Farid Meziane, Le Jeune Indépendant, 13 février 2006

Ronald Rumsfeld, le secrétaire d’Etat américain à la Défense, est arrivé, hier, à Alger pour une visite de travail, accompagné d’une importante délégation de son département. Il a été accueilli à l’aéroport Houari-Boumediène par Abdelmalek Guenaïzia, avant de se rendre au palais du Gouvernement, où il a rencontré Ahmed Ouyahia.

Au ministère de la Défense, le patron du Pentagone, après avoir eu droit à une parade militaire, s’est entretenu avec le ministre délégué auprès du ministère de la Défense, Abdelmalek Guenaïzia, autour de questions liées à «l’état actuel des relations de coopération militaire bilatérales et les perspectives de leur développement».

Première du genre en Algérie, cette visite a été qualifiée «d’extrêmement utile» par Abdelmalek Guenaïzia. Par ailleurs et comme attendu, Rumsfeld a été reçu par le président Abdelaziz Bouteflika, en début d’après-midi, au siège de la Présidence, où les deux responsables ont eu un entretien qualifié d’«extrêmement utile et important» par le secrétaire d’Etat américain à la défense, lors d’une déclaration à la presse, à l’issue de son audience.

Le premier responsable du Pentagone a également déclaré que son pays «apprécie hautement et à sa juste valeur l’étroite coopération avec l’Algérie dans le domaine de la lutte antiterroriste… parce que c’est important et utile pour les deux pays».

Le chef du Pentagone a estimé que les deux pays sont, en outre, liés par une coopération «multidimensionnelle», qui s’étend à la sphère économique et politique. Rappelons que le responsable américain, avant sa tournée au Maghreb, s’était rendu en Sicile, en Italie, dans le cadre des activités de l’OTAN, où il a évoqué avec des responsables algériens les questions relatives à la lutte antiterroriste.

La visite de Rumsfeld au Maghreb renseigne amplement sur la volonté américaine de préserver et de renforcer les relations militaires avec ces trois pays. Tout en affirmant que les sujets militaires seront les plus évoquées lors de cette visite au Maghreb, le secrétaire d’Etat américain à la Défense a salué, depuis Tunis, première étape de son périple, «ces trois pays du Maghreb pour leur qualité de partenaires constructifs en matière de lutte contre le terrorisme».

A Alger, même si les détails des discussions ont fait l’objet d’une grande discrétion, il n’en demeure pas moins que les Etats-Unis semblent vouloir amarrer définitivement l’Algérie à leurs thèses, tant sur le plan militaire qu’économique.

Il est admis, par les observateurs avertis, que les intérêts américains dans le Sahel passent d’abord par la sécurisation de l’Algérie, où l’installation d’une base militaire n’est pas à écarter, et ce, depuis la prise d’otage de touristes étrangers par le GSPC, dans le sud algérien.

Par ailleurs, un journaliste d’American Voice nous a confié, hier, qu’un sommet africain est prévu dans deux mois à Alger. Cela étant, il est à noter que le responsable américain à la Défense a récemment déclaré, dans une conférence de presse tenue à Washington, que les organisations terroristes «voudraient imposer leur diktat aux régimes en place… de l’Afrique du Nord au Sud asiatique».

Il est à souligner que le département d’Etat américain a classé le GSPC parmi les 18 organisations terroristes mondiales et que les Etats-Unis ne toléreront jamais que les régions maghrébine et subsaharienne deviennent le fief d’une menace terroriste pour le monde entier.

Enfin, il est à noter que la tournée du responsable américain le mènera, demain, au Maroc, où il devrait avoir, notamment, des discussions sur les mêmes questions. F. M.

 


L’homme qui bombe à pique

par Mohamed Badaoui

Lorsque Donald Rumsfeld ouvre la bouche, c’est pour parler de guerre. Lorsqu’il se déplace, c’est pour la préparer ou pour la superviser. Cet homme n’a d’autre religion que la suprématie des Etats-Unis sur le reste du monde. Il n’est habité que par un rêve : celui d’une Amérique invincible.

Depuis que ce responsable occupe le poste de secrétaire d’Etat à la Défense, son pays ne semble plus savoir faire autre chose que menacer d’employer la force ou de lever des armées pour envahir des territoires étrangers. Et ce formidable déploiement n’est apparemment qu’à son début.

Il reste plusieurs pays à soumettre. L’Iran, la Syrie, la Corée du Nord et – qui sait ? – probablement la Chine, plus tard. Sa visite à Alger, à Rabat et à Tunis ne concerne ni la coopération diplomatique, ni économique, ni culturelle, ni rien d’autre de ce goût-là.

M. Rumsfeld est venu soit informer les Maghrébins de l’intention de Washington de porter une attaque contre l’Iran, la Syrie ou d’imposer l’étouffement du Hamas palestinien, soit pour bluffer ces régimes en leur signifiant ainsi leur isolement, leur coupure de leur profondeur stratégique : le monde arabe et musulman.

Il peut s’agir aussi d’une tentative de calmer les esprits après la colère suscitée par l’affaire des caricatures danoises. Cette dernière hypothèse demeure cependant faible car la personne la mieux indiquée pour ce genre de mission serait plutôt Mme Condoleeza Rice Quant à la coopération en matière de lutte antiterroriste, c’est là un verbiage qui sert de plus en plus à camoufler ou à faire diversion afin de détourner les regards des vraies opérations.

Car, en tout état de cause, les pays maghrébins n’ont jamais caché leur disponibilité ni ménagé leurs efforts pour combattre ce fléau qui les menace eux les premiers. M. Rumsfeld est donc venu dans la région pour une fin que l’on saura dans pas longtemps.

Et le secret qui a entouré sa tournée est très parlant. L’Amérique prépare un nouveau coup et elle ne veut surtout pas être dérangée. A moins que cette visite ne suive pas à pas celle effectuée par Lula Da Silva, le président brésilien, venu à Alger pour raffermir les liens entre l’Algérie et son pays, mais aussi pour faire la promotion des avions Embraer et des autres produits et services de son économie.

Mais, là aussi, ce n’était pas à Rumsfeld de le mettre en échec. Un ambassadeur aurait suffi. Non, il doit sûrement se passer quelque chose d’assez important. L’Iran d’Ahmedinejad parle aujourd’hui comme le faisait l’Irak de Saddam Hussein avant la première guerre du Golfe et la Syrie est parfaitement diabolisée.

Les Etats-Unis semblent s’en réjouir. Et si l’on ajoute à cela la terreur ressentie par l’Occident depuis l’accession du Hamas au pouvoir et des menaces perses nourries à l’uranium enrichi, l’occasion serait trop belle pour que le Pentagone se permette de la rater.

Quant à l’Algérie, elle ne semble pas avoir d’autres choix que de manœuvrer avec prudence pour garder son calme et sa souveraineté. Avoir la paix, c’est la seule guerre qu’elle devrait accepter de mener. M. B.