Des aveugles dans la guerre

Des aveugles dans la guerre

par M. Saadoune, Le Quotidien d’Oran, 26 septembre 2013

Tous les opposants syriens ne sont pas des «Chalabi» mais chez la plupart la haine du régime est devenue une sour-ce d’aveuglement. A force de refuser, par suivisme aux «conseils» extérieurs, toute approche négociée avec le régime – avec qui le faire sinon ? -, ils ont cessé de voir une réalité d’un terrain dominée par des groupes djihadistes locaux et étrangers. Les monarchies du Golfe et les Occidentaux – si en pointe contre le terrorisme djihadiste ailleurs ! – n’ignoraient rien de cette réalité.

Pour les monarchies du Golfe, c’est une vieille habitude. Ils ont les dollars et les émetteurs de fatwas qui vont avec pour organiser l’afflux de candidats au djihad de l’ensemble du monde arabe et même d’ailleurs. La Russie, elle-même, indique que quelques centaines de ses nationaux se trouvent en Syrie. Les Occidentaux, eux, ont œuvré à minimiser l’importance de cet aspect, non par ignorance, mais parce que l’objectif primordial était moins la chute du régime que la destruction systématique de la Syrie. L’entrée des acteurs djihadistes non syriens à travers des filières visibles via la Turquie était le moyen d’atteindre cet objectif. Il est largement réussi, la Syrie est déjà largement détruite et la paix est encore loin.

Le rôle des opposants à l’extérieur et notamment de la Coalition nationale a consisté à servir de paravent public acceptable pour justifier les entraves mises par les monarchies et les Occidentaux à toute démarche politique. Les opposants qui n’étaient pas dans cette ligne ont été systématiquement bannis des sonars et des médias occidentaux et arabes. Peu importe que les djihadistes que l’on combat ailleurs deviennent, en Syrie, les fers de lance d’une guerre «sainte» qui, c’est une évidence, ne recherche pas la solution politique. Ce qui compte, c’est la destruction de la Syrie, la perte de ses moyens. Même la très controversée affaire d’utilisation des armes chimiques se termine, de fait, par un affaiblissement supplémentaire puisque la Syrie abandonne son arsenal qui était la «réponse du pauvre» à l’arsenal nucléaire israélien. Cette guerre a déjà un perdant : la Syrie, elle a un gagnant : Israël.

La Coalition syrienne et ses hommes dénoncent systématiquement comme étant des «pro-Assad» tous ceux qui ont défendu la recherche d’une solution politique qui préserve les moyens de la Syrie et lui ouvre un avenir. Mais le terrain finit par rattraper la fiction des jeux médiatiques. Hier, des factions rebelles en Syrie, les plus présentes sur le terrain de la guerre, ont signifié que personne ne les représente à l’étranger. Pas même la Coalition nationale que les monarchies du Golfe ont imposée à la Ligue arabe. Ni la coalition ni le gouvernement d’Ahmed Tomeh ne sont reconnus par ces factions. Même des factions importantes de l’ALS ont signé un communiqué déniant toute représentation à cette coalition. Et ils l’ont signé avec les djihadistes du Front Al-Nosra.

Dans une Syrie où les minorités sont inquiètes et soutiennent de ce fait le régime, le message envoyé par ces factions est sans équivoque : le but n’est pas d’instaurer la démocratie mais la charia. Par les armes. Tous les opposants ne sont pas des Chalabi. Mais il serait temps pour les plus éclairés d’entre eux de se réveiller. S’il y a indéniablement une guerre contre le régime, il y a aussi une guerre entre les factions. Et cela ne gênera en rien ceux dont l’objectif a été en permanence de parvenir à une destruction de la Syrie. Voire même à sa disparition.