Le naufrage de l’Union pour la Méditerranée

Le naufrage de l’Union pour la Méditerranée

Salim Rabia, Maghreb Emergent, 09 Février 2011

Hosni Moubarak, co-président, avec le français Nicholas Sarkozy de l’Union pour la Méditerranée (UpM), refuse de démissionner malgré la pression grandissante des égyptiens qui ont été encore plus nombreux, mardi, dans la rue à l’appeler à dégager de l’horizon égyptien. Officiellement l’UpM a toujours pour président Hosni Moubarak. Un vrai symbole pour un projet méditerranéen en état de mort clinique

L’UpM n’a plus, depuis le 27 janvier, de secrétaire général. Le jordanien Ahmad Massa’deh, a en effet démissionné de son poste qu’il occupait depuis un an. Le communiqué rendu public à Barcelone, siège de l’UpM, indique que M.Massa’deh « quitte son poste car les conditions dans lesquelles il l’a accepté ont changé» et qu’il poursuivra son soutien «pour une coopération dans la Méditerranée basée sur un équilibre réel et une orientation claire». Rien de vraiment clair sur les motivations de cette démission mais le constat que les conditions ont changé ne souffre d’aucunE discussion. L’UpM a perdu en Zine El Abidine Ben Ali, un partisan très enthousiaste. Son co-président, Hosni Moubarak, et son régime, Font face à ce qu’Amr Moussa, le représentant officiel du « système arabe », n’hésite plus à qualifier de « révolution ». L’UpM, paralysée par le conflit du Proche-Orient, est en train de devenir le « naufrage méditerranéen de Sarkozy », selon la formule féroce du journal El-Païs. Nous pouvons choisir entre considérer le poste de co-président de l’UpM comme vacant ou, « pire encore, qu’il est encore dévolu à Moubarak » ironise le journal espagnol.

Sans tête, ni ailes

L’UpM qui n’a jamais pris corps n’a désormais plus de tête. Pas d’aile non plus, précise El Pais, en relevant que le seul projet prêt, celui des ressources en eau, n’a jamais pu faire l’objet d’une discussion en raison du refus israélien d’accepter la mention de l’expression « territoires occupées. Cela n’a pas empêché Paris d’appeler, en réaction à la démission d’Ahmad Massa’deh « tous les gouvernements et peuples d’Europe et de la Méditerranée à donner un nouvel élan à l’Union pour la Méditerranée ». « Plus que jamais, la France est convaincue qu’il doit exister une volonté politique de surmonter les différences afin de constituer une maison commune sur les deux rives de la Méditerranée », a déclaré lors d’un point presse le porte-parole du ministère français des affaires étrangères, Bernard Valero. El Pais, plus sévère que jamais, estimé que la France a un président qui est en plein naufrage sur l’UpM avec une ministre des affaires étrangères, , Michèle Alliot-Marie, grillée par ses lien avec le « clan de kleptocrates qui était au pouvoir à Tunis ». A défaut de s’adresser aux peuples qui réclamaient des droits civils, l’UpM s’est limitée aux pouvoirs en place. Mais le problème n’est pas que français. L’Europe peine à avoir une politique au sud. Mme Catherine Ashton, la ministre des affaires étrangères de l’UE, est dans le minimum syndical en promettant de soutenir la transition démocratique en Tunisie et en Egypte. En réalité, que ce soit pour la Tunisie et davantage pour l’Egypte, l’Europe est à la traine des Etats-Unis.

Des initiatives pour un changement de politique

« L’Europe colle aux américains qui, dans le cas de l’Egypte du moins, ont une attitude timorée qui est de fait un soutien au régime contre la rue », explique un analyste dans un think Tank européen. La « menace islamiste » qui avait parue secondaire au début de la révolution tunisien refait désormais les « unes » des médias. Les « intellectuels médiatiques » qui ne sont pas les plus pertinents abondent dans le même sens. Un communiqué d’Al-Qaida en Irak sur la situation égyptienne est présenté comme la preuve que l’Egypte allait basculer. Amr Moussa s’est chargé dans un entretien au journal Le Monde de ramener les choses à leur juste mesure et encore il parlait des Frères Musulmans. Interrogé sur le risque de l’émergence d’une Egypte islamiste, il répond : « Non, ce risque n’existe pas. Je suis bien conscient de ce dilemme occidental. Il agite les Occidentaux au point que certains de leurs intellectuels et responsables politiques sont prêts à sacrifier la démocratie au nom de leur peur de la religion. Leur analyse est fausse et c’est une mauvaise politique. Les Frères musulmans n’ont pas été les meneurs et ne sont toujours pas aujourd’hui les meneurs de la révolution égyptienne. Ils y participent, c’est tout ». L’Europe est totalement perturbée par les révolutions en cours au Sud. Selon une source bien informée, des personnalités politiques européennes se prépareraient à lancer un appel à l’Europe pour un changement de politique en direction des pays de la rive sud. « Les européens doivent cesser de n’avoir que les pouvoirs en place comme interlocuteur. Elle doit aussi cesser d’être frileuse en matière d’exigence démocratique ».