William Burns: «Aucun intérêt à imposer les réformes»
ALGÉRIE-ÉTATS-UNIS /
«Aucun intérêt à imposer les réformes»
El Watan, 15 mai 2004
La vente d’armes à l’Algérie, l’adhésion à l’OMC, la torture en Irak, le dossier du Sahara-Occidental et les relations algéro-américaines étaient au menu de la courte conférence de presse animée avant-hier par le sous-secrétaire d’Etat américain chargé du Proche-Orient et de l’Afrique, William J. Burns.
Ce dernier avait auparavant été reçu par le président Abdelaziz Bouteflika. Lors de cette rencontre, l’émissaire américain avait transmis les félicitations de George W. Bush à son homologue algérien pour sa réélection. «Cette élection a constitué une étape importante et positive sur la voie de la démocratie», a-t-il affirmé, en se réjouissant de la nature «excellente» entre nos deux pays. «Un partenariat fort existe actuellement dans le domaine de la lutte antiterroriste», a-t-il en outre souligné. L’envoyé spécial américain a, également, fait part au président Bouteflika de l’indignation de son pays ainsi que celle du président Bush, concernant les cas de torture et de sévices infligés à des prisonniers irakiens par les soldats US.
Appui de Bush
« Je tiens à affirmer que les responsables seront sévèrement punis et que les poursuites seront engagées dans une totale transparence», a-t-il conclu. «Les Etats-Unis ne cherchent à imposer aucune solution aux différentes parties. George Bush encourage les dirigeants algériens et marocains à se réunir et se mettre ensemble à l’oeuvre pour édifier le Grand Maghreb, une meilleure coopération et une compréhension encore plus grande», a souligné William Burns à propos de la question du Sahara-Occidental, qui empoisonne les relations entre Alger et Rabat depuis trente ans. Débordant du cadre régional à celui, plus large, de l’initiative américaine dite du Grand Moyen-Orient, le responsable américain a minimisé l’impact de cette initiative encore incomprise en affirmant, à demi-mot, qu’il ne sera pas question d’ingérence, ni même de réformes obligatoires. «Les Etats-Unis n’ont aucun intérêt à imposer des réformes dans cette région. Ces réformes, qu’elles soient économiques ou politiques, ne peuvent être couronnées de succès que si elles émanent des pays de la région eux-mêmes», a-t-il indiqué. Les relations entre l’Algérie et l’Alliance atlantique (OTAN) sont autant d’opportunités, selon le responsable américain, de promotion d’un dialogue au service de l’intérêt mutuel. Pour ce qui est de l’adhésion de l’Algérie à l’OMC, Burns a assuré que l’administration Bush souhaitait apporter un appui technique dans le processus d’éligibilité. William Burns a séjourné en Algérie dans le cadre d’une tournée dans les capitales arabes et intervient après la visite dans la région du secrétaire général délégué de l’Otan, Alessandro Minuto Rizzo et la réunion du quartette international pour le Proche-Orient, qui tend à relancer la «feuille de route israélo-palestinienne». La veille de la visite du sous-secrétaire d’Etat américain à Alger, c’était le chef de la diplomatie iranien, Kamel Kharazi, qui avait rendu visite au président Bouteflika, avec entre ses mains un plan de paix globale iranien.
Par Akram Kharief
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Probable vente d’armes à l’Algérie
«La coopération militaire avec l’Algérie a contribué à sauver des vies américaines, et nous sommes reconnaissants.» Phrase choc du sous-secrétaire d’Etat William Burns, lors de sa première visite à Alger en octobre 2003. On disait l’Algérie sous embargo américain, la voilà coopérant militairement avec les USA.
Pragmatique, Burns avait tempéré la curiosité des journalistes présents en affirmant que cette coopération entrait dans le domaine du renseignement, de la formation (700 000 dollars US avaient été accordés pour la formation de militaires algériens aux Etats-Unis) et de l’acquisition d’armes non létales et d’équipements de défense. La mise à l’index du GSPC et du groupe El Baqun Ala El Ahd par les services américains sonnait le glas de l’incompréhension entre nos deux pays en matière de lutte anti-terroriste. Il est vrai qu’après le 11 septembre 2001 et trois mille morts plus tard, les Américains ont opté pour une dichotomie sécuritaire qui placerait l’Algérie du bon côté de la barrière. Neuf mois plus tard, et devant la dégradation de la situation dans un Sahel désormais infesté de terroristes islamistes, les Etats-Unis ont poussé leur stratégie encore plus loin. Notre pays étant l’unique puissance régionale proprement dite au Sahel, aucune barrière ne devrait freiner l’achat d’armes servant à éradiquer la présence terroriste dans la région. Les révélations du quotidien online World Tribune faisant état d’une livraison d’armes létales pour l’Algérie, ce mois de mai, et l’augmentation requise du budget de formation américain sont venues confirmer l’intensification de la coopération entre les deux pays. Les propos de ce même William Burns, avant-hier, ne tendaient pas à infirmer cette situation, au contraire. Selon lui, «cette coopération entre les deux armées s’est enrichie en s’ouvrant à la formation et à l’échange de renseignements. Nous allons envisager de l’étendre à d’autres moyens». Situation délicate pour les Etats-Unis qui souhaitent aider l’Algérie à moderniser et à équiper son armée, dont la facture d’achat d’armes dépasse le demi-milliard de dollars, tout en évitant d’irriter le Maroc, allié traditionnel des USA et éternel rival de notre pays. Depuis le 11 septembre 2001, les Etats-Unis ont fait un choix, celui de l’éradication du terrorisme ; l’embargo sur les ventes d’armes à l’Algérie n’a donc plus sa raison d’être.
Par Akram kharief