Dialogue de sourds

Dialogue de sourds

par M. Saâdoune, Le Quotidien d’Oran, 30 avril 2007

A la veille de l’examen par le Conseil de sécurité du dossier du Sahara Occidental, le Front Polisario s’est dit prêt à entamer des « négociations directes » avec le Maroc sous le patronage du secrétaire général de l’Onu. L’objectif de telles négociations serait de permettre aux Sahraouis d’exercer leur droit à l’autodétermination.

Cette démarche est conforme à l’esprit du rapport du secrétaire général de l’Onu qui a appelé à des négociations directes entre les deux parties. Le Conseil de sécurité, qui doit accorder aujourd’hui une nouvelle prorogation de six mois à la Minurso, va entériner l’appel du secrétaire général de l’Onu à des négociations directes entre les deux parties.

Mais est-ce suffisant ? L’appel du Polisario à l’ouverture de négociations directes a été d’emblée fraîchement accueilli à Rabat. Le contraire aurait été bien surprenant. Rabat, qui est engagé dans une bataille diplomatique pour faire avaliser, avec l’aide de Paris, Madrid et Washington, un contournement du principe de l’autodétermination, n’attend rien du Polisario, ni d’ailleurs des négociations suggérées par Ban Ki-moon. Le seul objectif de la diplomatie marocaine est d’obtenir une reconnaissance internationale de son plan d’autonomie. Cet objectif a été bien près d’être atteint avec un projet de résolution dont la formulation faisait du plan d’autonomie marocain le sujet quasi unique des négociations entre les parties. On attend d’ailleurs la version finale de la résolution pour voir si cet évitement, tiré par les cheveux, du principe de l’autodétermination, constamment réaffirmé par l’Onu au cours des dernières décennies, a été repoussé.

Mais en tout état de cause, les prises de position de ces derniers jours et les propositions de solution mises sur la table n’incitent guère à l’optimisme. Les deux parties s’opposent sur le fondement même de la solution. Le Maroc ne veut négocier que sur la base d’un renoncement du Polisario à l’autodétermination. Le Polisario a réaffirmé son attachement « inébranlable » à ce droit. Les termes du débat restent donc les mêmes.

Le Conseil de sécurité va donc appeler à des négociations « directes » entre les deux parties, qui risquent, si elles ont lieu, de ne mener nulle part. Il n’y a rien de nouveau dans le dossier du Sahara, même si l’Espagne et la France font mine de croire que le plan d’autonomie marocain contiendrait des éléments nouveaux susceptibles d’impulser une dynamique de solution.

Car, au-delà de la langue de bois des diplomates, le dilemme est d’une grande simplicité: tenir un référendum d’autodétermination ou non. Le Maroc n’en veut pas; Madrid, Paris, Washington soutiennent Rabat. Tous les membres du Conseil de sécurité ne sont pas partisans de jeter aux oubliettes toutes les résolutions précédentes de l’Onu consacrant ce principe d’autodétermination.

De plus, en adoptant le plan Baker II et en renonçant à le mettre en oeuvre au nom du postulat qu’aucune solution ne doit être imposée à une partie, le Conseil de sécurité ne s’est pas donné le moyen de la crédibilité. A plus forte raison si cette instance suggère une solution aux antipodes de la logique de l’autodétermination, qui demeure la référence dans le dernier rapport du secrétaire général de l’Onu. Les négociations suggérées risquent de n’être qu’un dialogue de sourds.