Le geste de Mohammed VI

Relations algéro-marocaines

Le geste de Mohammed VI

Par Karim Kebir, Liberté, 6 juillet 2005

Dans un message adressé hier au président Abdelaziz Bouteflika, à l’occasion de la célébration de la fête de l’Indépendance, le souverain chérifien a exprimé sa “détermination profonde” à surmonter “les différends” avec l’Algérie.

Décidément, entre Alger et Rabat, on ne finit pas d’alterner les coups de gueule et les coups de cœur. Après les récents échanges “d’amabilités” entre les deux capitales, l’heure est, semble-t-il, à la “réconciliation”.
Dans un message, qui s’apparente à un geste de grande portée politique, adressé hier au président Abdelaziz Bouteflika à l’occasion de la célébration de la fête de l’Indépendance, le souverain alaouite a exprimé sa “détermination profonde à surmonter les différends” avec l’Algérie. “J’aimerais (…) vous réaffirmer ma détermination profonde à continuer d’œuvrer, aux côtés de Votre Excellence, pour promouvoir les liens existant entre nos deux pays et nos deux peuples au niveau de l’amitié sincère qui les lie, et ce, dans une optique globale fondée sur le respect mutuel, le dialogue constructif et l’engagement sincère”, écrit Mohammed VI. “Ceci constitue la meilleure voie pour la réalisation des intérêts communs des deux peuples en matière de développement, de stabilité et de consolidation des fondements de l’union de notre Maghreb arabe par la consécration des rapports de bon voisinage, de la solidarité efficiente et de l’intégration économique en vue d’édifier un espace solide et harmonieux à même de surmonter les différends, quels qu’ils soient”, a-t-il encore indiqué. On l’aura sans douté relevé : l’usage du vocable “différend” renvoie à la question qui continue encore d’empoisonner les relations entre les deux pays, à savoir celle du Sahara occidental.
Cette question à l’origine du report du dernier sommet de l’UMA prévu pour les 25 et 26 mai dernier en Libye. Les déclarations de Abdelaziz Bouteflika à la veille de ce sommet, réaffirmant son soutien à la RASD, ont piqué au vif le souverain marocain qui a décidé sine die de surseoir à sa participation. Il n’en a fallu pas plus pour assister à une escalade verbale entre les deux capitales.
Même la visite du Chef du gouvernement algérien Ahmed Ouyahia, que devaient accompagner Belkhadem et Zerhouni, prévue pour le 21 juin dernier, a été annulée par Rabat, l’ayant jugée “inopportune”. Ce nouveau message constitue-t-il donc une volonté de transcender ce qui peut être qualifié comme un simple orage d’été ? S’il faut sans doute se garder de tirer des conclusions hâtives, tout porte à croire, au regard de la conjoncture, que le Maroc y est contraint. Pressé de toutes parts, notamment par l’Espagne dont le ministre des Affaires étrangères, Miguel Angel Moratinos, vient de réaffirmer son option à l’autodétermination du peuple sahraoui dans le cadre de l’ONU, le royaume fait face depuis mai dernier à une violente contestation dans les territoires occupés.
Les problèmes économiques aidant, quelques revers diplomatiques comme la reconnaissance du Kenya récemment de la RASD, après celle de l’Afrique du Sud en septembre 2004, ont fini par contraindre le royaume à se tourner vers son voisin de l’Est dont le destin, comme le relève d’ailleurs le souverain alaouite, est lié par l’histoire commune.
À moins d’une autre “manœuvre” destinée à vendre l’image à l’opinion internationale selon laquelle le royaume est animé d’une “bonne volonté”, ce message peut constituer cependant l’entame d’un nouveau départ pour des relations apaisées entre les deux parties. Si le chemin apparaît ardu, il reste à savoir qu’elle serait la réaction d’Alger.

KARIM KEBIR