Les Européens veulent convaincre les Arabes d’oublier Ghaza
Les Européens veulent convaincre les Arabes d’oublier Ghaza
Pavane pour une UPM en rade
par K. Selim, Le Quotidien d’Oran, 21 avril 2009
Une réunion de hauts fonctionnaires était prévue à Bruxelles pour le 23 avril pour discuter de l’Union pour la Méditerranée. Rien d’exceptionnel. Normal, le travail banal que mènent les diplomates et les experts pour accompagner la mise en place d’un projet. On déblaie le terrain sans que cela n’engage politiquement les Etats. L’agence française de presse AFP lui a donné, hier, un sens politique plus fort en indiquant, sur la base de source européenne au Caire, qu’elle a pour but de « réanimer » l’Union pour la Méditerranée, « gelée depuis la guerre de Ghaza ». Selon l’agence, la réunion organisée à l’initiative de Javier Solana va tenter de réunir les Européens, les Arabes et les Israéliens. Mais qu’y a-t-il du point de vue des Etats arabes, parties prenantes à l’UPM, qui peut justifier qu’ils renoncent à leurs réticences à s’engager dans un projet réduit en miettes par le carnage de Ghaza ? Comment ces Etats arabes pourraient convaincre des opinions profondément révoltées par le massacre de l’utilité de s’asseoir à la même table que les Israéliens dans le cadre de l’UPM ? Outre le fait que le massacre est encore présent dans les esprits, il faut noter que Ghaza continue de subir un état de siège. L’avènement d’un gouvernement d’extrême droite en Israël, qui refuse le principe des deux Etats, ne peut être qualifié de donne positive pour la relance politique de l’Union pour la Méditerranée.
On peut aussi constater, à travers l’attitude des Européens au sujet de la conférence sur le racisme, Durban II, qu’une attitude un tant soi peu critique à l’égard d’Israël n’est pas de mise. Difficile d’oublier que la présidence tchèque de l’Union européenne avait osé, dans un premier temps, qualifier l’agression israélienne contre Ghaza de « défensive ».
«Volontarisme»
Objectivement, du point de vue des Européens, c’est aux Arabes de céder. Comme si Ghaza n’a pas eu lieu et comme s’il n’y a pas un gouvernement d’extrême droite israélien qui exige que les Palestiniens le reconnaissent comme un Etat juif, et donc d’ouvrir la voie à une purification ethnique légale contre des centaines de milliers de Palestiniens.
Il n’y a donc, à moins d’un renversement incompréhensible de la situation, aucune raison pour les Etats arabes d’abandonner leur réserve au projet de l’UPM. La réunion « informelle » de jeudi à Bruxelles entre hauts fonctionnaires ne devrait pas avoir d’incidences importantes sur un projet en état de mort clinique. Il faut surtout y voir une tentative des Européens d’essayer de vaincre les réticences fondées des Etats arabes. C’est ce qu’une source européenne au Caire, citée par l’agence française, appelle un effort de « volontarisme » destiné à permettre une relance officielle du projet UPM. « Sans volontarisme, l’UPM risquait l’enlisement, mais on ne sait pas encore quels pays arabes accepteront de revenir autour de la table ».
La relance « rapide » de l’UPM est donc largement tributaire d’une décision des Etats arabes d’aller à contre-courant de leurs opinions publiques qui ne comprennent pas que l’on puisse s’asseoir à la même table que les responsables d’un carnage odieux contre les Palestiniens. Il paraît difficile d’occulter les aspects politiques pour focaliser sur une Union des « projets » dont le financement n’est d’ailleurs pas évident. A juste titre, l’ancien ministre français des Affaires étrangères, Hubert Védrine, a relevé que les « Européens veulent lancer un vaste espace de coopération, mais qui reste extrêmement lié au processus de paix au Proche-Orient, avec la résolution du conflit israélo-palestinien ».
La question de l’UPM devait être abordée à la réunion des ministres des Affaires étrangères du groupe 5 5 qui se tient à Cordoue les 20 et 21 avril. La réunion, à laquelle participent le secrétaire général de l’Union du Maghreb arabe, Habib Ben Yahya, et la Commissaire européenne aux Relations extérieures, Benita Ferrero-Waldner, devrait faire le « point sur l’Union pour la Méditerranée, à quelques jours d’une réunion des hauts fonctionnaires de l’UPM prévue à Bruxelles le 23 avril », lit-on sur le site du ministère français des Affaires étrangères. On attendra pour voir. Mais on peut déjà constater que le modeste format des 5 5, regroupant les pays de la Méditerranée occidentale, est plus réaliste et peut être plus fécond qu’une UPM trop large et à la finalité politique douteuse.