Comment et pourquoi la France veut exclure l’Algérie de l’Union pour la Méditerranée
COMMENT ET POURQUOI LA FRANCE VEUT EXCLURE L’ALGÉRIE DE L’UNION POUR LA MÉDITERRANÉE
Les nostalgériques reviendront le 13 juillet prochain
De notre bureau de Bruxelles, Aziouz Mokhtari, Le Soir d’Algérie, 7 mai 2008
Bruxelles bruisse de bruits, de chuchotements, de sources «bien informées» ou de révélations de gorges profondes, d’informations tenues pour «sûres» et de «certitudes». Si le projet Sarkozy à l’intérieur de l’Union pour la Méditerranée va à son terme, l’Algérie en sera marginalisée, voire exclue … C’est loin d’être faux.
L’Union méditerranéenne, devenue, grâce à la vigilance de l’Allemagne, Union pour la Méditerranée risque, si le plan Sarkozy va à son terme, de marginaliser l’Algérie. Dès le départ, avant même qu’il n’entre à l’Elysée, l’actuel président français annonçait la couleur : Il faut, martelait-il tout au long de sa campagne électorale en 2006 et après son investiture, une Union méditerranéenne. Derrière les mots, nécessairement généreux et la phraséologie bien évidemment alléchante, il s’agissait pour Nicolas Sarkozy plus d’une ruse de guerre, d’une posture tactique que d’une volonté de véritable coopération entre les deux rives du Grand Bleu. La pensée de l’actuel locataire de l’Elysée s’est toujours articulée autour de trois axes cardinaux sur cette question. Le premier est de barrer la route de l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne en lui proposant le cadre de la fantasmagorique Union pour la Méditerranée. Sarkozy propose, en fait, une sorte d’alliance à siècles renversés entre l’Empire ottoman qu’il croit, toujours, inscrit dans la pensée moderne ou post-moderne de la Turquie actuelle. Le deuxième principe qui guide la démarche sarkozienne a trait, bien évidemment, à l’intérêt d’Israël. Cette union des riverains de la mer chère à Ulysse ne peut être, au final, qu’un espace où l’Etat hébreu peut s’installer, convenablement, durablement. Lors de son séjour à Tunis, la semaine dernière, le chef de l’Etat français n’a même pas évoqué le préalable, pour l’entrée d’Israël dans l’Union pour la Méditerranée, de la proclamation, puis de l’existence d’un Etat palestinien. Ce qui, selon le président français, permettrait à Israël de prendre langue avec une grande majorité de pays arabes sans avoir à se torturer les méninges sur les droits du peuple palestinien. La troisième dimension qui sous-tend le projet méditerranéen de Sarkozy, c’est l’Algérie. L’Union pour la Méditerranée sera ordonnancée de telle sorte qu’Alger s’en trouvera, de fait, marginalisée, mise dehors. Bruxelles bruisse, d’ailleurs, d’informations, de bruits, de rumeurs, de campagnes d’intox et de fuites organisées allant, tous, dans le même sens. A partir du 13 juillet prochain, l’Algérie se verrait isolée dans la nouvelle configuration euro-méditerranéenne. L’Egyptien Moubarak se verrait intronisé co-président avec un chef d’Etat ou de gouvernement de la Rive Nord, de l’Union pour la Méditerranée. Le Caire bénéficiant, au passage, de subsides conséquents et abritant quelques démembrements de la nouvelle entité. De quoi satisfaire amplement le Raïs qui, par la même occasion, gardera la main sur les négociations avec Israël et s’affirmera comme l’interlocuteur privilégié des autres puissances qui pèsent dans le monde (USA, Chine, Russie, Iran, Pakistan). La Tunisie héritera, pour ce qui la concerne, du très convoité secrétariat général du nouveau géant qui naîtra à Paris en juillet. Le Maroc s’est vu promettre, fermement, le poste de secrétaire général. Le nom de son occupant est même dans toutes les gorges profondes bruxelloises. La Turquie et Israël, qui ne sont pas demandeurs de petites récompenses, attendent, selon nos sources, d’autres évolutions majeures européennes pour s’engager, sérieusement, dans l’aventure. Tel-Aviv, surtout, qui sait parfaitement que le «solo» sarkozien est très mal perçu dans l’Union européenne. Ankara, pour ce qui la concerne, a déjà et à plusieurs reprises, annoncé et clamé sa position : la Turquie négocie l’adhésion, que l’adhésion et rien que l’adhésion dans l’Union non pas méditerranéenne, mais européenne. Perfides, les Turcs avaient même laissé déclarer par des personnalités proches de l’appareil d’Etat que ce que cherche à créer Sarkozy existe déjà et porte un nom : le «Club Med» L’Algérie a tout intérêt donc à encourager, au sein même de l’Union européenne, les voix, nombreuses et qui pèsent (Allemagne, Royaume-Uni, Belgique, Pays Nordiques …) qui n’acceptent pas le diktat français autour de la question. Selon la doctrine, présentement, en vigueur en France officielle, il faut, coûte que coûte, et par tous les moyens, laisser l’Algérie en l’état. Un géant, certes, mais aux pieds d’argile. Le 13 juillet prochain (sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE et des pays méditerranéens) s’annonce rude.
A. M.