L’Espagne juge inacceptable le statu quo au Sahara Occidental
AL-AYOUN, SOUS HAUTE SURVEILLANCE POLICIERE
L’Espagne juge inacceptable le statu quo au Sahara Occidental
Le Quotidien d’Oran, 11 juin 2005
La police et l’armée marocaines quadrillent Al-Ayoun pour empêcher de nouvelles manifestations populaires. Dans le quartier de Matala, le plus pauvre d’El-Ayoun, au Sahara Occidental qui a été la cible d’une violente répression après des manifestations indépendantistes, fin mai, était quadrillé, jeudi, par la police et l’armée marocaines, a constaté un photographe de l’AFP. Magasins fermés, rues désertes avec, à chaque croisement, une présence policière ou militaire bien visible, le quartier était, entièrement, contrôlé par les forces de l’ordre et ses habitants refusaient de parler à la presse à visage découvert. Mais certains d’entre eux ont montré l’intérieur de leurs demeures, entièrement dévasté par ce qu’ils affirment être les raids de policiers et soldats au moment des manifestations tenues du 24 au 29 mai. Portes, fenêtres, lits, télévisions, tous les meubles ont été brisés par les forces de l’ordre marocaines qui ont aussi volé des bijoux et des appareils électroménagers, affirment ces témoins anonymes, qui font état d’une vingtaine de maisons ainsi saccagées dans le quartier. Des Sahraouis ont dit «vivre dans la peur» mais en même temps, selon une métaphore utilisée par plusieurs d’entre eux, se sentir «comme des papiers brûlés», qu’aucune violence ne peut plus atteindre. Le préfet (wali) d’El-Ayoun, Mohamed Rharradi, a expliqué à l’AFP que les raids sur les maisons avaient été menés parce qu’elles étaient utilisées pour abriter des réserves de pierres et d’essence servant aux manifestants à fabriquer des cocktails Molotov.
Les manifestations qui se sont déroulées dans la région du 24 au 29 mai, ont fait plusieurs blessés parmi les manifestants. 32 manifestants ont été arrêtés, selon des sources officielles marocaines. Les incidents d’El-Ayoun ont été suivis de manifestations de soutien dans d’autres villes du territoire et certaines universités marocaines.
Les autorités marocaines ont refoulé, coup sur coup, ces derniers jours, deux délégations espagnoles de députés, de membres d’ONG et de sympathisants de la cause sahraouie, venues à El-Ayoun pour s’informer de la répression des manifestations. Ces délégations espagnoles sont accusées par Rabat de chercher à «déstabiliser» le Royaume, a déclaré, jeudi à Rabat, le ministre marocain de la Communication, Nabil Benabdellah. La répression sauvage des manifestations d’El-Ayoun, par les forces marocaines a soulevé une vague de condamnations à travers le monde, notamment en Europe où plusieurs associations et partis politiques ont appelé à l’organisation d’un référendum d’autodétermination, au Sahara Occidental.
Aux Etats-Unis, plus de vingt-cinq parlementaires ont appelé l’administration du Président George Bush, à intervenir pour l’organisation du référendum d’autodétermination du Sahara Occidental. Et le Front Polisario qui lutte pour l’indépendance du Sahara Occidental a réitéré, devant le comité de décolonisation de l’ONU, sa position en faveur d’un référendum d’autodétermination du peuple sahraoui.
Les manifestations d’Al-Ayoun ont relancé le débat sur la nécessité de relancer le processus politique au Sahara Occidental. L’Espagne juge, désormais, inacceptable le statu quo actuel. Le ministre espagnol des Affaires étrangères, Miguel Angel Moratinos a adressé, jeudi, une lettre à ses homologues marocain, mauritanien et aux responsables des relations internationales du Front Polisario, pour souligner que «le statu quo n’est pas acceptable». Après les manifestations qui se sont déroulées du 24 au 29 mai à
El-Ayoun, capitale du Sahara Occidental occupé, le ministre espagnol souligne que «le processus politique dans le contexte des Nations unies se trouve, actuellement, bloqué par manque d’initiatives», selon le texte de la lettre du ministère espagnol. Il appelle le Secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, à pourvoir aux postes vacants liés au problème du Sahara Occidental, en «désignant un envoyé personnel possédant un profil politique suffisant qui pourra commencer sa mission le plus rapidement possible». Il demande également à Kofi Annan de pourvoir au poste, actuellement vacant, de représentant spécial, chargé de la Minurso (Mission des Nations unies au Sahara Occidental). Le ministre espagnol demande ensuite que des consultations aient lieu entre le nouvel envoyé de l’ONU et les parties concernées «pour réactiver le processus de règlement». Il appelle à de «nouvelles initiatives» permettant d’appliquer le droit international et les résolutions du Conseil de Sécurité. La lettre indique, en outre, que le secrétaire d’Etat espagnol aux Affaires étrangères, Bernardino Leon, vient de se rendre successivement à Alger, Tindouf, Nouakchott et Rabat, et a reçu, au cours de ces visites, «un bon accueil». Le Péruvien Alvaro de Soto a abandonné, il y a quelques mois, son poste d’envoyé de l’ONU au Sahara Occidental. L’ONU a réaffirmé, en avril 2004, son soutien au plan Baker. Rabat a rejeté la perspective d’un référendum, considéré comme «obsolète» et «inapplicable», et proposé une «large autonomie définitive» dans le cadre de la souveraineté marocaine, jugée «non négociable».
Synthèse: Hamid Guemache