Sommet de l’UPM : Des pays arabes agitent la menace de boycott

Sommet de l’UPM : Des pays arabes agitent la menace de boycott

El Watan, 15 mai 2010

L’Espagne et la France ont exprimé, ces derniers jours, de fortes craintes de voir le conflit palestino-israélien faire capoter le sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union pour la Méditerranée (UPM) dont les travaux doivent se tenir, le 7 juin prochain, à Barcelone en Espagne.

Ces inquiétudes sont justifiées dans la mesure où de nombreux pays arabes ont tout simplement menacé de faire l’impasse sur cette réunion dans le cas où le ministre israélien des Affaires étrangères, l’ultranationaliste Avigdor Lieberman, venait à y prendre part. L’information rapportée mardi dernier par PNN (Palestine News Network) précise en outre que cette menace a été émise en premier lieu par l’Egypte et la Syrie. Sans infirmer l’information, le porte-parole du Quai d’Orsay (ministère français des Affaires étrangères) a fait savoir le même jour que « les pays membres de l’UPM ont toute latitude pour déterminer la composition de la délégation qui les représentera au sommet de Barcelone en juin ».

En langage diplomatique, cette déclaration peut effectivement vouloir dire que des pays arabes ont d’ores et déjà informé Paris et Madrid qu’ils ne seront pas représentés au sommet de l’UPM par leurs leaders respectifs. Dans l’espoir, sans doute, de sauver ce qui pourrait encore l’être de ce sommet, la France n’a pas manqué, à l’occasion, de rappeler l’importance d’une institution comme l’Union pour la Méditerranée et appelé, par conséquent, « l’ensemble des pays membres à concourir au succès de l’UPM, dont la logique de solidarité et de coopération autour de projets concrets doit être privilégiée (…) ». A l’inverse de l’Espagne et de la France, la perspective d’un boycott par les pays arabes du sommet de l’UPM de Barcelone ne semble pas déranger Israël.

Malgré l’opposition exprimée à son égard par des pays comme l’Egypte et la Syrie, le ministre israélien des Affaires étrangères, Avigdor Lieberman, a annoncé qu’il prendrait part au sommet de l’UPM. « J’ai l’intention d’y être et j’y serai. Nous ne nous imposons pas, mais personne n’a le droit de déterminer la composition de la délégation israélienne », a-il affirmé la semaine dernière à la presse. Une information rapportée par l’AFP mardi dernier a confirmé que le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, a lui aussi l’intention « de prendre part au sommet ».

Les financements, l’autre casse-tête de l’UPM

Le refus des dirigeants arabes de se rendre à Barcelone s’explique par le fait qu’il y a plusieurs mois, Avigdor Lieberman, le chef du parti ultranationaliste Israël Beiteinou, avait provoqué l’ire du Caire en disant crûment à Hosni Moubarak d’« aller au diable » après un refus du président égyptien de se rendre en Israël. Avigdor Lieberman est aussi décrié dans le monde arabe pour ses positions vis-à-vis des Palestiniens, dont il dénie le droit d’avoir un Etat indépendant. Mais c’est surtout à cause du massacre à grande échelle perpétré par Israël à Ghaza entre décembre 2008 et janvier 2009 que les pays arabes ont décidé de boycotter toute rencontre où serait notamment convié Avigdor Lieberman. A ce propos, le chef de la diplomatie égyptienne, Ahmed Aboul Gheit, avait précisé en 2009 que le refus de rencontrer M. Lieberman dans le cadre de l’UPM constituait une « position commune » arabe et pas seulement celle du Caire.

Cette position a d’ailleurs déjà conduit au report d’une réunion ministérielle de l’UPM prévue à Istanbul. L’autre élément de nature à conforter la position des Etats arabes est la poursuite, actuellement, de la construction de nouvelles colonies israéliennes dans les territoires palestiniens.

Encore en pleine phase de construction, l’UPM – qui est un projet lancé à l’initiative de la France en juillet 2008 et regroupant 43 pays – pourrait ne pas résister à un nouveau boycott des pays arabes. En avril dernier, le conseiller spécial du président français, Henri Guaino, a d’ailleurs lui-même avoué à la presse que cela tient du miracle si l’UPM a pu survivre au conflit de Ghaza. « Seuls les dirigeants sont capables de transgression. S’ils ne viennent pas, on ne redonnera pas d’impulsion politique », a-t-il expliqué lors du dernier Forum de Paris. M. Guaino a ajouté avec beaucoup de franchise que même les hauts fonctionnaires, réunis récemment, n’ont pas été en mesure de trouver les fonds nécessaires au financement du siège du secrétariat général, à Barcelone.

Eu égard à ces nombreuses difficultés, l’ancien ministre français des Affaires étrangères, Hubert Védrine, a d’ailleurs suggéré de revoir les ambitions de l’UPM à la baisse. Bien triste bilan, en effet, pour une institution sur laquelle étaient fondées, il y a deux ans, de grandes ambitions en Méditerranée.

Par Zine Cherfaoui