Répression à huis clos

Mohammed VI interdit aux journalistes l’accès à el ayoun

Répression à huis clos

El Watan, 11 novembre 2010

Les journalistes étrangers ont été empêchés de se rendre à El Ayoun, prélude à une vaste répression à la suite des émeutes sanglantes de ces dernières 48 heures.Le dernier bilan s’élèverait à 19 morts sahraouis.

Difficile d’avoir la moindre information sur l’évolution de la situation dans la ville d’El Ayoun occupée. Les journalistes étrangers sont empêchés par les autorités marocaines de se rendre sur place, les liaisons téléphoniques avec la ville occupée sont coupées. Des observateurs et des militants d’Organisations non gouvernementales (ONG) sont chassés des territoires sahraouis occupés. Les capitales occidentales s’indignent et passent à autre chose, laissant un peuple se faire massacrer impunément. Sans doute que le Maroc veut une répression sans image et sans témoin. Un massacre à huis clos.

Trois jours après l’attaque sanglante de l’armée marocaine contre le camp de Gdeim Izik, surnommé le «camp de la liberté» (12 km de la ville d’El Ayoun), le bilan de la répression demeure provisoire. Le ministère sahraoui des Territoires occupés a annoncé, dans un communiqué, un nouveau bilan après la découverte de 8 corps aux alentours de la ville d’El Ayoun et a porté ainsi le nombre de victimes sahraouies à 19 morts : «Huit autres corps de victimes sahraouies ont été découverts, hier, non loin du camp Gdeim Izik, aux abords du Rio Dorro. Deux d’entre elles ont été abattues par l’armée marocaine, alors que la troisième a été écrasée par un camion militaire. La quatrième victime est un enfant de sept ans, résidant dans le quartier Douiret, assassiné lors d’une intervention de l’armée marocaine contre les manifestations organisées dans ce quartier. Les quatre autres victimes ont été retrouvées entre la ville occupée d’El Ayoun et oued Sakia El Hamra, dont les circonstances de leur mort demeurent inconnues.»

Le bilan provisoire de l’aveugle répression s’élève ainsi à 19 civils sahraouis assassinés, 732 blessés et 159 personnes portées disparues, a ajouté le communiqué.La tension reste très tendue, selon des responsables du Front Polisario. Certaines sources parlent «d’une véritable chasse à l’homme dans la ville d’El Ayoun occupée. Tous les militants sahraouis des droits de l’homme ont été arrêtés». Cela se passe loin des caméras de télévision et des regards des observateurs étrangers.
Le bilan dramatique de la répression sauvage qui s’abat sur les civils sahraouis rappelle étrangement l’infernale machine à tuer du Hassan II, de 1976 jusqu’au cessez-le-feu, en 1991.

Les autorités marocaines, quant à elles, ont avancé, hier, le chiffre de 11 morts dont 10 sont des militaires, selon l’AFP, prenant le soin d’éviter de parler des victimes du côté sahraoui.Le président la République arabe sahraouie et démocratique (RASD), Mohamed Abdelaziz, a déclaré, hier à Alger, que «la situation à El Ayoun connaît des développements très dangereux. La police marocaine continue de réprimer violemment des populations sahraouies civiles. On a enregistré de nombreux disparus et le nombre de morts risque d’être revu à la hausse». D’après le ministère sahraoui des Territoires occupés, «la ville d’El Ayoun vit toujours sous embargo militaire. L’armée marocaine patrouille dans la ville et a imposé un couvre-feu ; les populations civiles sahraouies sont soumises à une effroyable terreur». Les responsables sahraouis ne cachent pas leur inquiétude quant au sort réservé à leurs concitoyens arrêtés et disparus.

Il faut souligner, à ce sujet, que la responsabilité de la communauté internationale est totalement engagée. Depuis l’intifadha pacifique de mai 2005, les responsables sahraouis n’ont cessé de demander aux Nations unies d’élargir les prérogatives de la Mission des Nations unies pour l’organisation du référendum de l’autodétermination au Sahara occidental (Minurso) aux questions des droits de l’homme dans les territoires occupés. Un appel qui est resté, jusque-là sans écho. Incapable de faire respecter ses résolutions sur le conflit qui dure depuis 35 ans maintenant, l’ONU s’avère impuissante face au soutien actif qu’apporte l’Occident à l’occupant marocain. Le peuple sahraoui ne pourra plus supporter d’autres concessions et rester les bras croisés en comptant ses morts.

Hacen Ouali


Rencontre entre le Front Polisario et le Maroc à New York

Une simple formalité

Les 7, 8 et 9 novembre 2010 demeureront une date historique dans la lutte du peuple sahraoui pour son indépendance

Le Maroc a refusé de discuter d’autre chose que de son plan d’autonomie et les Sahraouis se sont eux aussi accrochés à leur droit à l’autodétermination.

La troisième réunion informelle entre le Front Polisario et le Maroc s’est terminée à Manhasset (New York) comme elle a commencé, c’est-à-dire sans aucune avancée notable. Les projecteurs du monde se sont brusquement éteints sur une rencontre informelle au cachet strictement formel tant les positions paraissaient inconciliables. Une simple formalité pour satisfaire le calendrier onusien.
Déjà fortement minées par le raid marocain sur El Ayoun qui a fait une dizaine de morts, des centaines de blessés et plus de 150 arrestations, les discussions n’ont pas été au-delà de la présentation protocolaire des propositions des uns et des autres pour le règlement du conflit.

