Union pour la Méditerranée: En attendant une hypothétique relance espagnole en 2010
par M. Saâdoune, Le Quotidien d’Oran, 14 décembre 2009
L’Union pour la Méditerranée relancée ? Pour la énième fois, des médias s’efforcent à l’enthousiasme et «relancent» cette Union pour la Méditerranée alors que des observateurs, beaucoup plus circonspects, se demandent s’il y a encore quelque chose à sauver dans le projet… Car c’en est un, même si, en juillet dernier, on a fêté, dans la discrétion, sa première année d’existence. Quels sont les indices de cette « relance» ? Une nouvelle réunion de fonctionnaires à Bruxelles était prévue pour ce 14 décembre pour parler du futur secrétariat général à mettre en place à Barcelone en 2010. En réalité, même cette réunion des fonctionnaires a été reportée comme le confirme une déclaration de Vincent Peillon, membre de la Commission des Affaires étrangères au Parlement européen et rapporteur en charge du suivi de l’Union pour la Méditerranée. Selon lui, le «le ciel de l’UPM s’est de nouveau assombri à l’automne dernier avec l’annulation successive de réunions ministérielles, et le report à janvier, annoncé mardi dernier, d’une réunion de hauts fonctionnaires prévue le 14 décembre prochain». Rien de bien nouveau en réalité. Ces discussions de fonctionnaires sont devenues routinières. Et il est difficile de voir dans une réunion de fonctionnaires – si tant est qu’elle ait lieu – une «relance» du processus alors qu’un grand ratage a eu lieu avec l’annulation de la réunion des ministres des Affaires étrangères euro-méditerranéens prévue les 24 et 25 novembre. Les Egyptiens ne voulaient pas de la présence du ministre des Affaires étrangères, Avigdor Lieberman… C’était, sur le fond, une mauvaise raison… de ne pas participer à cette rencontre si elle se résumait à l’aversion, très justifiée, que l’on peut avoir à l’égard d’un personnage raciste.
Dépolitiser ?
Les mauvaises raisons cachent parfois les bonnes raisons… L’UPM, révisée ou censurée par l’Union européenne, est un format trop large qui ne pouvait que rencontrer l’obstacle politique fondamental de l’oppression subie par les Palestiniens… En tout cas, quand on rate une réunion des ministres des Affaires étrangères, il est illusoire d’attendre que des fonctionnaires, bureaucrates ou diplomates, puissent relancer quelque chose. Bien entendu, ils pourront discuter de la candidature du Jordanien Ahmed Masaadeh, actuellement ambassadeur de son pays à Bruxelles, au poste de secrétaire général de l’UPM. La question ne semble pas poser de problème – la Jordanie ayant des relations avec Israël, Ahmed Massadeh fait l’objet d’une sorte de consensus mou – et elle n’est pas essentielle. Même si elle n’a jamais eu vocation à régler la question du Proche-Orient, l’UPM est, depuis le carnage de Ghaza, suspecte de servir de pont de «normalisation» sans contrepartie des Etats arabes avec Israël. Quand à la thèse que l’on peut avancer dans les «projets économiques» tout en ayant des différends politiques fondamentaux, elle tient difficilement la route. Elle l’est d’autant plus qu’il est difficile de vouloir dépolitiser l’UPM… Des techniciens peuvent effectivement avoir un rôle à jouer, ils ne peuvent avoir celui d’être une force d’impulsion. Du coup, certains regrettent que l’on n’ait pas continué à travailler sur le format des 5+5 où l’approche «dépolitisée» permet des coopérations dans de nombreux domaines, y compris dans le domaine militaire. Même si la politique est présente, elle n’a pas l’effet pesant et lourd du conflit du Proche-Orient.
Une coquille vide Dans les conditions actuelles, l’UPM reste une coquille vide, une machine qui a vocation de rassembler un nombre exagéré de pays sans en avoir les moyens. On parle beaucoup de «projets», on n’en voit pas encore qui seraient à un stade de murissement avancé. Il est vrai aussi que le premier anniversaire de l’UPM est tombé dans une période de récession… et que l’Europe ne fait preuve d’aucun enthousiasme tandis qu’au Sud, on semble suivre les choses de loin et avec beaucoup de réserves… Vincent Peillon, cité plus haut, constate que «la construction euro-méditerranéenne est aujourd’hui en danger (..) Il faut que chacun fasse preuve de responsabilité… les questions qui fâchent, celles du statut du futur secrétariat de Barcelone et de la répartition des postes en son sein, ne pourront être réglées que par une impulsion politique conjointe émanant du plus haut niveau». L’UPM est donc, sans bruit, dans une conjonction d’éléments défavorables… qui la maintiennent au stade d’idée vague… Certains espèrent que la présidence espagnole de l’Union européenne durant le premier semestre 2010 pourrait donner un nouvel élan à l’UPM sachant que le secrétariat de l’Union pour la Méditerranée sera installé à Barcelone. Le second sommet de l’UPM est également prévu à Barcelone en juin 2010. L’année espagnole sera-t-elle la bonne ? Le nom de Barcelone étant déjà associé à un processus non concluant, cela relève davantage du voeu que d’une projection raisonnable.