Représentant de la banque mondiale: L’ouverture de capital d’Algérie Telecom, les transports et les dépenses publiques
Theodore Ahlers, représentant de la Banque mondiale, au Quotidien d’Oran
L’ouverture de capital d’Algérie Telecom, les transports et les dépenses publiques
Propos Recueillis Par Ghania Amriout, Le Quotidien d’Oran, 20 septembre 2004
Le représentant de la Banque mondiale souhaite voir la coopération entre cette institution et le gouvernement s’accélérer.
L’arrivée aujourd’hui du vice-président de la BM chargé de la région MENA sera forcément une occasion pour réclamer plus d’efficacité et de rapidité dans le traitement des projets inscrits dans le cadre de la stratégie de coopération entre les deux parties. Outre ce point, Theodore Ahlers révèle que les experts de cette institution assistent Algérie Telecom pour l’ouverture de son capital, le ministère des Transports pour se retirer de la gestion du secteur et le ministère des Finances en vue d’instaurer une gestion rationnelle des dépenses publiques. Quant au plan de consolidation de la croissance, la Banque se refuse à tout commentaire: elle n’a pas de détails sur son contenu.
Le Quotidien d’Oran: La Banque mondiale vient de publier son second rapport sur le climat des affaires en 2005. En tant que directeur de la région MENA (Middle East and North Africa), pouvez-vous nous exposer les contraintes des investisseurs dans cette région du monde ?
Theodore Ahlers: Effectivement, le dernier rapport de la Banque mondiale sur le climat des affaires en 2005 vient de sortir. Il a, encore une fois, démontré l’impact des aspects réglementaires sur l’investissement. Et fait, comme il a, déjà, été constaté par les experts à travers le rapport de 2004, il est plus que certain qu’une réglementation inadaptée entrave l’investissement et par là la croissance. Outre ce constat, le rapport a révélé que la réglementation est beaucoup plus contraignante au monde des affaires dans les pays moins développés que dans ceux développés.
Cet état de fait n’est pas relevé dans le cas des pays qui portent une attention particulière aux questions sociales. Bien au contraire, les pays connus pourtant pour leur politique sociale ont mis en place une réglementation des affaires très souple. C’est le cas notamment des pays nordiques. Les expériences sont très intéressantes pour tout le monde, notamment pour la région MENA dont l’Algérie. Parlant justement de l’Algérie, il est certain que le gouvernement a fait des progrès pour alléger les procédures aux potentiels investisseurs, nationaux et étrangers. Toutefois et comparativement à certains pays en développement, tels que la Colombie qui a beaucoup avancé dans ce domaine depuis le dernier rapport, l’Algérie a beaucoup à faire.
Q.O.: Pouvez-vous nous faire le point sur la coopération entre l’Algérie et la Banque mondiale et l’état d’avancement du CAS (le Country Assistance Strategy) ?
T. Ahlers: Comme prévu dans le rapport de stratégie de coopération conclu conjointement entre la Banque mondiale et l’Algérie l’année dernière, les deux parties ont défini un ensemble de projets qui feront l’objet de coopération.
Il s’agit, en fait, de trois grands chantiers: la gestion équitable des ressources du pays et de la rationalisation des dépenses publiques, l’investissement privé et l’amélioration du climat des affaires et, enfin, l’amélioration de la qualité et de l’accès des services au profit de la population (l’eau, logement, santé, protection sociale…). L’appui de la Banque, et tel que défini par le rapport de stratégie, met un accent particulier sur le conseil et l’assistance technique.
Q.O.: Concrètement, où en est-on dans la mise en oeuvre du CAS?
T. Ahlers: Globalement, les choses avancent pour les projets de coopération. Nous cherchons à accélérer l’appui aux secteurs des transports et de l’hydraulique. Nous travaillons également avec le gouvernement sur la justice et l’éducation, notamment le secondaire. Enfin, il y a lieu d’ajouter que l’autre dossier sur lequel on travaille beaucoup est celui de la télécommunication. Un secteur où l’Algérie a réalisé beaucoup de progrès, selon la Banque mondiale, qui considère que l’opération d’ouverture a été une grande réussite. Notre institution travaille actuellement sur un projet d’appui dont l’objectif est d’approfondir les réformes dans les télécommunications et l’ouverture de capital de l’opérateur public, Algérie Telecom, ainsi que sur la gestion des dépenses publiques.