L’envoyé personnel du secrétaire général de l’ONU, Christopher Ross, a d’ailleurs reconnu dans son communiqué final lu aux deux délégations que «chaque partie a continué à rejeter les propositions de l’autre comme base de négociations à venir». En d’autres termes, le Maroc a refusé de discuter d’autre chose que de son plan d’autonomie et les Sahraouis se sont eux aussi accrochés à leur droit à l’autodétermination.

Un dialogue de sourds, en somme, qui maintient le terrible statu quo dans ce conflit pour lequel les grandes puissances (la France et les Etats-Unis notamment) refusent obstinément d’appliquer l’esprit et la lettre des chartes des Nations unis et la légalité internationale. Résultats des courses : la délégation sahraouie, partie à New York la mort dans l’âme compte tenu du massacre commis à El Ayoun, est revenue bredouille. Les Marocains, eux, s’en sortent à bon compte, puisqu’ils n’ont pas cédé un pouce sur leur position malgré l’émoi qu’a suscité la répression féroce infligée à des milliers de manifestants pacifistes à la veille de ce tour de table.

Un tour de table informel tout à fait inutile qui a débouché sur deux autres rencontres informelles, en décembre et en janvier prochains. Du menu fretin pour un peuple qui souffre terriblement de la spoliation de ses terres et du pillage de ses ressources, au nez et à la barbe de la communauté internationale et avec la bénédiction des instances onusiennes et européennes.

Le fond et la forme

Maigre consolation : les deux parties se sont entendues sur la reprise «sans délai» des visites familiales par avion sur la base d’une application stricte du plan d’action agréé en 2004. Christopher Ross a aussi annoncé que les parties ont convenu «pour la première fois, d’accélérer l’inauguration de visites par voie terrestre». C’est là le seul trophée de guerre brandi par M. Ross pour meubler un communiqué final sans relief. A défaut de résultat palpable sur un début de solution fondé sur la stricte application des résolutions de l’ONU, l’envoyé personnel de Ban Ki-moon s’est contenté d’encourager ce qu’il a appelé «les approches novatrices, le processus de négociations qui a été demandé par les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies».

Christopher Ross, qui s’était déjà plaint auprès du Conseil de sécurité des blocages marocains, a glissé, sans trop d’illusion sans doute, que «les parties ont commencé à construire une nouvelle dynamique pour la suite du processus de négociation».
Une dynamique fondée sur la reprise des mesures de confiance (qui comprennent notamment les échanges de visites entre familles séparées par le conflit) dirigées par le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés, acceptées par les deux parties et les pays voisins (Algérie et Mauritanie).

Pour ce faire, les quatre délégations ont prévu de se réunir prochainement à Genève avec le Haut-commissariat pour les réfugiés «afin de revoir la mise en œuvre du plan d’action dans sa totalité et d’avancer vers le lancement des visites par voie terrestre».
Dans son communiqué lu devant la presse, M. Ross s’est félicité que le Front Polisario et le Maroc aient tenu «des discussions amples et franches sur les propositions de chacune des deux parties sur le Sahara occidental dans un esprit de respect mutuel». Mais c’était juste pour la forme.

En effet, le chef de la délégation marocaine, le ministre des Affaires étrangères Tayeb Fassi Fihri, a dit ce qu’il pensait à la fin de la rencontre : «Les négociations étaient basées sur le compromis et le réalisme.»Et d’affirmer qu’il n’était «pas question d’imaginer un référendum sur l’autodétermination du Sahara occidental».Son homologue sahraoui, Khatri Addouh, n’en pense pas moins : «Nous sommes ici pour exprimer, une fois de plus, l’attachement des Sahraouis à la voie démocratique pour résoudre un conflit de décolonisation sur la base du respect inaliénable du droit du peuple sahraoui à l’autodétermination et à l’indépendance.» L’impasse est totale et risque de s’inscrire dans la durée.

Hassan Moali


Le département d’Etat exprime ses vives préoccupations»

La délégation du Front Polisario à New York a été reçue, hier, au département d’Etat par la sous-secrétaire d’Etat adjointe chargée des affaires du Maghreb et du Golfe auprès du département d’Etat, Mme Janet A. Sanderson.

M’hamed Khedad, un des membres de la délégation, joint par téléphone hier en fin de journée, a indiqué que «Mme Sanderson a exprimé à la délégation du Front Polisario que le département d’Etat suit avec une attention particulière ce qui se passe dans la ville d’El Ayoun. Elle a exprimé également sa préoccupation et a demandé à avoir tous les éléments» sur les derniers évènements. La sous-secrétaire d’Etat a tenu à remercier la délégation sahraouie d’avoir accepté de prendre part au troisième round de négociations informelles, et ce, malgré la provocation marocaine à la veille de sa tenue, a ajouté M. Khedad.
La délégation sahraouie a saisi l’occasion pour demander «la constitution d’une commission d’enquête indépendante sur ce qui s’est passé à El Ayoun» et également exiger «l’élargissement des missions de la Minurso à la protection des droits de l’homme dans les territoires occupés».
Hacen Ouali