Les non-dits de l’UPM sont problématiques

Barah Mikail chercheur à l’IRIS

Les non-dits de l’UPM sont problématiques

El Watan, 16 juillet 2009

Un an après son inauguration en fanfare, peut-on dire aujourd’hui que l’UPM est-il un projet mort-né ?

Il est abusif de parler de la mort de l’UPM. Certes, après un an d’existence, celle-ci n’a pas connu les évolutions initialement escomptées par ses initiateurs. Dans le même temps, on ne peut que constater que l’UPM n’a pas pour autant annulé, ni même entravé les acquis du Processus de Barcelone, qui avait été initié en 1995. Le projet euro-méditerranéen continue à connaître des heurts, cela est incontestable ; mais ceux-ci n’en demeurent pas moins surmontables, à la condition de déployer les bonnes recettes.

Que pourrait apporter l’UPM aux pays de la rive sud de la méditerranée sachant que le déséquilibre est flagrant ?

C’est parce que le déséquilibre est flagrant, justement, que l’UPM demeure utile et à même de rapprocher les rives Nord et Sud de la Méditerranée. Ce sont les questions économiques et sociales qui traduisent le plus cette réalité : c’est par l’injection et la mise à disposition utile et pertinente de ses propres moyens et de son savoir-faire que l’Union européenne pourra, ou plutôt pourrait, participer d’une amélioration du quotidien des populations du Sud et de l’Est de la Méditerranée. Mais ce n’est pas tout que de le constater : il faut aussi agir à travers le développement de moyens effectivement requis. Or, tant que les Européens ne doubleront pas leurs fonds financiers, leurs projets économiques et leurs beaux discours d’une consécration de leur stature politique, ils auront probablement bien du mal à se rendre convaincants aux yeux de leurs homologues méridionaux. Ce qui manque aux Européens, c’est une cohésion et une vision politique qui les rendent lisibles aux yeux de leurs homologues. Chose qui, bien évidemment, demeure plus difficilement réalisable à 27 qu’à 5 ou à 6.

Après l’offensive israélienne à Ghaza, pensez-vous que les pays arabes accepteront de reprendre les chemins de l’UPM ?

Ils ont d’ores et déjà accepté de reprendre le chemin de l’UPM, comme le prouve leur dernière réunion en date, consacrée aux questions de développement durable, et intervenue à la fin juin 2009. Mais cela ne garantit pas pour autant un plein aboutissement du projet de l’UPM, qui ne pourra d’ailleurs s’inscrire que sur un temps long. Dans le même temps, il est intéressant de constater combien l’offensive israélienne vis-à-vis de la Bande de Gaza a exprimé la méfiance qu’ont les pays arabes en général vis-à-vis de ce projet. Et, de la même manière, la reprise des tractions euro-méditerranéennes prouve que les riverains méridionaux de la Méditerranée demeurent intéressés par les tenants et les aboutissants d’un projet qui leur garantit des fonds et une prise en considération. Ce qui manque, c’est la dynamique qui permettra de concilier à la fois les ambitions et les attentes des uns et des autres.

Sur quels piliers devrait reposer l’UPM, d’après vous ?

Il serait bien prétentieux de ma part de dire que je détiens la clé du succès de l’UPM. Mais ce que je constate, c’est que ce projet est louable dans ses intentions, mais beaucoup moins abouti dans ses potentialités d’évolution. Les aspirations officielles de rapprochement des perspectives politiques entre pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée, et d’amélioration des conditions de vie économiques et sociales de leurs ressortissants, sont ainsi tout ce qu’il y a de plus noble. Par contre, les non dits de ces mêmes aspirations (limiter les mouvements de migration vers les pays de l’UE notamment), ainsi que les contraintes conjoncturelles comme structurelles concrètes (absence d’une instance identifiable et aux orientations claires, manque de détermination politique des Européens) sont beaucoup plus problématiques. Or, ce n’est qu’à partir du moment où l’UE se dotera de principes politiques et diplomatiques clairs, qu’elle pourra effectivement prétendre à un rôle à la hauteur des moyens financiers et infrastructurels qu’elle engage. Pour le dire d’une phrase, le projet d’UPM serait bien plus abouti s’il exprimait aussi un positionnement politique de la part des membres de l’UE ; c’est ici que réside sa faille principale.

Après l’échec du processus de Barcelone, peut-on encore croire en la création d’une entité euro méditerranéenne pour consolider les liens entre les pays des deux rives ? Est–ce que les logiques bilatérales continueront à l’emporter ?

Même si je ne crois pas que le Processus de Barcelone mérite d’être envisagé comme un échec, je crois effectivement que le bilatéral demeure encore d’actualité. Qui plus est, ce sont les initiatives plus restreintes et moins médiatisées qui ont eu tendance à garantir plus d’avancées jusqu’ici, comme on a pu le voir avec le fameux processus 5+5. Cela étant dit, je crois aussi qu’il demeure trop tôt pour croire au potentiel d’une entité euro-méditerranéenne globale qui pourrait tout régler par un coup de baguette magique. Ce n’est que de manière graduelle que l’on pourra effectivement mettre en place les conditions pour l’institution d’un « Barcelone + » qui puisse être annonciateur d’une UPM aboutie. Mais un tel horizon demeure encore très lointain pour l’heure.

Par Amel Blidi