Sahara Occidental-Maroc: Retour d’écoute
par Mohamed Salah Boureni, Le Quotidien d’Oran, 13 juin 2007
Du côté du Front Polisario, on n’attend pas grand-chose des négociations directes avec le royaume marocain dont le premier round est prévu le 18 de ce mois aux Etats-Unis. N’empêche, le ministre des Affaires étrangères de la RASD, Mohamed Salem Ould Salek, rappelait ce lundi à Alger l’engagement que prendra la partie sahraouie si l’option de l’indépendance l’emportait: la conclusion d’accords avec le trône marocain dans les domaines économique, sécuritaire, politique et humain. La question se pose alors: jusqu’où doit aller le Front Polisario dans ses concessions pour espérer avoir un retour d’écoute marocain en phase avec une solution politique permettant l’autodétermination du peuple du Sahara Occidental ?
Il est fort à craindre que le Front Polisario évolue sur un registre autre que celui dans lequel s’est inscrit depuis des lustres le royaume chérifien. Etant dit que le Maroc n’est pas à sa première version d’un projet d’autonomie sahraouie au sein du royaume et n’a jamais envisagé l’avenir du Sahara Occidental autrement que sous sa tutelle. Car si concessions il doit y avoir, le Maroc s’estime en détenir l’exclusivité puisqu’il a toujours soutenu qu’il n’a rien à prendre mais plutôt à céder au peuple sahraoui.
Dans cette logique qui a d’ailleurs emporté l’adhésion de nombre de pays occidentaux, le Front Polisario a bien des raisons de faire son deuil sur une solution politique qui s’ouvre sur l’autodétermination, avant même d’avoir engagé les négociations avec la partie marocaine. En effet, le Maroc semble d’ores et déjà avoir posé les termes des négociations directes avec la partie sahraouie. Exit les relations extérieures, la défense, l’économie, le contrôle des frontières… le Maroc n’est disponible que pour discuter sur l’opportunité d’un gouvernement régional supervisant la vie quotidienne dans les domaines de l’éducation, du tourisme et les services sociaux. Autant dire un vrai marché de dupes.
D’autant mieux que l’évolution du dossier du Sahara Occidental n’est plus favorable au Maroc et s’éloigne irrésistiblement du plan d’autonomie pour s’engager désormais sur une pente glissante. Et il faut dire que l’intransigeance du Maroc ne procède pas d’une position de force, mais suggère, surtout si la partie sahraouie venait à obtenir gain de cause, d’une crainte d’instabilité du royaume marocain à laquelle la monarchie aura beaucoup de mal à survivre. Telle qu’elle est présentée, la vision marocaine du statut futur du Sahara Occidental n’offre rien de séduisant pour le Front Polisario. Elle souligne plutôt l’incompatibilité de deux intérêts. N’est-ce pas que pour le royaume chérifien, la souveraineté sur ce qu’il considère ses «provinces du Sud» reste non négociable.
Dans cette veine, l’on peut supposer que la partie marocaine ira à Manhasset (Road Island) pour discuter des détails du plan d’autonomie présenté à l’ONU. Rabat n’en fait pas d’ailleurs mystère: le projet constitue «la seule et unique solution» pour mettre un terme à ce conflit sans fin. Pourra-t-on vraiment parler de négociations quand une partie a pris option pour l’annexion alors que l’autre ne jure que par l’indépendance.