Christopher Ross à Laâyoune et Smara

Christopher Ross à Laâyoune et Smara : Mohamed VI roi des flics, pas des Sahraouis

par Salem Ferdi, Le Quotidien d’Oran, 22 octobre 2013

Le passage de l’envoyé personnel du secrétaire général de l’ONU, Christopher Ross, par Laâyoune et Smara a été marqué par des manifestations violemment réprimées par la police marocaine qui n’a pas pu empêcher les Sahraouis de s’exprimer.

Des images diffusées sur Facebook montrent le déchainement des policiers qui s’attaquaient, samedi de nuit, à des habitations de Sahraouis en hurlant : «Nous n’avons qu’un seul roi, Mohammed VI.» A Laâyoune comme à Smara, les deux grandes villes du Sahara Occidental, les habitants ont montré, malgré le déploiement sécuritaire marocain à l’occasion de la visite de l’émissaire onusien, leur attachement à l’indépendance. Tous les moyens mis en œuvre par les services de sécurité marocains n’ont pas empêché les Sahraouis de dire clairement que Mohamed VI n’est pas leur roi. Le déchainement de rage de la police marocaine contre des habitations sahraouies est l’expression violente de son échec à assurer un passage «sans incident» de Christopher Ross. Dimanche, à Laâyoune, et malgré une présence policière forte, plusieurs centaines de Sahraouis ont manifesté pour l’indépendance. L’agence officielle marocaine MAP parle «d’actes de vandalisme et de violence» commis par quelque «400 individus». En réalité, les manifestants étaient bien plus nombreux que le chiffre admis par les services de sécurité et ils ont marché dans les rues malgré une situation de quasi-état de siège imposée par les autorités marocaines en prévision de la visite de Christopher Ross.

RAIDS ET PILLAGES POLICIERS

La violence est venue de la police et non des manifestants. Un responsable local de l’Association marocaine des droits de l’homme (AMDH, indépendante), Hamoud Iguilid, a fait état de dizaines de personnes blessées et hospitalisées à Laâyoune où des policiers en civil se sont attaqués «violemment» aux manifestants. Le comité de défense du droit du peuple sahraoui à l’autodétermination (Codapso) avait décrit samedi une ville quadrillée par les services de sécurité marocains dont de nombreux policiers en civil qui se sont attaqués violemment aux manifestants. Dans la soirée, l’électricité a été coupée dans le quartier de Maâtallah donnant ainsi le signal «d’une vague de raids et de pillages» contre des domiciles de Sahraouis. Une vidéo, postée dans la soirée de samedi, montre le déchainement de violence commis par les policiers marocains, en civil et en tenues. Un déchaînement de violence qui n’a pas dissuadé, le lendemain dimanche, à Smara, des Sahraouis d’exprimer la même défense de l’indépendance lors du passage de Christopher Ross. Une vingtaine de personnes ont été blessées dont une grièvement, selon un responsable local de l’AMDH. Si les autorités marocaines voulaient démontrer que le «calme» règne dans les territoires sahraouis, c’est un échec !

LE ROLE DE LA MINURSO EN QUESTION

Le déploiement policier et les agressions commises par les services de sécurité ne font que démontrer l’importance de voir la Minurso s’occuper des questions des droits de l’homme au Sahara Occidental. La Minurso s’est abstenue de s’exprimer sur les violences policières contre les Sahraouis. De samedi à lundi, entre Laâyoune et Smara, ainsi que dans les camps de réfugiés de Tindouf, Christopher Ross, qui s’est abstenu de s’exprimer, a pu constater que les Sahraouis s’expriment malgré l’état de siège et les violences policières. Hier, l’émissaire de Ban Ki-moon pour le Sahara Occidental s’est envolé pour Nouakchott. Il devrait par la suite passer par Alger pour clore une mission entamée par Rabat. Le Conseil de sécurité de l’Onu doit avoir des consultations sur la question du Sahara Occidental, le 30 octobre prochain. Le dossier est toujours bloqué en raison du refus des Marocains d’accepter le recours au référendum d’autodétermination alors que le Polisario refuse d’y renoncer. En avril dernier, le Maroc avait très mal réagi à une proposition américaine d’élargir le mandat de la Minurso aux droits de l’homme. Les Américains ont fini par renoncer à demander cette extension. Le Front Polisario a choisi de positiver l’évènement en relevant que «l »initiative américaine restera dans le radar aujourd’hui et demain et ne va pas disparaître dans le cadre du suivi par le Conseil de sécurité de la situation des droits de l’homme au Sahara Occidental qui sont bafoués d’une manière systématique et cruelle par le Maroc». Le comportement des services de sécurité marocains, révélateur d’une forte nervosité du pouvoir, montre qu’effectivement la question de l’extension du rôle de la Minurso à la surveillance des droits de l’homme reste plus que jamais d’actualité.