Grande manœuvre au Conseil de sécurité

Grande manœuvre au Conseil de sécurité

par Kharroubi Habib, Le Quotidien d’Oran, 28 octobre 2007

La résolution 1754 du Conseil de sécurité adoptée le 30 avril 2007, a appelé le Maroc et la RASD à engager des négociations sans conditions préalables. Suite à cette résolution, les deux parties en conflit ont effectivement accepté de se rencontrer autour de la table de négociation. Mais les deux premiers rounds de négociation qui se sont tenus entre elles à Manhasset à New York les 18-19 juin et 10-11 août, ont fait apparaître que la partie marocaine s’en tient toujours à la politique du préalable. Ses représentants ont refusé de discuter avec leurs vis-à-vis sahraouis de toute autre question liée au conflit si le projet «d’autonomie interne» que les autorités marocaines tentent de substituer au référendum d’autodétermination, n’est pas accepté en tant que «solution» au conflit. Il est clair que si le Maroc reste campé sur cette position contraire à l’esprit de la résolution 1754, il ne faut rien attendre de nouveau du troisième round de négociation prévu pour se tenir avant la fin 2007. C’est la responsabilité du Conseil de sécurité de l’ONU d’intervenir dans cette situation bloquée en exigeant que les négociations engagées soient menées conformément aux stipulations de sa résolution 1754. C’est ce que l’instance onusienne aurait dû démontrer dans sa réunion de vendredi consacrée au dossier sahraoui. Ses membres n’ont toutefois pu se mettre d’accord, divisés qu’ils sont sur le contenu d’une nouvelle résolution.

Les amis et alliés du royaume marocain dans le Conseil de sécurité ont pris prétexte de l’impasse dans laquelle sont fourvoyées les négociations entre les deux parties, pour obtenir de l’instance onusienne qu’elle se déjuge en ne référant plus à la clause de «négociations sans préalables». Ce qui reviendrait à donner au projet «d’autonomie interne» la validité et l’officialisation qui lui ont manqué jusqu’à présent.

Le projet de résolution soumis vendredi par le représentant américain et appuyé par celui de la France, a été finalement rejeté parce que par sa formulation il ne désigne pas clairement la partie responsable de l’impasse dans laquelle sont les négociations maroco-sahraouies et qu’elle ne la rappelle pas fermement au respect de ses engagements à l’égard de la communauté internationale. Le Conseil de sécurité se renierait gravement s’il venait à adopter toute autre résolution que celle confirmant sans ambiguïté l’obligation de se conformer à la 1754. Il est manifeste que les autorités marocaines «surfent» sur l’indécision et le manque de fermeté de l’ONU sur le dossier sahraoui. Elles se sentent d’autant en mesure de continuer à défier la communauté internationale que des grandes puissances, la France et les Etats-Unis pour ne pas les citer, ont dans cette affaire privilégié de faire passer leurs intérêts stratégiques et économiques, avant les principes auxquels ils se réfèrent par ailleurs s’agissant d’autres dossiers internationaux. Faute d’un rappel à l’ordre ferme et sans équivoque qu’adresserait le Conseil de sécurité au Maroc lui intimant de rester dans le cadre du plan de paix et de la solution au conflit adoptés par la communauté internationale, c’est l’évidence que les autorités de ce pays vont saborder définitivement les négociations engagées et tenter de mettre en oeuvre unilatéralement leur projet d’autonomie. Avec tous les risques que cette aventure fera peser sur la région et le discrédit qui en rejaillira sur l’ONU.