Dissipation
par M. Saadoune, Le Quotidien d’Oran, 25 mai 2010
Une coopération entre les rives nord et sud de la Méditerranée est nécessaire car elle est mutuellement avantageuse. Cette coopération, qui n’a pas pu se concrétiser dans le grand format de Barcelone, a moins de chance de se faire dans le format encore plus large de l’Union pour la Méditerranée.
Les propos rassurants dispensés par les chefs des diplomaties de l’Espagne, de l’Egypte et de la France servent surtout à entretenir les illusions après le rendez-vous raté du 7 juin. Les propos sont particulièrement lénifiants. L’échec manifeste – malgré les efforts de Miguel Moratinos – à tenir le sommet de l’UPM ne serait pas le signe d’une «crise» mais répondrait au seul «souci de créer des conditions meilleures pour un succès».
On ne voit pas quelles conditions pourraient apparaître d’ici la fin de l’année. Une percée sur le dossier palestinien paraît très improbable. L’Europe est, dans tous les cas de figure, hors d’état de peser sur ce dossier qui relève d’une exclusivité américaine. Vue du sud de la Méditerranée – qui n’est pas uniforme -, l’Europe n’est pas une aussi.
Dominique de Villepin, dans une intervention remarquée, a noté qu’il y avait «trois Europe» : une Europe du Nord insérée dans la mondialisation, une Europe de l’Est en croissance mais fragile, et une Europe du Sud – nos voisins – restée rétive à la mondialisation, «perçue comme une menace».
Il va de soi qu’en dehors de l’aspect politique qui consiste à pousser à la normalisation entre les Etats arabes et Israël, l’intérêt pour une relation euro-méditerranéenne équilibrée et profitable à tous faiblit à mesure que l’on s’éloigne de la grande bleue. L’UPM en Europe, hormis quelques eurodéputés tenaces, n’est pas un sujet qui suscite de l’enthousiasme. Comme au Sud, elle est devenue un domaine réservé des diplomaties.
On peut ajouter qu’avec la crise qui secoue la zone euro, l’Union européenne, qui rechignait déjà à mettre la main à la poche pour l’UPM, sera encore moins disposée. L’UPM était mal barrée dès son lancement. Elle devait regrouper les pays méditerranéens ; elle a été élargie excessivement et a perdu la possibilité d’être une alternative concrète à Barcelone.
MM. Moratinos, Kouchner et Aboul Gheit semblent vouloir se rassurer eux-mêmes pour se convaincre que rien n’est perdu. Ils se refusent en définitive à admettre que l’UPM ne peut pas être opérationnelle car elle tente de réunir des intérêts à la synergie peu évidente. Cela adviendra peut-être, mais dans une perspective qui n’est pas immédiate.
Ce qui fait sens par contre, c’est bien une relation entre pays de la Méditerranée occidentale. Elle existe sous la forme informelle des 5+5. Ce cadre de concertation, contrairement à la grosse UPM, a fait preuve de son efficacité, y compris dans le domaine militaire. Les liens économiques entre les pays concernés sont déjà denses. On aura aussi l’avantage de s’éloigner du blocage proche-oriental, sachant que l’Europe ne fera rien pour amener Israël à se conformer au droit international. Le 5+5 dispose de suffisamment d’atouts pour être, sur le moyen terme, l’embryon d’un partenariat euro-méditerranéen plus large. C’est ce forum qu’il faut cultiver, entretenir et conforter au lieu de se dissiper dans l’entreprise vaine de l’UPM.