Un SG pour un OVNI politique
par M.Saadoune, Le Quotidien d’Oran, 28 janvier 2010
La fantomatique Union pour la Méditerranée a un secrétaire général.Sans surprise, puisque son nom est évoqué depuis plusieurs mois : il s’agit du diplomate jordanien Ahmad Massa’deh. Le ministère français des Affaires étrangères, en mal de bilan sur cet ovni politique lancé par le président Nicolas Sarkozy et vidé de toute substance par l’Europe, voit dans la désignation de M. Massa’deh «une avancée décisive dans la construction institutionnelle de l’Union».
L’appréciation paraît quelque peu forcée, pour ne pas dire grandiloquente. La désignation d’un secrétaire général et de six adjoints va créer la structure bureaucratique, elle ne signifie pas que les blocages politiques qui ont mis en veilleuse l’UPM sont subitement effacés. Même si aucun Etat membre ne veut décréter que le bébé est mort, il est plus que probable qu’ils continueront à aller à l’UPM sans entrain. Si certains sont amnésiques, les opinions publiques n’oublient pas que la population de Ghaza continue de subir un blocus criminel et que la colonisation se poursuit en Cisjordanie.
C’est le carnage subi par Ghaza et mené par le très «civilisé» Etat d’Israël – qui a l’outrecuidance d’accuser l’Iran d’être une menace pour le monde – qui a refroidi l’enthousiasme irréfléchi de certains pays arabes pour une Union pour la Méditerranée destinée à obtenir, sans les moindres frais, une normalisation entre les Etats arabes et Israël. Or, une telle normalisation est à tout point de vue inacceptable.
Les déchirements interpalestiniens ne doivent pas occulter l’obligation politique et morale de s’en tenir à la position minimaliste des Etats arabes de ne pas accepter une normalisation sans la contrepartie énoncée dans le plan de paix arabe. Or, en dépit du discours faussement neutre d’une «UPM des projets», la finalité de ce nouvel ovni est bel et bien de «normaliser» les relations sans attendre que les Palestiniens recouvrent leurs droits nationaux inaliénables.
Ce n’est pas une offense de noter qu’un diplomate jordanien, dont le pays entretient des relations diplomatiques avec Israël, se retrouvant à la tête du secrétariat général de l’UPM, va dans cette direction. Certains peuvent relever que la présence même de la Jordanie – pays non méditerranéen – dans l’Union pour la Méditerranée obéit directement à ces considérations politiques.
Les Etats arabes ne sont pas naïfs. Ils n’ignorent pas les objectifs évidents d’une UPM dont le format est trop large pour être un véritable espace de synergie économique. C’est un format économiquement impossible, mais politiquement utile pour obtenir une normalisation par effraction ou en douce entre les Etats arabes et Israël. Si certains Etats arabes, totalement sous sujétion américaine, ne sont pas gênés par cette perspective, d’autres, dont l’Algérie, ne peuvent aller contre le sentiment profond de leurs opinions publiques.
M. Bernard Kouchner, très enthousiaste, parle de «rattraper le retard, dû pour l’essentiel aux répercussions sur l’organisation des événements politiques au Proche-Orient de l’année dernière». Apparemment, il ne semble pas considérer que l’UPM continuera d’être entravée par le «retard» mis par la communauté internationale à imposer au moins la levée du blocus criminel contre les Palestiniens à Ghaza. Pas de quoi réduire l’immense méfiance de nos opinions publiques à l’égard d’une UPM où les Palestiniens et les pays arabes n’ont rien à gagner et des concessions fondamentales à faire. Un Jordanien à la tête d’une organisation presque morte n’y changera rien.