Medelci à propos de l’UPM: « L’Algérie a besoin de clarifications »

Projet de l’Union pour la méditerranée

Medelci : « L’Algérie a besoin de clarifications »

El Watan, 7 juin 2008

L’Algérie libérera sa position le 12 juillet. Le concept de « coresponsabilité » et de « coappropriation » au niveau des instances de l’UPM a retenu l’attention des conférenciers.

L’Algérie a toujours besoin de clarifications. » C’est ce qui a été affirmé hier par le chef de la diplomatie algérienne, Mourad Medelci, au sujet du projet d’union pour la Méditerranée dont les contours ont été abordés lors de la 15e édition de la conférence ministérielle du forum méditerranéen tenue à Alger ces deux derniers jours. A un mois de la tenue du sommet de Paris devant sceller la naissance de l’UPM, l’Algérie, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, note que « nous sommes gênés de constater qu’il n’y a toujours pas de projets pour lesquels on sera associés… » Il est impossible d’adopter le projet d’union pour la Méditerranée dans sa globalité, même si nous lui portons une appréciation positive. Nous avons enregistré lors de cette rencontre d’Alger que la majeure partie des pays membres partage des interrogations sur certains sujets, nous avons obtenu quelques réponses, mais qui nécessitent davantage d’efforts dans les semaines à venir afin d’arriver à une vision commune et unifiée sur ce projet d’union. Nous avons convenu donc de l’impérative nécessité d’aller vers une autre réunion le 12 juillet prochain pour permettre la mise en œuvre de ce projet de la manière la plus efficace qui soit », a indiqué M. Medelci lors d’une conférence de presse animée conjointement avec la secrétaire italienne déléguée aux Affaires étrangères, Stefania Craxi, à l’issue de la conférence du forum des pays de la Méditerranée.

« Les pays du Sud craignent une hégémonie du Nord »

Le point nodal qui a retenu l’attention des conférenciers avait trait à la concrétisation du concept de « coresponsabilité » et de « coappropriation » au niveau des instances de l’UPM. Le ministre algérien a évoqué des « craintes » exprimées par les pays de la rive sud de la Méditerranée relatives à l’idée d’hégémonisme du Nord sur les projets devant découler de cette union. « Il est inconcevable que l’initiative appartienne à une seule partie, il est impératif que le niveau de responsabilité soit partagé entre le Nord et le Sud, nous sommes arrivés dans ce sens à un accord de principe », a estimé M. Medelci, en précisant que le principe de coresponsabilité devra se décliner par une présidence conjointe entre le nord et le sud de l’union pour la Méditerranée suivie d’un autre partage de responsabilité au niveau du secrétariat général et au niveau de la commission des ambassadeurs. « Cette coprésidence est une des valeurs ajoutées de ce processus. Il faut un partage de responsabilités, même dans son mode de financement, nous attendons d’autres clarifications à ce sujet afin de pouvoir lancer des projets d’ici la fin de l’année », considère le chef de la diplomatie algérienne, en mettant en exergue que des discussions sont en cours dans ce sens entre pays de la rive sud, car ils craignent que le pouvoir de décision n’échoit qu’aux pays du Nord. Medelci ne dira pas si l’Algérie a des ambitions de proposer sa candidature au niveau des instances de l’UPM à l’heure où d’autres pays ne lésinent pas sur les opérations de lobbying pour accéder à des titres de responsabilité dans cette nouvelle sphère d’échange, mais indique que le 13 juillet ne sera que le point de départ du processus qui sera soumis tout au long de sa mise en œuvre à des discussions et concertations. Interrogé sur le niveau de représentation de l’Algérie au sommet de Paris, Medelci a préféré garder l’énigme entière et se contentera de dire que « ce type de rencontre ne peut déboucher sur de telles décisions ». Les clarifications demandées par l’Algérie et devant être apportées par l’initiateur du projet devront vraisemblablement déterminer ce niveau de représentation qui reste soumis à l’exigence de partage de responsabilités au sein de l’UPM dans le cadre du respect des positions et de la souveraineté de chaque pays.

« L’UPM n’imposera pas la normalisation avec Israël »

La position d’Israël dans l’UPM demeure l’une des questions brûlantes des discussions préliminaires avant le 13 juillet. Mourad Medelci est formel. « L’UPM n’imposera pas la normalisation avec Israël pas plus que le processus de Barcelone ne l’a fait », a-t-il indiqué en notant que « nous avons la certitude que ce projet va se décliner entre pays qui veulent se retrouver dans un même projet ». Poussant encore son argumentaire, Medelci précise que trois pays peuvent se rencontrer dans le cadre de l’UPM autour d’un projet sans avoir besoin d’y inclure d’autres pays. « Nous n’avons pas besoin d’avoir tous les pays dans un même projet. Le projet d’union se caractérise par une souplesse qui tient compte du fait que tous les pays de la rive sud de la Méditerranée n’entretiennent pas des relations normales avec Israël. Il propose des possibilités de travailler dans le respect des positions de l’Algérie, comme dans le cas du processus de Barcelone. L’UPM complète le processus de Barcelone qui lui n’a pas permis la normalisation des relations avec Israël. » Et d’ajouter que « le processus de normalisation est pris en charge par d’autres débats et instances et la position arabe comme adoptée par le sommet de la Ligue arabe est claire là-dessus, la normalisation est conditionnée par la contrepartie de retour à la situation d’avant 1967 avec le retour à la restitution des terres à tous les pays arabes. Cette condition n’est pas inscrite dans le cadre de l’UPM », note le ministre, en précisant toutefois qu’« il ne faut pas considérer que l’Algérie veut se dégager de ce projet, elle s’exprime davantage dans la clarification de cette question ». Tout comme le cas du conflit du Sahara occidental, le même responsable indique : « Il n’y a pas de dimension dans ce projet d’union à la discussion des questions qui sont gérées au niveau du Conseil de sécurité. » Toutes les questions qui restent encore en suspens seront abordées lors d’une réunion des ministres des Affaires étrangères des pays membres le 12 juillet prochain — c’est-à-dire la veille du sommet de Paris — afin d’aboutir à une déclaration commune dans laquelle se retrouveront tous les futurs membres de l’UPM. « Chacun donnera son point de vue officiel et l’Algérie libérera sa position lors de cette rencontre », conclut Medelci.

Propos :

– Bernard Kouchner : « L’UPM n’est plus une initiative française »

Interrogé par la presse au sortir des travaux de la 15e conférence, le chef de la diplomatie française, Bernard Kouchner, s’est voulu avare en déclarations et se contentera de dire pour affirmer la collégialité de la création de l’UPM que « le projet d’union pour la Méditerranée n’est plus une initiative française, mais une initiative entre le Nord et le Sud. C’est l’initiative de chacun d’entre vous », précise-t-il.

– Bernard Bajolet : « Le Canard enchaîné n’est pas le porte-parole du gouvernement français »

Interrogé en marge des travaux de la 15e conférence des ministres du forum méditerranéen, l’ambassadeur de France en Algérie, Bernard Bajolet, a démenti l’information rapportée par le journal français Le Canard enchaîné affirmant que l’ambassadeur français avait déclaré qu’il y aurait « une montée de l’islamisme radical dans les rangs du pouvoir algérien ». « Le Canard enchaîné n’est pas le porte-parole du gouvernement français », s’est contenté de répondre Bernard Bajolet.

Par Nadjia Bouaricha