Q.O.: Justement, on parle beaucoup de la gestion des dépenses publiques. Est-ce possible d’avoir des détails sur ce dossier ?
T. Ahlers: Nous travaillons actuellement avec les services du ministère des Finances pour moderniser le système de gestion du Budget et avons proposé de lancer une revue conjointe de l’efficacité des dépenses publiques. Cette revue pourrait avoir lieu dans les mois prochains.
Q.O.: Et où en est-on dans la coopération dans le secteur des transports ?
T. Ahlers: Nous avons effectivement un projet en cours avec le ministère des Transports.
Il s’agira d’appuyer ce département pour mettre en place une stratégie de réforme et de développement du secteur dans tous ses volets: urbain, routier, aérien et ferroviaire.
Q.O.: Est-ce qu’on peut avoir une idée sur les grandes orientations des experts de la Banque dans le cadre de cette stratégie ?
T. Ahlers: Le ministère de tutelle a une idée claire sur les grands axes de la politique qu’il entend mener. L’un des axes très prometteur de cette politique est la transformation du rôle de l’Etat qui doit devenir beaucoup plus un élaborateur de stratégie et un régulateur et beaucoup moins un agent impliqué dans les activités opérationnelles. Une idée centrale qui est très positive est que l’Etat se retire dans la mesure du possible des activités opérationnelles et s’assure que des opérateurs privés et publics peuvent intervenir dans un cadre concurrentiel et transparent.
Q.O.: La Banque mondiale s’est auparavant plainte de la lenteur qu’accusent les projets de coopération. Est-ce que les choses avancent mieux maintenant ?
T. Ahlers: Les choses avancent. Mais, on souhaiterait effectivement accélérer davantage la mise en oeuvre des projets pour mieux répondre aux attentes de la population algérienne.
Q.O.: Le président de la République a instruit le gouvernement de lancer un plan de consolidation de la croissance. Un projet quinquennal qui sera doté de 50 milliards de dollars. Qu’en pense la Banque mondiale ?
T. Ahlers: N’ayant pas de détails sur le plan de consolidation de la croissance, mis à part ce qui a été rapporté par la presse algérienne, on ne peut pas se prononcer sur ce plan.
Il y a juste lieu de souligner qu’il est clair que l’Algérie a d’importants besoins en infrastructures de base. Un domaine où l’Etat a un grand rôle effectivement.
Toutefois, il ne faut perdre de vue le volet efficacité des investissements publics et celui de la gestion des ressources pétrolières.
L’utilisation de ces ressources doit se faire dans le cadre d’une gestion pérenne des dépenses publiques. Ce sont là des principes de gestion qui s’appliquent à tous les pays, dont l’Algérie.
Q.O.: Le vice-président de la Banque mondiale pour la région Moyen-Orient et Afrique du Nord, Christian J. Poortman, est à Alger aujourd’hui. C’est la deuxième visite du genre en moins d’une année. Peut-on connaître l’objet de sa visite et son programme?
T. Ahlers: Effectivement, le vice-président de la Banque pour la région MENA est, à partir d’aujourd’hui lundi, à Alger. Il va rencontrer certains ministres et hautes autorités du pays, dont le chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia. Il devra faire le point sur le programme de coopération tel qu’arrêté l’année dernière et voir comment le consolider de façon à faire en sorte qu’il vient en appui au programme du gouvernement et des réformes préconisées par l’Algérie.
Q.O.: La Banque mondiale vient de décider d’un changement fondamental dans sa politique de prêt. En quoi consiste-t-il exactement ?
T. Ahlers: Il s’agit plutôt d’une mise à jour de la politique de la Banque qui a commencé il y a déjà quelques années. L’institution veut en fait rendre plus efficaces ses aides aux pays, dans le cadre de son appui aux réformes dites de deuxième génération, en prenant en considération la spécificité de chaque pays.