Aller à Canossa
par K. Selim, Le Quotidien d’Oran, 17 mai 2010
Le chef de la diplomatie espagnole, Miguel Angel Moratinos, fait preuve d’un bel optimisme en indiquant que la tenue du deuxième sommet de l’Union pour la Méditerranée (UPM), prévu à Barcelone le 7 juin prochain, était «garantie à 90%». Le ministre espagnol, dont le pays se fait fort de sortir l’UPM de l’ornière, a suggéré qu’il avait reçu suffisamment d’assurances au cours de sa récente tournée proche-orientale pour que son pronostic passe de 70 à 90%.
L’Egypte, qui a exprimé à maintes reprises ses réticences à participer à des réunions avec le ministre israélien des Affaires étrangères, Avigdor Lieberman, aurait-elle succombé aux arguments du diplomate espagnol ? Il faut noter que jusqu’à présent, faute d’une position élaborée sur des arguments de fond, la ligne de la diplomatie égyptienne se cristallise sur une animosité ciblant personnellement Avigdor Lieberman.
Le racisme et la haine dont fait preuve le chef de la diplomatie israélienne ne sont pourtant pas une singularité au sein de l’establishment israélien. Le Caire a-t-il renoncé à sa défiance «personnalisée» à l’égard de Lierberman ?
Si tel est le cas, le gouvernement égyptien devra se justifier vis-à-vis des Egyptiens. Car, dans les faits, que ce soit Lieberman ou un autre qui représente Israël n’est pas significatif. Ce qui pose problème est bien de participer à une entreprise commune avec un Etat raciste, expansionniste et belliciste.
De ce point de vue, les intentions de l’actuelle administration israélienne sont extrêmement claires, sans nuance ni équivoque. Une illustration récente en a été fournie avec le «soutien» apporté par le «Comité de suivi du processus de paix» de la Ligue arabe à la reprise des discussions indirectes entre l’Autorité palestinienne et Israël. A peine l’Autorité de Ramallah avait-elle fait mine d’obtempérer à la «sage» recommandation du Comité, que Netanyahu signifiait son intention de poursuivre l’absorption de Jérusalem.
Cette reprise du dialogue indirect est opérée sous pression de l’administration américaine qui, avec d’autres gouvernements occidentaux, a permis l’entrée triomphale d’Israël à l’OCDE. Un hommage civilisé de plus à l’intransigeance raciste. Les diplomates arabes «modérés» ou «durs» ne peuvent même pas jouer sur les mots pour expliquer des retournements injustifiables.
Les gouvernements arabes membres de l’UPM hésitent à aller à ce sommet : ils ont avalé beaucoup trop de couleuvres occidentales. Même les médias publics et parapublics des pays arabes expriment l’affligeant constat d’une diplomatie incapable de défendre le minimum. Avigdor Lieberman, affichant sa volonté d’être au sommet de Barcelone malgré les Arabes, offre à ces derniers une opportunité de décliner l’invitation au voyage vers la Canossa catalane. C’était leur position avant la tournée de Moratinos. C’est ce qui semble être encore de mise aujourd’hui à trois semaines du sommet présumé.
Les Arabes «modérés» attendent, dit-on, ce que vont donner les négociations indirectes entre Israéliens et Palestiniens. Qui donc attend vraiment quelque chose de ces fausses négociations ? Si le sort de l’UPM en est tributaire, autant prononcer son oraison.