L’UPM a-t-elle un avenir ?
par Kharroubi Habib, Le Quotidien d’Oran, 19 octobre 2009
Quatre facteurs au moins sont à l’origine du quasi-gel de l’Union pour la Méditerranée, si chère au président français Nicolas Sarkozy.
Le premier étant le peu d’enthousiasme qu’ont manifesté pour ce projet des Etats aussi bien du nord que du sud de la Méditerranée. C’est un secret de Polichinelle que des pays comme l’Allemagne ou ceux de l’ex-bloc socialiste, mais aussi l’Algérie et la Turquie pour la rive Sud, ont marqué des réticences indéniables au projet démarché avec des arguments ambigus par l’Elysée et la diplomatie française quant aux objectifs fixés à l’Union proposée. Le second, plus dramatique, a été la barbare agression israélienne contre la bande de Gaza, qui a rendu illusoire l’opération de normalisation par le dialogue et la coopération au sein de l’UPM entre Israël et les Etats arabes membres, telle qu’assignée en sous-main à la nouvelle construction régionale. Le troisième a été cette crise financière et économique qui, en mettant à mal les finances des Etats pressentis pour contribuer au lancement de projets économiques Nord-Sud, oblige à revoir ceux-ci à la baisse, voire à les remiser carrément dans les tiroirs. Il y a enfin que la crispation que connaissent les relations algéro-françaises a elle aussi un effet bloquant sur cette Union pour la Méditerranée. La conjugaison des effets de ces quatre facteurs plombe les efforts que déploient les présidents français et égyptien, en leur qualité de co-présidents en exercice de l’UPM, pour maintenir à flot celle-ci.
Le seul résultat auquel ils sont parvenus, c’est le maintien entre les pays membres d’un certain nombre de rencontres et de rendez-vous limités à des concertations d’ordre technique. Ce qui permet à ces deux chefs d’Etat, les plus impliqués et intéressés à vouloir donner vie à l’UPM, de ne pas jeter l’éponge et à entretenir l’illusion que les obstacles qui freinent la construction de l’Union sont conjoncturels et dépassables avec le temps.
Mais même le président égyptien semble vouloir prendre ses distances avec cette Union dont la pérennité est devenue décidément problématique. C’est ainsi que l’Egypte a annoncé son intention de boycotter la prochaine réunion de l’UPM à Istanbul début novembre en raison de la présence à celle-ci du ministre israélien des Affaires étrangères, Avgdor Lieberman. Ce faux bond égyptien laissera les Français bien seuls dans la tentative de sortir l’UPM du «coma» dans lequel elle a été plongée aussitôt après sa création à Paris en juillet 2008, dans une fausse ambiance d’optimisme quant à son avenir et ses perspectives.
L’UPM est née de l’obstination du président français, qui peut se prévaloir d’être parvenu à la faire porter sur les fonts baptismaux. Mais c’est là son seul succès dans l’aventure car, pour le reste, c’est l’impasse. Pour diverses raisons à l’origine de leur manque d’empressement, ce ne sont pas ses partenaires dans l’Union qui vont l’aider à sortir de son coma cette Union euro-méditerranéenne à laquelle il tient tant.
D’autant que ce projet se heurte également à plus que des réserves de la part d’autres acteurs internationaux, notamment ceux non méditerranéens qui appartiennent à la Ligue arabe ou à l’Union africaine, qui considèrent, non sans raison, que la construction voulue par le président français vise des objectifs antinomiques avec ceux de leurs propres ensembles régionaux. Point de vue que le président sénégalais a exprimé en termes forts à l’égard des Etats africains qui ont accepté de prendre part à la création de l’UPM en déclarant que «Les Européens et les Africains du Nord sont libres de leur choix, mais l’Afrique a besoin de savoir surtout si sa partie Nord reste déterminée à aller avec elle dans le cadre du projet des Etats-Unis d’Afrique».