Madrid ne reconnaît pas la souveraineté du Maroc sur le Sahara Occidental

L’Espagne revient à sa politique traditionnelle

Madrid ne reconnaît pas la souveraineté du Maroc sur le Sahara Occidental

Le Quotidien d’Oran, 25 juin 2005

L’Espagne ne reconnaît pas la souveraineté du Maroc sur le Sahara Occidental, a affirmé mercredi au Sénat le ministre espagnol des Affaires étrangères, Miguel Angel Moratinos, cité par l’agence d’information Europa Press.

« Les diplomates espagnols aux Nations unies ont cédé (en 1975) l’administration mais pas la souveraineté sur ces territoires», dans l’attente de l’organisation d’une consultation à travers «l’exercice de l’autodétermination», a-t-il déclaré en réponse à une question du sénateur du Parti populaire (PP) Luis Eduardo Cortes. Le sénateur demandait des explications sur le fait que le consul d’Espagne au Maroc n’était pas allé recevoir les délégations d’élus espagnols qui s’étaient rendus dernièrement dans la ville sahraouie d’Al-Ayoun. Le ministre a souligné que le consul espagnol ne s’était pas déplacé à Al-Ayoun parce que, dans le cas contraire, «l’Espagne aurait reconnu la souveraineté marocaine sur le territoire» du Sahara Occidental.

Du point de vue du droit international, le propos n’a rien d’exceptionnel. L’ONU, qui dispose toujours d’une mission chargée de préparer le référendum au Sahara Occidental (la Minurso), ne reconnaît pas non plus une souveraineté marocaine sur le territoire.

Par contre, au plan politique, ce rappel fait par Miguel Angel Moratinos semble confirmer un recentrage du gouvernement espagnol vers la politique traditionnelle de l’Espagne visant à parvenir à un exercice effectif du droit d’autodétermination des Sahraouis. L’arrivée au pouvoir des socialistes avait été marquée par un réchauffement des relations avec le Maroc – elles étaient plutôt exécrables avec le gouvernement d’Aznar – et, pour la première fois, pointait une tentative espagnole de s’éloigner de l’optique référendaire dans le cadre de l’ONU. De passage à Alger, Rodriguez Zapatero avait soigneusement évité les expressions qui fâchent à Rabat, comme le plan Baker ou le référendum d’autodétermination. Pour éviter la précision des mots qui impliquent une position, le Premier ministre socialiste avait choisi de faire référence à la «légalité internationale», tout comme il avait soigneusement glissé sur la question de l’autodétermination, notion précise en droit international, pour parler d’une solution «juste et définitive qui permettrait au peuple sahraoui de voir le bout du tunnel».

Paradoxalement, c’est désormais l’Espagne qui semble percevoir un changement de position de la France sur la question du Sahara Occidental. Devant le Sénat français, M. Miguel Moratinos avait indiqué que la France était en train de changer de position sur la question, contraignant d’ailleurs le porte-parole du Quai d’Orsay à le rectifier en indiquant que la France soutenait une «solution politique négociée et acceptable par toutes les parties, dans le cadre des Nations unies».

L’apparente convergence franco-espagnole qui s’était manifestée immédiatement avec l’arrivée de Zapatero au pouvoir n’a pas résisté à une situation bloquée. Son objectif, conforme au souhait marocain, était de sortir le dossier des mains de l’ONU et de chercher une bilatéralisation de la question. L’Algérie avait fini par réagir avec vigueur en signifiant à Madrid et à Paris qu’elle n’entendait pas être un interlocuteur de substitution aux Sahraouis.

Tout en poursuivant son objectif d’amélioration des relations avec le Maroc, l’Espagne prenait la mesure du caractère contre-productif d’une politique destinée à mettre l’ONU hors du coup. Aujourd’hui, le gouvernement espagnol l’admet: ce n’est pas un désengagement de l’ONU qui mènera à une solution acceptable mais un engagement plus grand et plus fort de l’institution internationale. Dans une lettre adressée à ses homologues maghrébins, M. Moratinos estimait que le «statu quo» n’était pas acceptable, en appelant M. Kofi Annan à désigner un «envoyé personnel possédant un profil politique suffisant qui pourra commencer sa mission le plus rapidement».

Ce retour en grâce de l’ONU et de l’option référendaire a été encore confirmé par Moratinos, qui a parlé «d’engagement actif» du gouvernement espagnol pour une solution au conflit du Sahara Occidental qui «garantisse le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui» dans le cadre des Nations unies. Pas de quoi faire bondir de joie Rabat…

M. Saâdoune