La troisième voix
par M. Saadoune, Le Quotidien d’Oran, 26 août 2013
Les inspecteurs de l’ONU vont commencer aujourd’hui à enquêter sur le site de l’attaque chimique présumée près de Damas. Le gouvernement syrien qui a affirmé n’avoir pas utilisé d’armes chimiques dans le conflit a accepté d’observer un cessez-le-feu durant la visite des inspecteurs. Il n’est pas certain que cette disponibilité de Damas change quelque chose dans le bellicisme affiché de certaines capitales occidentales, celles-ci ayant déjà décidé que le régime syrien était coupable.
Le déploiement militaire américain en Méditerranée est clairement affiché comme relevant d’une option d’intervention militaire. C’est le souhait d’une partie de l’opposition syrienne. D’autres opposants qui conservent leur indépendance vis-à-vis des puissances étrangères, occidentales ou arabes, s’en inquiètent ouvertement. Ces opposants, à l’image de Haytham Menaa qui, sans surprise, n’a pas droit de cité dans les médias occidentaux et les satellites arabes, refusent une telle intervention. Ce n’est pas une raison pour qu’on ne rende pas compte de cette « voix» syrienne. Menaa qui est le président de l’instance de coordination nationale des forces du changement démocratique considère que les puissances étrangères, occidentales et régionales trouvent « intérêt à la poursuite de la guerre d’usure en Syrie». Tandis que certains de ceux qui sont au pouvoir à Damas sont dans l’illusion d’une capacité à trancher la situation par des voies militaires. Des choix qui, dit-il, ne «se soucient guère de l’humanité des Syriens, du sang des Syriens, des infrastructures de la Syrie et de l’unité territoriale de la Syrie».
Cette troisième voix – et voie – syrienne s’époumone depuis de longs mois à appeler à la sortie «immédiate» du pays de tous les combattants non syriens, l’arrêt de l’armement des différentes parties et des tueries et des destructions. La logique de guerre est imposée par l’ensemble des parties alors qu’outre les réfugiés, la moitié de la main-d’œuvre syrienne est au chômage forcé sans aucun revenu. Ces acteurs ont condamné le peuple syrien «à la mort sanglante ou à la mort lente». Menaa dénonce l’utilisation des armes chimiques et veut que l’équipe de l’enquête de l’ONU aille sur le terrain et vérifie scrupuleusement les faits. Selon lui, les données disponibles montrent que l’arme chimique utilisée à la Ghouta est de fabrication locale. Quant à la partie qui l’a utilisée, «nous œuvrons à le vérifier par nos propres moyens». C’est la raison, a-t-il dit, qui «nous pousse à ne pas faire de déclarations hâtives sur cette question».
Mais d’une manière générale il estime que cette horrible affaire d’armes chimiques ne doit pas servir d’écran de fumée au fait que les Syriens meurent quotidiennement à cause des «bombardements aveugles» de l’armée, des «crimes de la chabiha», des «explosions et des opérations suicides terroristes», des enlèvements récents de plus d’un millier de Syriens sur des bases confessionnelles et dont certains ont été «retrouvés dans des fosses communes». Pour cette troisième voix syrienne, une intervention armée étrangère ne fera qu’accentuer la plongée dans les horreurs. Cette voix est trop juste, trop «syrienne» pour être entendue par la prétendue «communauté internationale».